Les délires de l’Ecole algérienne
Du rire jaune au délire noir, l’école algérienne ne nous a rien épargné.
À force de sourire au bouffon, on a fini par devenir philosophe : une année scolaire sans grève c’est louche. Einstein disait qu’on ne peut résoudre les problèmes avec ceux qui les ont créés. L’Algérie et son école en particulier ont résolu tous les problèmes avec l’argent du pétrole, don de Dieu au service du FLN-Caviar qui compte sur les milliers de mosquées pour faire prier les parents résignés au bac du "seuil" ajouté à celui du "CD". "… l’instrument par excellence de la catastrophe algérienne de longue durée dans tous les secteurs de l’activité humaine n’est autre que le système éducatif dégradé, schématisé, réduit à un simulacre naïf depuis une trentaine d’années parce qu’on y a introduit l’idéologie de la médiocrité et de l’arrivisme facile et l’idéologie tout court …" Ainsi parlait Mostefa Lacheraf, ex ministre de l’Education du temps des professeurs sans bac avant l’internet les diplômes universitaires du copié-collé et les grèves chroniques alimentées par les pétrodollars. Cette fois-ci, sans rire, les intéressés se disent ne pas être intéressés par l’augmentation des salaires, mais seulement à la promotion automatique et la retraite anticipée. Ils veulent le parapluie doré des patrons qui mènent le monde. Seulement une promotion sans augmentation du salaire, c’est quoi ? C’est quoi, une retraite au bel âge de 50 ans, toujours jeune et pas encore vieux, l’idéal pour rêver d’une nouvelle activité ? À moins d’imaginer nos enseignants faire du bénévolat auprès des exclus de l’Education ou mieux écrire leurs mémoires genre comment jouir des privilèges du noble métier dans l’exception algérienne.
Partout dans le monde, on sait que pour être riche, il faut éviter le métier d’enseignant à l’exception des "stars-système" aux diplômes souvent honorifiques que recrutent les plus grandes universités pour leur publicité. Satisfaire les grévistes ferait des jaloux surtout parmi leurs aînés, ces vieux rebelles que le Système a mis en retraite anticipée avec une pension-aumône pour s’en débarrasser. Des jaloux parmi ceux qui avaient boudé l’enseignement, hier, tout juste bon pour la gente féminine. Décidément ces râleurs du Cnapest vont pousser l’Etat à "ouvrir" l’Institution à l’image de l’économie. Pas de risque d’avoir comme collègues ces as de Finlandais. On se contenterait des Chinois adaptables aux délires des autres. Pour le moment, sécurité oblige, l’école est la seule usine qui fournit la police, l’armée et les Daech pour secourir les moins prévoyants des pays frères. Dans le rapport de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture, 2012, pour les pays arabes, on peut lire sans surprise que si ces derniers ont participé avec entrain aux études TIMSS (mathématiques, sciences…) tous ont refusé par contre de participer aux études CIVED (éducation civile, sciences sociales…).
L’Algérie est un pays arabe donc l’éducation civique n’existe pas. Traduction, il n’existe aucun citoyen encore moins un citoyen gréviste. Comment l’école peut posséder un syndicat autonome qui défend les droits des citoyens enseignants ? Même en France, pays inventeur des grèves à répétions, c’est le patronat, nous révèle la presse, qui finance les syndicats d’où le succès des délocalisations, la vie de pacha des représentants permanents des travailleurs et les nouveaux bâtons dans les roues des grévistes... Sérieusement, on ne peut que leur donner raison quand la sardine se prend pour une crevette royale à 800 dinars le kilo. On ne peut que leur donner raison quand on compare le député au maître. Le premier se contente de lever la main de temps en temps empochant le SMIC chaque jour que Dieu fait, tandis que l’autre touche le SMIC tous les 10 jours à peu près avec obligation de faire ses heures et corriger les copies de ses cancres. Seule consolation, l’enseignant peut rêver de devenir député, pas le contraire. Tout a été dit sur l’école algérienne. Le mal vient de loin, des racines empoisonnées dès la remise des clés. Les grèves ne sont que le côté risible de la chose. Le Système cannibale se dévore malgré la purge des années 1960-1970.
