Sonatrach recrute 8000 jeunes : pour faire quoi ?
Le ministre de l’Energie vient d’annoncer en grandes pompes aux membres présents de l’Assemblée populaire nationale (APN) que l’entreprise nationale Sonatrach va procéder à un recrutement de 8000 ingénieurs et techniciens en 2015 et, ceci après d’abord une sélection sur concours qui toucherait selon le ministre près de 50 000 universitaires ensuite un cursus formation à l’Institut Algérien du Pétrole(IAP).
L’approche du secteur vise à doubler la production des hydrocarbures, à travers le développement des gisements existants et l'intensification des opérations de recherche et de prospection de nouveaux gisements. Ce concours a fait l’objet d’une très forte médiatisation jusqu’à la radio et la télévision algérienne pour drainer un nombre aussi important et marquer ainsi l’empreinte d’une gouvernance qui se soucie du chômage des jeunes. Mais ce qu’il ne dit pas c’est que la décision de ce programme de développement et, partant de ce concours, ont été pris lorsque le prix du baril oscillait autour de 140 $ alors qu’aujourd’hui il ne dépasse pas les 47$, on est en droit donc de se poser la question sur le maintien ou non de ce recrutement massif par une entreprise déjà en sureffectif. Les événements de Tiguentourine ont montré que Sonatrach ne pouvait pas se passer de l’expertise étrangère même dans le paramédical et le catering. Pour rappel, celui qui a fourni les informations aux terroristes sur le site, serait un simple chauffeur étranger. Ceci sans compter la déplétion des principaux poumons pétroliers et gaziers et qui représenterait le 1/5 de l’ensemble de la production nationale. Il vient par ces déclarations, sans aucun doute politiquement correctes, confirmer la mauvaise voie prise par l’institut Algérien du Pétrole et qui est l’œuvre de son prédécesseur et qu’il a dénoncé lui-même à peine un mois après son arrivée. Quelle formation complémentaire cette institution va-t-elle donner à ces jeunes ? Quelle expérience de terrain va-elle leur transmettre pour les rendre opérationnels ? S’agit-il d’un simple artifice pour jouer de l’amertume des jeunes diplômés de l’université algérienne ?
1- Des contradictions du ministre
La rubrique "Périscoop" du quotidien Le Soir d’Algérie du mercredi 22 février 2012 a rapporté une information pour le moins surprenante et relative à l’Institut algérien du Pétrole (IAP). C’est ainsi selon cette source, Sonatrach "récupère" l’IAP et ceci faisant suite à une décision prise lors d’une précédente réunion du Conseil des ministres. Sonatrach serait chargé d’en faire une école de renommée mondiale en matière de formation dans le domaine énergétique. Une première interrogation, est-ce que prendre des jeunes du cycle universitaire et leur dispenser les mêmes modules, est le niveau d’expertise que visait la démarche ? Ensuite, depuis quand Sonatrach a perdu l’IAP pour qu’elle le récupère en 2012 ? Même lorsque l’ancien ministre de l’énergie et des mines, Chakib Khellil avait décidé d’ouvrir son capital aux entreprises étrangères, Sonatrach a toujours conservé la majorité des actions soit plus de 80%. Pourquoi voudrait-on sciemment ou inconsciemment passer l’éponge sur près de 15 ans de gestion et qu’en est-il exactement ? Il faut rappeler aussi que lors de l’installation d’un nouveau Directeur Général de ce qui reste de l’Institut Algérien du Pétrole (IAP) et rapporté par le Matin-dz dans son édition 13 septembre 2011, le ministre de l’Energie et des mines, Youcef Youcefi a eu à constater l’immense gâchis fait à cette institution de renommée mondiale. Les moyens financiers consentis par Sonatrach n’ont fait que miroiter son image externe mais en aucun cas réussit à le booster de l’intérieur pour en faire un pôle d’excellence comme le souhaitait ce même ministre bien avant l’arrivée du fameux Chakib Khellil en 1999. Donner une formation de quelques mois pour réinjecter ensuite ces jeunes sur le terrain pour rejoindre le club des déçus, serait-il le niveau d’ambition de cette institution ?
2- Historique de l’intégration de l’IAP à Sonatrach
En 1990, l’Algérie entamait sa cinquième année de crise, contrainte de répondre à une demande de plus en plus forte dans la formation supérieure, les pouvoirs publics décident d’intégrer les instituts dits de "technologie" qui servaient de support de formation aux différents secteurs à l’enseignement supérieur. Mais pour des raisons stratégiques, d’ailleurs évidentes, l’IAP a vu ses objectifs réorientés pour consacrer ses activités à la formation de spécialisation nécessaire au secteur des hydrocarbures et ce, en étroite collaboration avec les utilisateurs. Les conséquences immédiates ont consisté en :
-Un arrêt d’une nouvelle rentrée de bacheliers ;
-Un recrutement provisoire et exceptionnel des étudiants ayant effectué les deux premières années du tronc commun technologie ;
-Continuer d’accepter les bacheliers pour les Centres de Skikda et Arzew en attendant les changements des statuts.
