Pourquoi tergiverser ? L’eau de la fracturation hydraulique doit être douce
L’origine de l’eau pour forer des puits de gaz ou du pétrole de schiste constitue une problématique importante.
En général, le premier souci est de s’assurer qu’il n’y ait pas de déséquilibre dans la consommation de la population si elle est prélevée dans un milieu naturel. Il est clair que des conflits liés à l’arbitrage de son usage peuvent se développer, par exemple lors du passage des ministres de l’Energie, celui des Ressources en Eau et la ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement dans la région d’In Salah, le discours développé est resté confiné autour des réserves et de la production qu’on tire du gisement d’Ahnet. Selon le ministre de l’Energie, sur un périmètre de 100 000 km², chaque km² contiendrait quelque 2 milliards de m3 de gaz. Soit 200 000 milliards de m3 de gaz non-conventionnel, observe-t-il. «Si nous exploitons simplement 1%, pourquoi pas le taux généralement admis de 10%, nous pouvons valoriser 20 000 milliards de m3 de gaz », assure Yousef Yousfi qui estime au regard d’un tel potentiel, «nous ne pouvons pas le laisser inexploité». C’est certainement dans les prérogatives d’un responsable du secteur des hydrocarbures de parler des chiffres relatifs à ces investissements pour tenter de justifier l’intérêt des pouvoirs publics pour le développement de la région. Il a en ce sens insisté sur les emplois prioritaires que pourrait créer un tel projet pour les jeunes d’In Salah. Par contre les deux ministres qui l’accompagnent n’ont pas réussi à rassurer la population locale de l’origine de la quantité d’eau à utiliser pour ces futurs 17 forages et surtout les impacts sur l’environnement de la région et de son agriculture. Lorsqu’on veut tuer son chien, on dit qu’il a rage. Pour minimiser les protestations de la population d’In Salah et couronner de succès la mission de ces trois ministres de l’exécutif, on tente d’ailleurs vainement d’imputer ces protestations aux différents mouvements associatifs, détracteurs de l’exploitation des ressources non conventionnelles en Algérie. Pourquoi l’Algérie n’a aucun intérêt immédiat à exploiter le gaz de schiste ? Quelles en sont les risques techniques qu’on ne pourra plus cacher aussi longtemps ?
1- Sur l’opportunité d’exploiter le gaz et le pétrole de schiste
Pour faire court et sans rentrer dans les détails, près de 80% du domaine minier Algérien qui s’entend sur 2 millions de km2 n’est pas encore exploré. Le gaz de schiste que renferment les roches mères dans le gisement d’Ahnet ou toute autre région en Algérie ne va pas s’envoler mais bien au contraire là où il est, il sera préservé pour les générations futures. Maintenant si la consommation interne inquiète les dirigeants et qu’ils pensent que d’ici 2020 on manquera de gaz, autant investir dans ce vaste terrain conventionnel pour lequel l’Algérie dispose d’une certaine expertise. Pour rappel, l’Algérie, premier au monde à se doter d’une usine de liquéfaction (CAMEL), dispose d’une expérience avérée dans ce domaine et d’une flotte de transport très importante à rentabiliser. Mais le tripotage du modèle de développement devait faire perdre à l’Algérie plus de 100 000 cadres, tous formés avec des sacrifices des citoyens et en devises fortes. La chute des prix du pétrole ne doit pas conduire automatiquement vers des solutions de facilités comme le blocage des recrutements des fonctionnaires, la réduction des salaires ou le gel des augmentations réglementaires des pensions de retraites mais il existe des niches beaucoup plus fertiles comme l’enveloppe de près de 40 milliards de dollars qui profitent aux industriels et les contrebandiers, les quelques 400 000 véhicules importés chaque année et qui consomment dans le cas le plus pessimiste près de 100 millions de litres de carburant. Cela permettra de gagner une somme importante dépensée par Sonatrach afin d’importer le complément pour une consommation parfois improductive. Comment s’étonne t- on des protestations de la population d’In Salah lorsque l’exécutif n’arrête pas de se contredire. En effet, depuis l’annonce de Monsieur Cherouati, l’ancien PDG de Sonatrach, les contradictions ne cessent de s’accumuler. D’abord le ministre de l’Energie actuel ; n’avait-il pas déclaré pour rassurer une opinion publique en effervescence qu’il s’agit là d’une simple évaluation du potentiel Algérien en gaz de schiste. Le Premier ministre, Sellal répondant aux préoccupations des députés devait renvoyer l’échéance de l‘exploitation du gaz de schiste en Algérie à l’horizon 2040. Le 7 juin 2012 depuis Kuala Lumpur en Malaisie, Zerguine, PDG de Sonatrach donne des chiffres fracassants sur des études qui selon lui sont déjà terminés alors que l’opinion publique croyait qu’on venait juste de débuter un forage de reconnaissance. Il annonce dans le même contexte qu’une superficie de 180 000 Km2 a révélé un «potentiel énorme» de gaz de schiste dépassant plus de 600 millions m3 par kilomètre carré, ce qui signifie que plus de 2.000 milliards de m3 peuvent être récupérés. Comment il est arrivé à 2000 milliards, on ne sait pas ? mais ce qui est certain ; pour arriver à de telles précisions, ces études ont bel et bien commencé. L’arrivé surprise de trois ministres au pied d’un forage qui a commencé depuis belle lurette, est certainement quelque chose qui justifie amplement les inquiétudes des citoyens de cette localités sans en avoir besoin de les manipuler.
