La théorie du chaos sous contrôle (I)

La "réélection" de Bouteflika demeure mystérieuse.
La "réélection" de Bouteflika demeure mystérieuse.

C’est le 29 juin 1992 que fut assassiné Si Mohamed Boudiaf, au moment où il dénonçait la mafia politico-financière et ses alliés islamistes dans un discours retransmis en direct à la télévision. En seulement six mois, il avait réussi à redonner de l’espoir à toute la population. Des millions d’Algériens, surtout les jeunes, ont pleuré la disparition cet homme car ils ont compris que plus rien n’arrêtera l’œuvre criminelle de cette mafia.

Je fais partie des Algériens qui sont persuadés que les traîtres binationaux au pouvoir ont pour mission de poursuivre l’exécution du plan de sabotage confié à l’équipe Chadli qui consiste à détruire progressivement tous les piliers de la nation algérienne pour, au final, instaurer une sorte de chaos qui va les autoriser à imposer de profonds bouleversements au niveau de la société algérienne. La mobilisation des patriotes nationalistes avait mis en échec ce plan dans les années 1990, mais tout démontre que l’instauration en Algérie d’un régime tribal islamique avec l’application stricte de la charia n’est que partie remise.

Ce qui a changé par rapport à l’expérience d’une "vie meilleure" sous Chadli, c’est le recours, à travers le choix de la filière marocaine, à une approche sournoise et organisée, renforcée par une expertise internationale panachée en kamis et col blanc, financée par la corruption pour sa mise en œuvre, avec le support de services étrangers pour les volets de renseignement et de protection. Cela fonctionne à merveille grâce à un contrôle strict des médias et des réseaux sociaux. Ne dit-on pas que le pouvoir, c’est l’information ?

On a l’impression que le peuple algérien a été hypnotisé et qu’il dort debout, ne réagissant qu’aux fatwas et au football. A tel point que la mafia ne se cache plus pour dévaliser le pays et recrute des voleurs incultes pour nous faire la morale et nous guider vers l’enfer. Il est vrai que ces repris de justice feront de parfaits fusibles lorsque le peuple affamé se réveillera pour demander des têtes.

L’histoire de 1992 se répète avec l’attaque de Tiguentourine du 16 janvier 2013 qui n’a pas encore révélé tous ses secrets, notamment le rôle joué par les services étrangers sur le choix de cette date. A qui profitent ces crimes? Cette opération a permis la neutralisation, en septembre 2013, des structures de sécurité qui ont enquêté sur la corruption, seule ombre au tableau de la réélection de Bouteflika.

Toutefois, la première menace sérieuse est venue des juges anti-mafia italiens. Le pouvoir algérien s’est retrouvé, à partir de 2013, au milieu d’une guéguerre engagée en Italie contre Berlusconi, qui a dévoilé le rôle joué par l’ENI dans le noircissement d’un pourcentage des montants des contrats de service passés avec Sonatrach. Il y a peu de chances que ce scandale, qui implique les maîtres de Chakib Khelil, dévoile au public les mécanismes de financement et les noms de ce qu’on appelle le cabinet noir algérien. A ce sujet, connaîtra-t-on les noms des titulaires de comptes bancaires en Suisse qui appartiennent à la nomenklatura algérienne ?

Les Etats-Unis n’ont, à ce jour, pas condamné la filiale américaine de l’ENI à payer l’amende pour corruption avérée et la justice italienne n’a, à ce jour, pas inculpé officiellement l’Américain Khelil. Ce dossier de justice italien fera-t-il jurisprudence ? Est-ce que les Etats-Unis vont renoncer à un pactole de plusieurs milliards de dollars ? Affaire à suivre...

En Algérie, tous les dossiers d’instruction sur la corruption ont été gelés par la justice depuis cinq ans. L’épilogue est annoncé pour ce mois de mars, mais on ne saura jamais ce qu’aurait dit aux juges M. Réda Hamèche (ex-chef de cabinet de Sonatrach, ex-détenu en France pour vol de voitures, apparenté à Chakib Khelil) s’il n’avait pas été exfiltré par son ami Said Bouteflika. On ne peut pas compter non plus sur Amar Saadani, SG du FLN (ex-président de l’APN, recherché par la justice pour détournement de fonds publics, titulaire d’une carte de résidence et propriétaire immobilier en France) pour nous le dire. Et surtout, on ne trouvera personne pour nous parler des milliards de dollars liés aux grosses affaires de licences de téléphonie mobile, de grands travaux publics, de centrales électriques et de pétrochimie, notamment celles des frères Sawiris, du Cheikh Suhail Bahwanet de Villar Mir. De même, on ne sait rien des nouveaux chantiers confiés à Abdeslam Bouchareb, résident français, la nouvelle recrue de Bouteflika qui ne sera pas jugé dans le prochain procès Khalifa.