Aujourd’hui l’enseignant né en 1962 a 53 ans, parfait pour une retraite après 25 ans de bons et loyaux services. À aucun moment il n’a fait grève pour son élève ou mieux penser à lui dire merci puisque finalement c’est le petit qui trinque. Exemple d’un merci simple : exiger que les portes des établissements s’ouvrent automatiquement quand un élève veut rentrer comme elles s’ouvrent pour l’enseignant gréviste ou pas. Il y a quelques jours, un élève de 12 ans, dont les enseignants n’ont pas fait la grève, est mort écrasé par un train parce que le gardien n’a pas voulu lui ouvrir la porte pour cause de retard. Le plus drôle, c’est qu’il a laissé les filles rentrer pas les garçons. La loi de la discrimination sexuelle par ricochet… Si l’économie d’un pays est lié à son école d’après les experts, ce n’est tout de même pas aux enfants, ces êtres immatures, d’assumer seuls le sauvetage avec des parents et des enseignants peureux cupides incompétents et démissionnaires. Dans cet immobilisme partagé, l’honorable institution compense son lamentable classement par le record de ses grèves au point où la grève ne veut plus rien dire. On a tout connu, de la grève annuelle semestrielle mensuelle hebdomadaire... Il faut rappeler, la plus intéressante, la désintéressée c'est-à-dire la plus «morale». Celle de la wilaya de Boumerdes qui a duré 3 mois du temps de l’ascension du FIS dont les deux leaders précisons-le étaient des enseignants. Dur métier à cette époque-là, pourtant le débrayage s’est fait à partir d’un fait divers sans lien avec l’augmentation des salaires ni promotion automatique ni retraite sur mesure.
D’après la rumeur made in bled et presse nationale 0 % investigation, une enseignante a frappé son élève, le père illico porta plainte. Convoquée, l’accusée prend son conjoint pour défenseur tout honneur. Un policier nerveux gifla ce dernier provoquant ainsi la fermeture de toutes les écoles d’une wilaya à 50 km d’Alger durant tout un trimestre. Les enseignants, loin d’être des idiots, se sont juré de ne plus râler sans gagner. Certes, hier, le professeur de l’université gagnait le salaire d’une femme de ménage d’aujourd’hui, mais il vivait mieux et plus longtemps. Maintenant, il roule dans une voiture neuve plus fragile sur une autoroute plus dangereuse que l’ancienne piste dans sa carcasse antédiluvienne. Ajoutons que l’internet a bien facilité sa profession, à défaut d’inventer, il tchatche. Certes, on ne peut donner à César que ce que César demande. Pourtant, il était bien placé pour faire des revendications plus intelligentes. C’est curieux de remarquer que ceux qui usent et abusent de la grève sont les moins exploités, les moins infortunés et les plus respectés des travailleurs : les pilotes, les médecins et les enseignants. Ce n’est pas un éboueur qui va faire la grève encore moins ce père de famille qui a préféré se suicider suite à la fermeture de son usine…Quand la société pleure sur ses bienheureux et rit sur ses misérables, les enfants regardent. Ils regardent tous les adultes et aucun adulte ne les regarde. Ils ont de la mémoire et de l’évasion : télés, internet, cigarettes, malbouffe, violence, drogue, délinquance etc. Si une fillette de 10 ans prépare une licence en maths dans une université à Londres, ce n’est pas l’école de sa Gracieuse majesté qui l’a formée, elle n’y a jamais mis les pieds. C’est sa maman qui s’en est chargé. Aujourd’hui partout dans le monde, l’école publique est en faillite, à vouloir faire une école pour tous on a fait une école au rabais pour tous. La politique a détruit l’école en bousillant les capacités naturelles de l’enfant. 