Les images du policier québécois qui tire une étudiante sans arme dans la figure avec un Muzzle Blast 35 mm à une distance d’environ un mètre font actuellement le tour de la planète. Plutôt que de remettre en question cette méthode de contrôle de foule, la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a réagi à la vidéo de l'intervention policière en se disant simplement troublée. Ce sont pourtant les actions de son gouvernement qui ont entraîné ces manifestations. Si les compressions imposées par le gouvernement Couillard ne touchent pas les amis du parti libéral, ils attaquent sévèrement les étudiants, les employés de la fonction publique, les résidents de régions éloignées et les parents d’enfants dans les garderies de la province entière. En réaction, les manifestations se succèdent et des dizaines de milliers de personnes sont déjà descendus dans la rue pour dénoncer les mesures d'austérité. Ces manifestations que la police tente de réprimer si violemment ne sont cependant qu’une introduction aux moyens de pression à venir. Les associations étudiantes espèrent réunir 80 000 personnes le 2 avril, pour une grande marche nationale.

S’ils manifestent dans les rues, c’est que beaucoup de Québécois ne croient pas les raisons que donne le gouvernement pour ces compressions. Son manque de transparence et son empressement à revenir à l'équilibre budgétaire malgré les avis des experts amènent toute sorte d’interrogations. L’austérité budgétaire n’est plus vraiment considérée comme la meilleure méthode pour redresser les finances d’un gouvernement. Un étudiant américain, Thomas Herndon, a trouvé il y a quelques années que c’était une erreur de calcul qui faisait croire aux bienfaits de la politique de rigueur appliquée en Europe. Deux Prix Nobel, Paul Krugman et Joseph Stiglitz, critiquent régulièrement ceux qui croient encore dans l’austérité budgétaire. Dans son dernier livre Paul Krugman affirme qu’en plus d’être inefficace, elle tue l’espoir des citoyens de s’en sortir. Pour le lauréat du prix Nobel 2001 d'économie, Joseph Stiglitz, elle aggrave même les problèmes d’inégalités entre les différents groupes sociaux.

Le gouvernement du Québec est au courant de cette situation pour en avoir été averti. Plus des deux tiers des répondants à un sondage qui a été fait parmi les membres de l’Association des économistes québécois estiment que le gouvernement ferait mieux d’étaler sur deux ans plutôt qu’une seule l’atteinte de l’équilibre budgétaire. Le très estimé économiste québécois, Pierre Fortin affirme même que la situation budgétaire actuelle des finances publiques ne justifie pas la précipitation du gouvernement. Il vaudrait mieux comprimer les dépenses d’un milliard de dollars par année pendant quatre ans plutôt que de couper ces quatre milliards la première année. Tous ces économistes sont d’accord sur un point. L’austérité pourrait retarder la relance économique et faire inutilement mal à la population. Puisque les raisons que donne le gouvernement sont peu convaincantes, les étudiants croient que le parti libéral s'acharne plutôt à détruire l'ensemble des services publics. Ils se préparent donc à protéger leur futur. Les organisations caritatives du Québec sont du même avis. Huit fondations privées craignent aussi un accroissement des inégalités sociales. Les appels à une manière plus posée de gérer l’économie de la province viennent de partout.

Actuellement, le gouvernement du Québec ne semble plus capable de répondre aux besoins de la population en matière de développement régional, de santé, de services sociaux, d'éducation, de petite enfance et même de retraites. À voir ces actions et les vidéos qui circulent, il est difficile de croire que c’est un gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple. Ces coupures accroissent les inégalités sociales et Philippe Couillard semble vraiment gouverner pour les gens les plus riches de la population du Québec. L’atteinte de l’équilibre budgétaire en 2015-2016 paraît de plus en plus maintenant comme une excuse pour permettre au gouvernement d’infliger le plus de dommage économique possible à ses opposants politiques.

Michel Gourd