Lettre à Mme Nouria Benghebrit, ministre de l’Education nationale

Nouria Belghebrit, la ministre de l'Education.
Nouria Belghebrit, la ministre de l'Education.

Je tiens d’abord à vous rassurer pour dissiper tout malentendu : je ne suis pas de ceux qui sont nombreux à vous attaquer sur votre origine judéo-berbère, que vous n’avez besoin ni de cacher ni de justifier, confondant ainsi Judaïsme et sionisme, cette entité idéologico-politique qui fait autant de mal aux Juifs eux-mêmes qu’au reste de l’humanité.

Rassurez-vous, j’ai appris depuis très longtemps et je rends hommage, ce disant, à toutes ces enseignantes et enseignants dévoués qui ont donné à l’Algérie mais surtout à l’Occident judéo-chrétien une matière grise inestimable, ressource presque non renouvelable par les temps qui courent et qui ont contribué à faire de moi ce citoyen conscient et éclairé, qui a consacré sa vie professionnelle au service de son pays, à former à son tour et dans la mesure de ses possibilités, des collégiennes et collégiens issus pour la plupart d’un milieu rural (le village) défavorisé.

J’ai appris donc, grâce à eux et grâce à cette curiosité intellectuelle que certains d’entre eux m’ont insufflée, à faire la part des choses, c’est-à-dire, à ne pas mettre tout le monde dans le même sac et ce disant, je pense à tous ces penseurs et intellectuels de confession juive et ils sont légion (Non ! Pas à Bernard Henri Lévy et Co), mais plutôt à Jean Paul Sartre, à Simone de Beauvoir, je pense à Abraham Sarfaty et son refus de reconnaître l’Etat israélien crée de toute pièce en 1948 et qui considérait que si Etat il devait y avoir, il ne pourrait être que palestinien et pour les Juifs et pour les Chrétiens et pour les Musulmans pour avoir toujours vécu ensemble sur cette terre depuis des générations et des générations. Je pense à Noam Chomsky, cet éminent linguiste qui ne se contentait pas seulement de dispenser son savoir dans le domaine à ses disciples tout en pensant au virement de son salaire au 15 de chaque mois, ou de cette prime de «rendement» qui ne figure pas dans son lexique d’enseignant ; je pense à ce grand écrivain-chercheur qui dénonce les agissements d’un lobby sioniste d’un complexe militaro-industriel qui a toujours dicté sa politique étrangère aux dirigeants étatsuniens et qui ont entraîné «leur peuple» à soutenir toutes les guerres que les USA ont livrées au monde et qu’ils continuent à livrer au profit d’Israël.

Mais là n’est pas du tout mon propos, je vous prie d’excuser les caprices de ma plume à qui il m’est de plus en plus difficile de refuser quoique ce soit, maintenant que je ne suis plus enseignant, même si mon cerveau, je dois l’avouer, est un peu usé par presque trente ans de classe (1984/2014)… Je dois dire que ça n’a pas été de tout repos même si, entre nous, l’année scolaire dans nos montagnes de Kabylie, avec les écoles qui ferment dès qu’une goutte de pluie se met à tomber et je ne vous parle pas de la neige et du verglas qui peut congédier élèves et personnel durant un mois, oui madame la ministre, un mois si ce n’est pas plus ! Sans compter les fêtes de toutes sortes, du premier janvier au trente et un décembre comme disait cette remarquable chanson de Julio Eglésias, en passant par Yenayar qui correspond au 12 janvier, le huit mars pour les enseignantes, le 20 avril et comment ! Le premier mai, les horaires du mois du Ramadhan, les grèves devenues récurrentes et qui durent parfois trois à quatre semaines… les fêtes religieuses (la grande et la petite, l’Achoura et le 1er Mouharem)…

Jugez-en vous-même !