80 % au bac avec un programme national c’est de l’utopie ne pouvant servir qu’une campagne électorale. Dans les pays arabes dit le rapport de l’ONU 2012, il y a en plus un dénominateur commun «l’insuffisance profonde de la qualité de l’éducation…, pratiques d’apprentissage mécanique,…année scolaire trop courte…programmes…très centralisés…» En résumé, être enseignant dans un pays arabe c’est moins fatiguant qu’ailleurs. Pour la mécanique, il suffit de donner la feuille copiée du livre officiel au bon élève pour l’écrire au tableau et la leçon est finie. Plus de vacances avec plus d’argent. On s’aperçoit que même les cours particuliers censés donner de la profondeur ne donnent finalement qu’une profondeur locale genre : astuces pour réussir sans suer à l’examen national ? Certes, on peut se plaindre du nombre d’élèves par classe. Mais en Corée du Sud, au Japon…, les classes sont aussi surchargées que les nôtres. Le quota de 10-20 élèves est un luxe occidental, à l’exception des banlieues multiraciales, on ne fait pas beaucoup d’enfants, c’est le règne de l’enfant-roi. Dans le livre "Nos enfants nous haïront", on lit : "…depuis un demi-siècle, on constate que ce n’est plus la famille qui fait l’enfant, mais l’enfant qui fonde la famille." Les auteurs Denis Jeambar et Jacqueline Remy se plaignent des dettes léguées aux générations à venir, de l’incertitude de leur avenir malgré les diplômes universitaires. En Algérie, pays pour adultes avec 0 % de dette, il n’y a que des enfants qui ne sont pas vraiment des enfants puisque c’est à eux de mendier le "seuil" avant de mendier un visa.
Miracle des grèves qui finissent toujours en baraka aux examens nationaux. Pourtant, cette énième grève a quelque chose de pas très net, de délirant même. Quelque chose échappe à l’esprit lambda. Certainement pas au cerveau de la toile d’araignée qui tisse le pays depuis plus d’un demi-siècle renforcé par des proies de plus en plus faciles. Cette grève a réussi à tuer le peu de confiance qui restait dans l’école publique gratuite, à supposer qu’un jour elle l’a été comme l’hôpital gratuit qui préparait aux cliniques privées à 3 millions de centimes le simple accouchement pas plus de 24 h d’hébergement en passant par le vaccin à 7000 dinars et plus pour finir avec des écoles privées pour ceux qui rêvent de voir leurs rejetons, au moins les plus doués, médecins ou ingénieurs, quitte à refaire à zéro leur cursus à l’étranger. Qui rêvent d’une école normale où les enseignants ne font pas de grève, recrutés au CDD (contrat à durée déterminée) où on dépose l’enfant avant l’ouverture des bureaux pour le reprendre après leur fermeture. Un rêve coûteux qui pousse certains à faire de gros sacrifices. Ils le font déjà avec les cours particuliers automatiques. Idem pour les médecins qui orientent automatiquement leurs malades de l’hôpital vers leur cabinet privé ou celui des confrères. Même la grève des pilotes influe automatiquement sur le billet de celui qui pisse du sang pour l’acheter. Peu à peu curieusement on revient à l’école des classes comme on est revenu au mariage de raison comme les riches de ce monde sont revenus à l’alimentation de l’ère agricole en nous refilant la malbouffe industrielle qui a fait leur fortune tout en réservant à leur progéniture les écoles où l’éducation à l’ancienne est restée de rigueur, interdites à la télé et l’internet. On ne sait plus si le CD gratuit est une chance ou un malheur ajouté à la série noire…
Mimi Massiva
Commentaires (5) | Réagir ?
C'est pour cela, Mimi, que dans une contrée où l'enfant est le bien le plus sacré on se prépare à se débarasser de cette crasse.
Quel interet pour le debat de desorienter un si bel article surtout qu'il concerne notre progeniture pour ne pas dire les generations futures à qui profite la brouille du debat ? SI ce n'est pas pour le systeme. Pourquoi on utilise le Matin dz pour saboter nos enfants?