Plusieurs groupes de réflexion ont été mis en place pour proposer un statut à même de répondre à ces besoins. Le débat a porté globalement sur deux orientations :
- Sa transformation en un établissement public à caractère scientifique et technique, spécialisé dans le domaine de l’énergie et des hydrocarbures doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, administrative et pédagogique placé sous tutelle du ministère de l’énergie. Il aurait fallu dans ce cas procéder à une modification de son statut défini dans le décret N° 73-51 du 28/02/73.
- L’intégrer carrément au secteur économique, auquel cas il faudrait procéder à sa dissolution.
Après étude et analyse des différentes options depuis plusieurs années et dans des circonstances particulières qu’il est inutile de rappeler pour des raisons propres au secteur, il a été décidé d’intégrer cet institut à Sonatrach, jugée capable de représenter le secteur de l’énergie et par voie de conséquence il fallait le dissoudre ce qui fût fait en juin 1999. Le rappel de ces étapes est important pour mettre l’accent sur le fait que même si l’objectif principal de l’Intégration est clair et qui consistait à répondre aux besoins du secteur de l’énergie comme défini précédemment, ces besoins justement demeurent pour un groupe d’entreprises en perpétuelle restructuration difficilement identifiables et c’est là où réside la principale difficulté pour mener à bien le plan de redéploiement.
3- Des objectifs de cette intégration en juin 1999
Sur insistance personnelle de Youcef Youcefi alors ministre de l’énergie et des mines, et au lendemain de son intégration à Sonatrach, cette dernière a créé un projet pour redéployer les activités de l’institut afin de le porter au niveau d’une université pétrolière et gazière et un centre de recherche de rang international. Le motif paraît logique d’autant plus que SONATRACH devra s’inscrire d’une manière effective dans les grands challenges technologiques de l’industrie pétrolière et gazière Internationale. Cette Industrie est marquée par des transformations structurelles à l’échelle mondiale et a considérablement modifié les rapports de force qui en découlent. Une compétition concurrentielle s’est instaurée pour rendre la pérennité des acteurs plus sévère. Pour surmonter ces contraintes, il faudrait améliorer sans cesse les performances et développer l’esprit créateur et innovant. Cette université devra permettre de fournir l’élément humain indispensable pour assurer ce défi.
Ce projet s’est fixé comme objectifs de :
- Garder la même dénomination IAP et l’intégrer totalement à Sonatrach.
- Adapter et assurer une cohérence des nouvelles missions confiées à cet Institut avec le redéploiement du secteur de l’énergie et des mines en général et de Sonatrach en particulier, en tenant compte bien entendu du contexte actuel des réformes économiques.
- De mettre tous les moyens humains, matériels et financiers pour aboutir à un pôle d’excellence et de référence. Le processus de redéploiement a visé cinq axes d’activité :
- La formation d’ingénieurs spécialisés de très haut niveau dotés dès le départ d’une solide base scientifique et technique et d’un professionnalisme confirmé et en étroite adéquation avec les besoins et les objectifs du secteur utilisateur.
- La formation postgraduée
Elle devra se faire en partenariat avec les universités nationales et surtout étrangères et être en synergie avec les préoccupations du secteur de l’énergie et des mines. Cette formation visera à long terme d’affirmer la vocation industrielle de l’IAP et la positionnera parmi les premiers instituts mondiaux spécialisés dans les hydrocarbures et les mines.
– La formation des techniciens supérieurs.
Elle sera assurée par les deux centres régionaux de l’est et de l’ouest et bénéficie d’un environnement qui lui facilite les relations avec l’industrie pour donner aux élèves les moyens d’une formation pratique performante.
– La recherche scientifique et technique appliquée à l’industrie des hydrocarbures.
Son objectif est de permettre à court terme de jouer un rôle crucial dans la maîtrise et la diffusion de nouvelles technologies en vue de leur application effective dans l’industrie des hydrocarbures. Elle constitue un domaine privilégié de formation et de résolution des problèmes industriels. Il faudrait réserver à cette activité une importance particulière non seulement sous l’égide de Sonatrach mais impliquer ses partenaires nationaux et étrangers.
– La formation continue et le recyclage permanent.
Elle touche des ingénieurs d’Etat, ceux d’application et des techniciens du secteur de l’énergie, pour adapter régulièrement leurs connaissances au développement de la technologie. Elle est une forme concrète de prise en charge réelle et efficace des problèmes du secteur.
