Gaz de schiste en Algérie : les préconisations d'Abderrahmane Mebtoul

Les lieux riches en gaz de schiste.
Les lieux riches en gaz de schiste.

Vouloir imposer une décision par la force ne marche plus et l’expérience d’In Salah contre la prospection du gaz de schiste doit être longuement méditée.

La méthode de gouvernance en 2015 avec le monde parabolé et une jeunesse de plus en plus exigeante et surtout informée doit reposer sur la concertation et le dialogue permanent avec les segments représentatifs de la société d’où l’importance de relais sociaux et politiques crédibles loin des bureaux climatisés. La loi des hydrocarbures votée en janvier 2013 a autorisé l’exploitation du gaz de schiste mais à une seule condition : éviter la pollution des nappes phréatiques et préserver l’environnement. A-t-on analysé les expériences internationales, la rentabilité du gaz de schiste par rapport aux concurrents et aux autres sources d’énergie et surtout initier la formation dans ce domaine pour éviter des dérives ?

Je recense onze facteurs :

1.- Concernant les réserves de gaz de schiste, (ces données sont provisoires car évoluant d’année en année en croissance ), selon le rapport de l’AIE de 2013, le Monde aurait environ 207 billions de mètres cubes réparties comme suit : la Chine 32, l’Argentine 23, l’Algérie 20, les USA 19, le Canada 16, le Mexique 15 ; l’Australie 12, l’Afrique du Sud 11, la Russie 8 et le Brésil 7 billions de mètres cubes. Les gisements de gaz de schiste en Algérie elles sont situées essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf.

2.- La fracturation est obtenue par l'injection d'eau à haute pression (environ 300 bars à 2 500/3000 mètres) contenant des additifs afin de rendre plus efficace la fracturation dont du sable de granulométrie adaptée, des biocides, des lubrifiants et des détergents afin d’augmenter la désorption du gaz.

3.- Il faut savoir d’abord que le gaz de schiste est concurrencé par d’autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération en moyenne de 15/20% et exceptionnellement 30%, ce qui donnerait entre 3000 et 4000 milliards de mètres cubes gazeux commerciales pour l’Algérie. On peut découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les réserves se calculant selon le couple prix international des énergies et coût.

4.- 1000 puits donnent environ 50 milliards de mètres cubes gazeux par an. Le coût du forage d’un puits est estimé entre 15/20 millions de dollars, pouvant retenir cette hypothèse dans la mesure où le coût du brevet et de l’assistance étrangère est contrebalancé par le bas coût de la main d’œuvre et que le terrain est presque gratuit alors qu’il est privé aux USA. Pour les 1000 puits, la durée de vie ne dépasse pas cinq années, devant se déplacer vers d’autres sites assistant donc à un perforage sur un espace déterminé comme un morceau de gruyère.

5.- Mais 1000 puits est une hypothèse puisque même pour le gaz traditionnel, le maximum de forage n’a jamais dépassé 200 puits. Même dans cette hypothèse maximale de 200 puits donnant 10 milliards de mètres cubes gazeux non conventionnel, un peu plus que le projet GALSI actuellement gelé, dont le coût est passé de 2,5 à 4 milliards de dollars fin 2014 , non rentable au vu du prix actuel, dont la capacité prévue était de 8 milliards de mètres cubes gazeux.

6.- La rentabilité implique – au vu de la structure des prix actuels au niveau international, concurrencé par le gaz conventionnel- un coût minimum de 12 dollars le MBTU et un un prix de cession supérieur à 15/17 dollars le MBTU, tenant du coût de transport- s’alignant sur l’Asie puisqu’aux USA le MBTU varie entre 4/5 dollars et en Europe après la catastrophe au Japon entre 9/12 dollars le MBTU, existant une déconnexion du prix du gaz sur celui du pétrole depuis plusieurs années.

7.- Pour s’aligner sur le prix de cession européen actuel, le coût du forage d’un puits devrait être moins de 10 millions de dollars. L’exploitation de ce gaz implique de prendre en compte que cela nécessite une forte consommation d’eau douce, un (1) million de mètres cubes pour un milliards de mètres cubes gazeux, et en cas d’eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteux, autant que les techniques de recyclage de l’eau.

8.- Surtout cela peut avoir des effets nocifs sur l’environnement, (émission de gaz à effet de serre) , la fracturation des roches pouvant conduire à un déséquilibre spatial et de l’équilibre écologique avec des possibilités d’effondrement. Et en cas de non maîtrise technologique, (entre 200 et 300 produits chimiques injectés pour fracturer la roche combiné avec le sable) elle peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l’eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies comme le cancer.

9.- Comme cela implique une entente régionale, du fait que l’Algérie partage ces nappes avec le Maroc, la Libye et la Tunisie.

10.- Il s‘agit ni d’être contre, ni d’être pour, l’objectif stratégique est de l’insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un Mix énergétique dont les énergies renouvelables. Sans la maîtrise technologique il faut être très prudent. Et là on revient à la ressource humaine pilier de tout processus de développement fiable et d’éviter cette mentalité bureaucratique rentière de non maturation des projets surtout pour ce cas stratégique.

11.- Seuls les USA maîtrise, encore imparfaitement, cette technologie de fracturation hydraulique. Un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d’importantes pénalités en cas de non-respect de l’environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger, USA et autres, est indispensable.

Aussi, le problème stratégique de l’Algérie est d’éviter des débats stériles et réside en une autre gouvernance. Le rapport de la Banque mondiale sur l’évaluation de l’efficacité de la gestion des infrastructures et transport entre 2004/2009, (mais sans changement durant la période 2010/2014), montre clairement avec des cas précis - la non-maturation des projets, la non-maîtrise de suivi par le maître d’œuvre, le non-contrôle avec des surcoûts exorbitants allant jusqu’à 25/30% du coût initial, pouvant conduire facilement à des délits d’initiés. Avec la chute du cours et la nécessaire rigueur budgétaire, cela devient intolérable. L’Algérie après 50 années d’indépendance exporte 97/98% d’hydrocarbures et importe 70% des besoins des ménages, des entreprises publiques et privées alors que l’objectif stratégique est une production et exportation hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux supposant la réhabilitation de l’entreprise et son fondement le savoir .Évitons les expériences négatives pour le pétrole et gaz conventionnel le Delta du Nigeria qui connait une pollution inégalée, ainsi que les impacts écologiques négatifs récents au Mexique et dans d’autres contrées du monde. Pour éviter ces effets pervers, cela implique un Etat régulateur fort, qui n’est fort que par sa moralité, sa bonne gouvernance et l’implication de la société. La méthode de gouvernance en 2015 avec le monde parabolé et une jeunesse de plus en plus exigeante et surtout informée doit reposer sur la concertation et le dialogue permanent avec les segments représentatifs de la société d’où l’importance de relais sociaux et politiques crédibles loin des bureaux climatisés.

Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international (*)

(*) Professeur des Universités – Expert International Directeur d’Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1980 - 1990/1995 - 2000/2006 - Membre de plusieurs organisations internationales

Synthèse de la conférence prononcée au Sénat français.

Plus d'articles de : Analyse

Commentaires (4) | Réagir ?

avatar
adil ahmed

danke schoon

avatar
klouzazna klouzazna

Un pays qui maitise IMPARFAITEMENT une technique est un pays qui la maitrise MAL !!!

La maitrise est synonyme d'un contrôle PARFAIT des processus (d'extraction, de rafffnage, d'exploitation) !!!

visualisation: 2 / 4