Lounis Aït Menguellet, l'orfèvre des mots, sera au Zénith
Ameddah, amedyaz, amusnaw,... les épithètes ne manquent pas pour parler d'Aït Menguellet, cet artiste singulier qui berce depuis presque un demi-siècle des millions de fans ; un artiste qui pose un regard affûté sur les siens et son identité, sur le pouvoir et ses dessous pervers, sur la vie et la mort, sur l'amour et le désarroi amoureux...Lounis revient enflammer le 11 janvier le Zénith de Paris.
De sa première chanson Ma trud,/si tu pleures, interprétée devant feu Chérif Kheddam, dans l'émission Les chanteurs de demain à son dernier album Isefra,/les poèmes, sorti en 2014, Menguellet a produit une œuvre impressionnante. Pendant les années 1970, il a ouvert son cœur aux sentiments, à la confession ; il a chanté la bien-aimée, les amours impossibles, les déceptions et le déchirement des êtres épris. Après 80, il s'est attelé à la chanson engagée, politique et sociale à travers laquelle il a scruté ses pairs tantôt avec indulgence, tantôt sans ménagement en mettant le doigt sur les tergiversations des uns et les trahisons des autres ou encore sur les bouleversements de la société et le combat identitaire...
Lounis Aït Menguellet a la réputation de transgresser la fonction première du langage : il déracine les mots, les dévoient de leur emploi habituel pour les affubler d'une portée sémantique originale. Au lieu de se servir des mots, il les sert sans parcimonie. Il rompt ainsi avec l'accoutumance et sort des sentiers parfois éculés par un usage abusif des schémas et sujets récurrents.
La musique de Menguellet se reconnaît dès les premières notes arrachées à sa guitare ; des mélodies linéaires, et dénuées de toute aspérité. D'aucuns trouvent, pourtant, la cyclicité des airs comme un manque d'originalité et / ou d'inspiration musicales. «Je suis d'abord un parolier, mon premier souci est de soigner le contenu de ma chanson pour le présenter dans la meilleure forme qui lui convienne», répondait-il dans une interview. Le texte occupe, en effet, une place prépondérante puisqu'il est porteur d'un message, d'une morale, d'un enseignement, parce que Menguellet est considéré tour à tour comme poète, pédagogue, transmetteur de savoirs et témoin avisé d'une société en mutation périlleuse.
Ce barde rompu aux subtilités de la tradition orale entretient un rapport charnel avec les textes qu'il porte à maturité avec sollicitude. Il privilégie le sens de la formule et de la rime qui égayent à souhait la sensibilité des auditeurs et interpellent la conscience collective des siens. Menguellet vit, tel un ascète, reclus le temps de la gestation intellectuelle, poétique avant de partager le fruit de ses cogitations et recherches avec son public qui souvent s'impatiente et réclame sa voix.
Ses aînés découvraient en 1968 un artiste fin et adepte du verbe ciselé ; un jeune qui avait le toupet de chanter des sujets délicats, alors que ses contemporains se réjouissaient d'avoir un porte-parole averti, un poète qui racontait leurs frustrations, leurs rêves et leurs amours et les plus jeunes, quant à eux, méditent encore ses leçons de vie et s'enquièrent sur le sens de telle ou telle maxime, sur l'interprétation de telle ou telle allusion.
La conjoncture politique de ces dernières décennies pousse certains artistes à prendre part aux débats et aux changements majeurs de la société algérienne, et Lounis Aït Menguellet ne peut rester en marge des préoccupations de ses concitoyens. Il s'adresse alors aux hommes et aux femmes lucides et réfléchis, car ceux-là ont pour habitude de puiser dans l'intelligence et la clairvoyance du poète pour mieux expliquer le monde et faire face aux péripéties de la vie, aux injustices des hommes.
D'autres, en revanche, s'enfoncent dans les ténèbres du "Ddine amcum" qui enrôle à tour de bras les êtres fragiles et pervertis, ceux-là même qui préfèrent s'inventer une autre Histoire à l'antipode de la culture et des racines berbères. A ces égarés et aux autres, Menguellet prodigue avec un soupçon de subversion et de pédagogie sa vision des choses en espérant que les mentalités prennent de la hauteur et que la société devienne épanouie.
"Je suis l'aède qui dit tout/que rien n'arrête dans sa route/ et qui s'en va de porte en porte/ dire partout la vérité", ainsi le rappelait-il dans Ameddah, l'aède.
Farid Bouhanik
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