4- Des principales actions planifiées depuis son intégration à Sonatrach en 1999
- une forme d’organisation pour concrétiser les objectifs tracés;
- Tenter de trouver une nouvelle filière d’enseignants/ chercheurs ;
- Lancer un concours pour le recrutement d’ingénieurs spécialisés avec comme «Instructions de ce ministre même» de toucher le maximum de citoyens à travers le territoire national (opération réalisée) ;
- Concrétisation de la première phase d’enseignement qui consiste à donner aux futurs ingénieurs spécialisés, une solide formation en anglais ;
- Conception des programmes de formation à débattre et à envoyer pour audit ;
- Signature des conventions cadres avec les entreprises du secteurs (NAFTEC, ENIP, ENTP, EXPL, Sonelgaz etc.) et avec les universités (Boumerdes, Sétif , USTHB etc.) ;
- Mise au point et proposition de plusieurs thèmes pour la formation industrie ;
- La prospection des partenaires étrangers a abouti à la signature d’une convention cadre avec l’institut français du pétrole puis un contrat particulier pour la formation d’un master en économie pétrolière et management stratégique ;
-Des contacts ont été entrepris avec plusieurs universités étrangères (Allemagne, USA, UK, Suisse). Finalement, ce sont les écossais d’Aberdeen qui ont eu le contrat dans des conditions discutables d’ailleurs.
5- Qu’en était-il exactement sur le terrain ?
L’arrivée de Chakib Khellil au ministère de l’énergie et des mines le 26/12/1999 a quelque peu changé la donne. Dès sa première visite à cet institut, le ministre a clairement affiché son intention de le privatiser en ouvrant son capital car pour lui son redéploiement devait dépendre du marché et de la concurrence en matière de formation en Algérie. L’intéressé s’est accaparé de tous les pouvoirs dans le secteur de l’énergie et tenter de brouiller les cartes pour s’écarter complètement des objectifs cardinaux de l’intégration de cet établissement. Face à cela et en dépit d’une reconnaissance unanime de doter le secteur d’une institution du gabarit décrit plus haut, la question de savoir si Sonatrach seule peut le hisser au niveau recherché s’est posée avec acuité. Dans ce cadre une réflexion a été lancée aux partenaires pour transformer l’IAP d’institut d’entreprise en un institut commun à tout le secteur des hydrocarbures. (Voir allocution d’ouverture du PDG de Sonatrach durant les journées scientifiques et techniques n° 04). Depuis cette date, une confusion totale s’est instaurée sur tous les plans et notamment sur celui pédagogique car la formation d’ingénieurs spécialisés à partir d’un «input» d’ingénieurs d’Etat s’est avérée selon toute vraisemblance un échec (selon les résultats du concours). En effet, ce type de profil qui existe sur le marché national du travail a dû subir les revers du système universitaire dont les insuffisances sont connues de tous. Donc pour trouver l’élément humain indispensable afin de relever le défi technologique face à une concurrence accrue, le profil est à rechercher ailleurs. Les différentes structures de Sonatrach ne jouaient pas le jeu et par voie de conséquence est née une inadéquation entre les besoins en formation et la formation en cours. L’organisation de l’Institut telle que retenue par Sonatrach s’est avérée inefficace pour concrétiser les objectifs tracés. La dissolution de l’IAP l’a totalement éloigné de l’enseignement supérieur ce qui a rendu la formation diplômante institutionnellement difficile sinon impossible. Les utilisateurs ont d’autres préoccupations que de réfléchir sur des axes de recherche
Conclusion
Voilà près de 15 après, sans faire un bilan sérieux de toutes les dépenses, le sort et la carrière des sélectionnés de l’ancien concours pour qui des sommes énormes ont été consenties an partenariat avec l’université privée Robert Gordon Univesity et l’Institut Français du pétrole, on refait la même opération, peut être juste pour donner un plan de charge. Seulement il s’agit de satisfaire qui ?
Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier
Commentaires (5) | Réagir ?
danke schoon
Démagogie d'un clan Bouteflikiste aux abois, opération pour masquer l'exil de dizaines de milliers d'autres ingénieurs et techniciens vers les pays arabes du golfe, opération pour couvrir les départs massifs de techniciens étrangers au vu de la situation sécuritaire délinquante en algérie, quand à ceux qui sont dans le chomage malgré eux parmi les ingénieurs et techniciens formés en algérie, leur chiffre est impressionant plus de 100 000 selon de sources bien infpormées, à tel point que la question se pose: Ne faut il pas faire un "Break" pour deux à trois années pour la formation des spécialités en hydrocarbures, le temps d'abord d'éponger le massif chomage des jeunes cadres diplomés.
Quand à Chakib Khelil c'est le premier destructeur de l'algérianisation des cadres dans les milieux pétroliers, enfin meme pas nécessaire de le rappeler.
Panique et incohérence du pouvoir, on géle, on ne géle pas à la fonction publique, on recrute massivement pour une police mal formée, trés mal encadréee et des effectifs égaux à celles de l'armée, ect ect...... Quoi du n'importe quoi pour la bande des 40 voleurs et leur ali Baba si Fakhamatouhou.