Les milieux intellectuels algériens se focalisent, pour la plupart, sur les affaires de corruption qui ne sont que des opérations de financement d’une vaste opération de destruction de l’Algérie. On les comprend, ils se rassurent quelque peu en optant pour la piste du bakchich et en refusant de voir l’insoutenable vérité, celle de la haute trahison au sommet de l’Etat. Pour comprendre ce qui se passe en Algérie, il faut prendre du recul car hélas, on oublie souvent que les orientations politiques fondamentales qui vont irrémédiablement conduire à la destruction du pays, ont été imposées dans les années 1980 et que tous ceux qui ont essayé de corriger la feuille de route ont été écartés ou même supprimés.

La mafia poursuit implacablement son œuvre de sabotage en remplaçant les cadres intègres par des "beggarines" et des repris de justice qui s’invitent au Parlement, dans les conseils d’administration, les organes des partis politiques proches du pouvoir et les médias.

On n’a pratiquement plus d’institutions, plus d’économie. Tout le pouvoir est entre les mains d’un Président fantôme qui repose sur un parti dirigé par un vulgaire affairiste. Le secteur de l’éducation est en faillite, contrôlé par les islamistes qui s’octroient quatre mois de vacances par an. On assiste à un pourrissement planifié des organes de l’Etat, des institutions et de l’école, mais tout cela fait partie du plan.

Toute la population, nourrie au biberon de la rente, va connaître dans moins de cinq ans un réveil extrêmement brutal avec le retour du FMI dans la gestion courante de l’Algérie. Seule la population du Sud, qui en grande majorité a vécu en autarcie dans le respect des traditions,a su garder les yeux ouverts. Elle réagit aujourd’hui pour protéger ses biens les plus précieux, son eau et sa culture. Dans le sud, c’est une question de vie ou de mort.

On cherche à nous faire croire que la "réélection" de Bouteflika est liée à l’absence de consensus sur le nom de son éventuel successeur. C’est, à mon avis, de la diversion et seuls les islamistes qui partagent le gâteau de la rente d’importation l’ont compris et attendent patiemment d’hériter du pays quand il sera réduit en cendres.

La décision de reconduire, en avril 2014, un homme très malade qui n’arrive pas à parler à son peuple (situation unique au monde), confirme que la mafia algérienne n’a plus rien à craindre, que plus personne ne peut l’arrêter dans l’accomplissement de sa mission de destruction car l’issue est proche. Cela aussi signifie qu’ils ont pris toutes leurs dispositions pour quitter le navire. Ils ont acquis des biens immobiliers à l’étranger et inscrits leur progéniture dans les écoles européennes.

Mais, ce sera "après moi, le déluge". Il faut aussi se rappeler que des messages de réactivation des affaires de corruption ont été lancés durant les premiers jours de la 4e réélection de Bouteflika, pour rassurer les différents partenaires sur la puissance absolue du Clan et affirmer au grand jour que les affaires reprennent. On citera les signatures des contrats des 17 et 18 avril 2014 (jour férié) entre le secteur public et le secteur privé étranger dont les premiers bénéficiaires sont bien sûr Sawiris et Villar Mir et ce, avant même la désignation du nouveau gouvernement, supposé donner son accord.

Une communication attribuée à Bouteflika mentionne que "l’Algérie traversera sans difficultés majeures les graves perturbations du marché international des hydrocarbures". Ce message du pouvoir est clair: le gouvernement ne modifiera pas sa politique, le business continue.

L’absence de toute réforme concernant notamment la gestion de la rente des hydrocarbures (importations, subventions, politique de crédit etc..) prouve que le régime de Bouteflika va opter pour l’épuisement rapide du Fonds de régulation des recettes (FRR) et recourir aux emprunts sur les marchés financiers internationaux plutôt que de toucher aux intérêts de ses alliés, en espérant une remontée des prix du pétrole brut. Il faut éviter que les loups se mangent entre eux.

Bien sûr, on tente de nous rassurer, mais nous savons tous que le FFR fondra comme neige au soleil avec la baisse des prix du pétrole et que la crise algérienne va s’aggraver avec la chute continue de la production d’hydrocarbures et la réduction importante des exportations d’hydrocarbures. Quand l’argent du pétrole ne suffira plus à acheter la paix sociale, la violence s’installera dans nos rues et on retombera à nouveau dans la situation de 1988. L’histoire se répète mais les perspectives économiques à moyen terme sont beaucoup plus préoccupantes que celles de 1986 car nous allons, cette fois-ci, faire face à un problème de réserves. Plus grave encore, même à 70$/b, les gaz de schiste et les gisements offshore ne pourront pas être développés et on sera confronté à une crise financière aggravée d’une crise énergétique comme en Egypte.

L’article ref Egypt Gas Puzzle: Use a Partial Truth to Tell a Complete Lie - Natural Gas montre que les approches de sabotage utilisées en Egypte sont similaires à ce que nous sommes en train de subir dans le secteur stratégique de l’énergie. Le donneur d’ordre est probablement le même. (A suivre)

Sid Kaci

Lire la suite : Le chaos sous contrôle, dans quel but ? (II)

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Commentaires (4) | Réagir ?

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DSP djaidjaa

merci

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DSP djaidjaa

merci

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