France : Nicolas Sarkozy marque, mais cherche toujours la règle du jeu
Nicolas Sarkozy, dont le retour sans flamme inquiétait jusqu'aux plus fidèles, tire les bénéfices du bon score de l'alliance UMP-UDI-MoDem aux départementales, mais ce plébiscite en trompe-l'oeil est loin de lui assurer un sésame idéologique pour 2017.
"Sarkozy a beau jeu de tirer la couverture à lui, mais il gagne quand même avec la stratégie d'Alain Juppé", résume un cadre de l'UMP. Ce paradoxe politique, que l'ancien chef de l'Etat a su habilement exploiter en se plaçant dimanche à la tête de "l'alternance en marche", a suscité la réplique immédiate du maire de Bordeaux, qui a souligné "le succès de la dynamique qui s'est créée autour du rassemblement de la droite et du centre".
Une stratégie, a précisé Alain Juppé, "que j'ai préconisée constamment au cours des derniers mois", une plateforme commune avec l'UDI et le MoDem contre l'avis de Nicolas Sarkozy, violemment hostile à un rapprochement avec François Bayrou, qui reste pour lui l'homme qui a précipité la défaite en 2012.
La percée du Front national et sa plausible qualification pour le second tour de la présidentielle changeant la donne, c'est en drainant électeurs du centre et du centre-gauche que la droite peut espérer virer en tête et s'imposer in fine en 2017.
Ce calcul, les sarkozystes sont loin de le partager, eux qui voient dans le succès des départementales les vertus d'"une droite offensive", traduction diplomatique de la "droite décomplexée" défendue en son temps par Jean-François Copé.
"Pas de compromis avec le FN, mais des thèmes très forts d'une droite qui assume ses idées", explique Laurent Wauquiez, secrétaire général de l'UMP. "La ligne populaire est celle qui fonctionne", selon Brice Hortefeux. Le politologue Thomas Guénolé dénonce "une ruse" dans l'analyse.
"Le bloc UMP-UDI-MoDem fait le même score que séparément aux européennes, quand c'était Jean-François Copé qui présidait l'UMP. Conclusion, il n'y a pas d'effet Sarkozy", affirme-t-il.
Lors des européennes de 2014, l'UMP avait recueilli 20,81% des suffrages, l'alliance UDI-MoDem 9,94%. L'UMP-UDI-MoDem a obtenu dimanche soir 29,4% des voix. "Etant donné que Nicolas Sarkozy a beaucoup droitisé son discours pendant les derniers jours de la campagne, la conclusion qui risque d'en être tirée à l'UMP, c'est qu'il faut faire une campagne très droitière alors que c'est plutôt vers le centre que l'UMP a une chance de trouver un espace politique par rapport au FN", juge le politologue Philippe Cossalter.
Nicolas Sarkozy, qui semble s'être résolu à une primaire ouverte en 2016, sait que la victoire face à la ligne modérée d'Alain Juppé puisera aux sources contradictoires de la "droitisation" et du centrisme. "Ce que tente Nicolas Sarkozy, c'est une espèce de synthèse. Il n'est pas totalement sur la ligne de la course à l'échalote avec le FN, il a pratiqué très pragmatiquement l'alliance avec Lagarde, il essaye d'être au point d'équilibre de l'UMP. Ce n'est pas joué", note Jérôme Fourquet (Ifop). L'exercice est périlleux et difficilement lisible dans l'électorat UMP, partagé quasiment à moitié entre tenants d'une droite radicale et chiraquo-centristes.
Ainsi le président de l'UMP s'est-il entretenu lundi avec le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde, opposé à la doctrine du "ni ni" pour le second tour, avant de présider le bureau politique de l'UMP qui devait entériner la consigne du "ni Front républicain, ni Front national". L'UDI a appelé à "faire barrage à l'extrême droite", à l'instar d'Alain Juppé qui dit respecter la ligne du parti tout en revendiquant une "position qui n'a pas varié" face au FN.
"C'est le droit de l'UDI, ça ne me pose aucun problème. En ce qui nous concerne, nous ne voterons ni pour le FN, avec lequel nous n'avons rien à voir, ni pour le Parti socialiste dont nous combattons la politique", a dit Nicolas Sarkozy.
Pour Philippe Cossalter, "c'est le prélude à une période de relative incertitude et de tensions internes à l'UMP". Le congrès du 30 mai prochain, dont Nicolas Sarkozy entend faire un tremplin vers la présidentielle, posera la question de la ligne politique, à défaut de la trancher.
Reuters
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