Devant les manipulations et les récupérations politiques de votre mouvement, je voudrais d'abord vous rassurer de mes intentions en commençant ma lettre par cet avertissement. Je déclare n'appartenir en aucune manière à aucun groupe d'intérêts ou de pression qu'il soit régional, ethnique confessionnel, national ou international. Je n'ai aucune prétention, opportunisme ou ambition. Je suis un citoyen indigné comme vous et l'objectif de ma lettre est de vous exprimer ma solidarité car je me reconnais tout simplement dans votre attitude et action. Si malgré cela, vous ne me croyez pas ou que vous doutez un tant soit peu de ma sincérité, il est inutile de lire la suite.

Mes chers concitoyens,

Je me permets, d'abord en tant que citoyen, de vous exprimer mon profond respect pour vous et votre légitime mouvement de protestation dans la défense de votre citoyenneté, de votre santé et de votre environnement. Par votre action, vous ignorez peut-être l'effet euphorisant que vous avez rayonné autour de vous. Pour cette raison, j'entends aussi vous exprimer ma gratitude pour m'avoir permis, au travers de votre mouvement de protestation et de résistance malgré les manipulations, de rehausser mon sentiment de dignité quelque peu perdu. Franchement, cela remonte le moral en place et lieu de ce sentiment d'impuissance et de lâcheté qui nous colle au corps et à l'âme face à la violence incongrue du pouvoir, au silence et la traitrise de certains de nos concitoyens qui négocieraient pour quelques futiles avantages un nième mandat quitte à voter pour un cadavre, à voir leurs autres concitoyens dans la déchéance, et à plonger l'Algérie dans une indescriptible chaotique désintégration.

Que voulez-vous, c'est ainsi. Contrairement à tous les pays du monde, notre triste sort a été jusque-là d'être victime de la médiocrité et de la gloutonnerie d'un pouvoir pourri. En d'autres termes, on a subi sur une longue durée un pouvoir qui s'inspire du plus mauvais coté du colonialisme et qui a la limite nous pousse à subir, à fuir et a détesté notre propre pays.

Par le hasard de la vie, j'ai passé au début des années 80 une année et demie de service militaire dans la région d'Illizi. Dans ce no man's land, j'ai connu Tikanna, Tinadda, fort Tarat, etc. À la beauté du paysage, j'ai pu constater combien la vie était dure et l'isolement quasi total. J'avais déjà compris que la plupart des infrastructures réalisées ne l'étaient qu'en rapport avec les entreprises d'exploitation des hydrocarbures. Les habitants du sud, numériquement pas très importants aux yeux du pouvoir, pouvaient seulement se contenter d'observer le transfert de leurs richesses vers les rapaces apparatchiks et leur progéniture dans les villes du Nord et les banques étrangères.

Je me permets aussi, en tant que technologue, d'attirer votre attention que je suis pour la production des richesses par la ressource humaine et contre l'exploitation effrénée des hydrocarbures en général et du gaz de schiste en particulier. J'ai déjà exprimé mon point de vue sur la question énergétique avant que ne s'accentue le conflit sur le gaz de schiste dans un article intitule: " les hydrocarbures Algériens: cette énergie retournée contre soi" [1].

De toute façon, votre sol vous appartient et vous êtes dans votre environnement. Ainsi, d'autres citoyens à travers le monde ont refusé d'exploiter le gaz de schiste uniquement pour préserver la beauté naturelle de leurs paysages. Mieux encore, cette région pourrait facilement et à peu de frais devenir un modèle de développement en énergies renouvelables.

Mais que faire contre un pouvoir illégitime et incompétent qui ne se nourrit que de la corruption? Touché dans son talent d'Achille, le voila qui commence sa manipulation en présentant dans l'urgence ses propositions qu'il aurait dû faire il y a des décennies comme la création de wilayas, l'octroi de postes de travail, etc. Ainsi, devant cette inattendue solidarité et cette héroïque résistance; le voila qui commence à apercevoir la main de la manipulation étrangère avec l'ombre des F16 et des drones Predator et d'imaginer des scenarios à la Kadhafi et Saddam. Mais, en fait, qui peut être en relation avec cette main étrangère si ce n'est ceux qui se soignent à l'étranger à nos frais? Ceux qui placent leurs fortunes en millions de dollars dans les banques étrangères? Ceux qui disposent de résidences somptueuses à l'étranger ? Ceux qui, au lieu de développer la production nationale, négocient avec les entreprises transnationales le transvasement de nos hydrocarbures en contrepartie de pots de vin?

Abdelouahab Zaatri

[1] Les hydrocarbures algériens : cette énergie retournée contre soi