La Russie met en garde l'UE sur ses approvisionnements en gaz
La Russie a averti mercredi les Européens, décidés par la crise ukrainienne à réduire leur dépendance énergétique vis à vis de Moscou: ils devront aller chercher à leur frais le gaz russe dont ils ont besoin en Turquie, appelée à remplacer l'Ukraine comme zone de transit pour cette ressource.
Le nouveau M. Energie de l'UE, le vice-président de la Commission européenne chargé de l'Energie Maros Sefcovic, venait à Moscou établir un contact sur un dossier difficile. Cette première visite intervient après un an d'éloignement, marqué par une nouvelle guerre du gaz entre Moscou et Kiev et récemment l'abandon de leur projet commun de gazoduc South Stream, remplacé par un tuyau entre la Russie et la Turquie.
Le responsable européen, qui porte le projet d'une Union énergétique européenne, s'est vu signifier que vouloir tourner le dos au gaz russe aurait un prix. Le gazoduc Turkish Stream constitue le seul itinéraire par lequel seront livrés les 63 milliards de m3 de gaz russe qui transitent actuellement par l'Ukraine, a sèchement affirmé le patron de l'influent groupe public, Alexeï Miller après la rencontre. Il n'y a pas d'autre possibilité.
L'annonce de l'abandon de South Stream le 1er décembre par Vladimir Poutine a constitué une surprise, à peine un an avant son ouverture prévue et alors que des sommes importantes avaient déjà été investies.
Estimé au total à 16 milliards d'euros, ce projet de Gazprom, avec la participation entre autres de l'italien Eni ou encore du français EDF, devait relier sur 3.600 kilomètres la Russie à la Bulgarie par la mer Noire pour se diriger ensuite vers l'Europe occidentale via la Serbie, la Hongrie et la Slovénie.
A la place, la Russie compte non seulement construire un nouveau gazoduc vers la Turquie via la mer Noire, mais aussi faire du pays un important centre de transit pour le gaz russe. Les analystes sont cependant prudents sur les débouchés possibles pour cette ressource dans le Sud de l'Europe, une opinion reprise par M. Sefcovic.
Il est question de volumes importants de gaz, dont n'a besoin ni la Turquie, ni le Sud-Est de l'Europe, a tranché le responsable européen, mettant en garde Gazprom: cette position nuit à son image de fournisseur fiable.
Délais très courts
Mais pour Moscou, l'objectif est de tourner la page de son histoire gazière avec l'Ukraine, par laquelle transite actuellement la moitié du gaz russe destiné aux pays européens (15% de leur consommation). Les deux voisins ont régulièrement été opposés par des conflits gaziers ces dernières années qui ont perturbé les approvisionnements des producteurs énergétiques européens.
L'arrivée au pouvoir de pro-européens à Kiev, avant l'annexion de la Crimée puis l'insurrection prorusse dans l'Est de l'Ukraine, a abouti à une nouvelle coupure du robinet gazier en juin dernier.
Un accord provisoire permettant des livraisons au coup par coup a fini par être trouvé en octobre mais il n'est valable que jusqu'en mars. Et les risques concernant le transit par l'Ukraine cet hiver persistent, a assuré M. Miller, expliquant que les réserves souterraines sur le territoire ukrainien censées assurer la fluidité des livraisons se situent actuellement à un bas niveau.
L'objectif pour la Russie est aussi de montrer qu'elle trouve de nouveaux clients au-delà de l'Europe, en Chine et Turquie, et qu'elle compte se défaire de règles européennes qu'elle dénonce depuis longtemps. Bruxelles tentait d'imposer à Gazprom d'ouvrir ses gazoducs à d'autres producteurs alors que le groupe russe refusait de le faire en raison des sommes massives investies pour leur construction.
Les pays de l'UE devront désormais investir eux-mêmes pour aller chercher le gaz en Turquie. Nos partenaires européens ont été informés et maintenant, leur tâche est de créer les infrastructures gazières nécessaires à partir de la frontière gréco-turque, a assuré M. Miller.
Ils n'ont que quelques années pour le faire. C'est très, très court, a-t-il insisté, estimant que les travaux devaient commencer tout de suite. Dans le cas inverse ces volumes de gaz iront vers d'autres pays, a-t-il averti.
AFP
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