2- Le gaspillage de l’eau douce est une certitude
Même si le ministre des ressources en eau n’a pas été très explicite sur le sujet, la théorie classique d’utilisation des ressources en eau non potable provenant d’aquifères salins est irrecevable. L’eau est le seul fluide vecteur de la pression permettant de briser la roche et de transporter le sable. On doit impérativement privilégié de l’eau douce afin de dissoudre les sels contenus dans la roche-réservoir et pouvoir atteindre ainsi le roche mère qui contient les hydrocarbures. Si l’on se réfère aux étapes normales de part le monde, la recherche du gaz de schiste en Algérie a du commencé au moins il y a plus de 6 ans dans le secret total. En effet, Pour arriver à la phase du forage, il faudrait au moins 2 à 3 ans de sismique 2D puis 3D auquel on ajoute 2 à 3 ans d’interprétation et de détermination des zones à forer. Il est à préciser cependant que les 9000 puits forés en Algérie depuis 1950 traversent les nappes du turonien et de l’albien qui ne servent pas la consommation des citoyens. Ces puits ne contiennent pas des tonnes de produits chimiques, jugés par la communauté internationales comme très dangereux. Que la fracturation hydraulique telle qu’elle est utilisé actuellement pour produire les ressources non conventionnelles n’a rien à voir avec celle utilisée dans les puits conventionnels pour améliorer la productivité des gisements et que les équipes de Sonatrach utilisent depuis longtemps. La première se fait à des pressions ne dépassant pas quelques bars de celles de fond des réservoirs (405 bars pour le gisement de Hassi Messaoud) alors que pour la seconde, rien que la tête d’un shale well appelé frac tree est conçue pour une pression de 15 000 à 20 000 psi soit plus de 1000 bars à raison d’environ 14,51 psi par bar. Il faut si l’on se réfère à l’expérience de la compagnie Total, 30 fractures en moyenne pour un drain de 1000 m et environ 300 m3 d’eau, 300 tonnes de sable et 1,5 tonne de produits chimiques par fracture. Une dimension classique d’une fracture pourrait atteindre latéralement 150 m de part et d’autre du puits et verticalement de quelques dizaines de mètres en fonction de l’épaisseur de la formation. Pour les 17 puits prévus tel que annoncé par le ministre, il faudrait prévoir environ 300 000 litres d’eau soit l’équivalent de 70 piscines olympiques ou la consommation journalière d’une ville 300 0000 habitants. Si on prend un exemple de l’Etat de New York un seul well pad de 6 puits a nécessité 6600 rotations de camions dont 90% pour la seule fracturation hydraulique. Aucune de ces questions n’a été traitée par les responsables en place qui se sont arrêté uniquement à l’aspect augmentation des réserves du gaz Algérien sans rassurer sur les moyens d’en arriver et c’est normal que la population d’In Salah se préoccupe de ces questions périphériques non traitées par les ministres concernés.
3- L’argument de l’éloignement des zones phréatiques des couches productrices est fallacieux
C’est le même raisonnement tenu par les français lors de l’essai de la bombe atomique à Reggan. On en voit les dégâts aujourd’hui. Il ya plusieurs motifs à cela : d’abord ces puits sont appelé à produire durant plusieurs années alors que l’expérience américaine a montré que l’isolation des zones aquifères par le tubage et la cimentation s’usent au bout de 3 à 4 ans. La couche géologique peut contenir des fissures naturelles sans qu’on est besoin de les créer par le séisme artificiel. Ils peuvent donc conduire les produits chimiques et les gaz nocifs jusqu’à l’agglomération d’In Salah et celle urbaine environnante. Le sable et les produits chimiques qui accompagnent l’eau de fracturation sont incontournables. Ils peuvent être mélangé dans les proportions suivantes : l’eau : 92 à 95%, le sable : 2 à 4%, l’acide dilué : 0.05%, réducteur de friction : 0.05%, antimicrobien : 0.05% et un inhibiteur de dépôt : 0.01%. Il est vrai que les proportions paraissent faibles comme l’a fait remarquer ironiquement un spécialiste tunisien dans une table ronde autour de la question en déclarant à l’animatrice que ceci est l’équivalent de sa dose de maquillage quotidienne mais l’avoir tous les jours dans sa tasse de café devient mortelle.
4- Conclusion
L’offensive médiatique de l’exécutif autour du puits Ahnet -1 est troublante pour au moins deux raisons. La première est que tous les Algériens savent que le président de république avait donné son vert il y a de cela plusieurs mois pour entamer les forages qui permettent d’évaluer le potentiel Algérien en ressources non conventionnelles. La seconde reste certainement liée au prix du brut au moment de la décision. Ils oscillaient autour de 130 dollars le baril. Aujourd’hui la tendance baissière se confirme et même si les prix reprennent, ils n’atteindront jamais le niveau espéré. Se pose donc la question de rentabilité économique de produire du gaz de schiste lui-même indexé sur le prix du pétrole. Cela revient à dire qu’il s’agit d’un projet de pure évaluation qui devient non prioritaire et donc à geler comme toutes les coupes budgétaires demandés dans le dernier conseil des ministres.
Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier
Commentaires (6) | Réagir ?
danke schoon
Salut tout le monde, je pense qu'ils sont dans la mauvaise voie concernant le gaz de schiste. techniquement les nappes phréatiques ne seront pas contaminées. parce que les couches d'argiles (schistes) se trouvent a des grandes profondeurs 2600m a 3000m et les couches qui emmagasinent l'eau douce (nappes phréatiques) se trouvent a des faibles profondeurs et ces couches seront séparées par plusieurs tubages bien cimentés (la législation algérienne exige la bonne cimentation avant d'entamer le forage des réservoirs depuis l’effondrement du puits OKN32 berkaoui). pour moi l’investissement dans cette région va ramener plus de moyens pour le peuple de la région comme elle a fait BP (ouverture des écoles, hotels, .... etc). je suis pour des manifestations pacifiques pour but le cadre de vie (emploi, logements, etc).