Non, je ne me permettrais jamais de vous écrire pour vous que vous faîtes partie d’un gouvernement issu d’un énième coup de force constitutionnel, il s’agit là de politique et je sais que vous n’en faites pas, du moins c’est ce que je me dis, mais plutôt pour vous rappeler qu’il ya vraiment du pain sur la planche et je ne crains que cela ne dépasse votre champ et vos moyens d’action, surtout quand on sait l’animosité que vous provoquez chez cette catégorie d’ignorants qui se permettent de juger non pas vos compétences que vous n’avez même pas eu le temps de montrer en arrivant, mais le fait que vous soyez une Benghebrit. Peu importe pour moi que vos origines soient marocaines comme notre président d’ailleurs et tous les autres Ould Kablia, Ben Bella par le passé, Zerhouni, Tounsi…. La liste étant trop longue pour citer tout le monde, l’essentiel est que quelque chose de bien se fasse pour ces enfants d’Algérie qui pourront peut-être un jour édifier la Grande Afrique du nord du Maroc à la Libye… qui sait ?

Non, je voulais juste vous dire que nous en avons assez d’assister impuissants aux violations des droits les plus élémentaires : celui du savoir. Nous ne voulons plus que nos enfants servent de cobayes, nous désirons pour eux une école digne de ce nom et quand je parle d’école, vous savez de quoi je parle, parce que vous avez été vous-même à la bonne école qui a fait de vous ce que vous êtes aujourd’hui…

Faites donc un tour dans les écoles primaires dans nos villages et vous verrez ce qui est servi à nos enfants, à midi, en guise de déjeuner dans un pays qui s’est même permis d’aider le FMI de Lagarde, après avoir été celui de DSK, du clan, j’allais dire présidentiel … vous voyez ce que je veux dire... le lobby financier qui a réussi à corrompre tout le monde…

Les élèves nous arrivaient nul en Français, en mathématiques, en arabe, partout… Ils savaient à peine pour la plupart d’entre eux à écrire leur nom. Dire que les inspecteurs, un corps sur lequel on pourrait disserter longuement, ne manquent pas. L’article 120 a promu énormément d’opportunistes, arabisants pour la plupart. Ils ont constitué une secte qui a fait main basse sur toute la fonction publique, Direction de l’Education y compris…

Elle est loin l’époque où Mouloud Feraoun dispensait le savoir à ces jeunes montagnards qui se retrouvaient à 50 élèves dans une même classe faute de locaux, où Mohammed Dib mettait la main à la poche pour soulager les gamines et les gamins qui venaient de très loin pour recevoir cette instruction qu’il leur donnait en même temps que le déjeuner de midi. Savez-vous que sa mère elle-même avait aidé à prendre en charge ces écoliers affamés en leur faisant du couscous ?

Mais c’était l’époque coloniale.

Je ne me fais aucune illusion mais loin de moi l’idée de jeter l’anathème sur vous, vous n’y êtes pour rien même si certains enseignants de ma connaissance regrettent déjà l’ère Ben Bouzid. Je sais qu’on vous a appelé à la rescousse non pas pour révolutionner le système éducatif mais pour occuper un poste le temps d’un autre remaniement du gouvernement qui peut intervenir à tout moment, notre pays traversant une crise politique majeure.

Non, je voulais tout simplement dire que notre école est malade et depuis très longtemps, depuis peut-être le départ du regretté Mustapha Lacheraf, grand intellectuel et dirigeant historique, membre de la délégation du FLN au Caire, ou depuis peut-être l’arrivée au ministère de l’Education nationale de Si Mohand Cherif Kheroubi. Mais une chose est sûre, c’est qu’elle est vraiment malade et qu’il est vraiment temps de songer à agir, à prendre le taureau par les cornes et donner un bon coup de pied dans la fourmilière. Les solutions existent pourtant. C’est le courage et/ou la volonté politique qui manque.

Nacer Achour

Ecrivain et enseignant en retraite anticipée

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Commentaires (8) | Réagir ?

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Mouloud FEKNOUS

Madame la Ministre est avant tout une algérienne comme vous et moi; par conséquent sa judaïté supposée ou réelle n'a pas à rentrer en ligne de compte ! Permettez moi de vous rappeler, que c'est de cette manière que l'on autorise des abrutis auto désignés imams salafistes ou khortistes à énoncer des conneries appelant au crime d'un journaliste -écrivain !

Néanmoins, je dois dire que je partage totalement l'analyse de Mr Achour concernant l'école et, les effets dévastateurs de la réforme induite par le triste sire qu'est le Kabyle KHAROUBI. Ces effets dévastateurs ont été entretenus par si Bouzid Bousbel qui était parait -il directeur du Centre Des Etudes Stratégiques, par les ministres de l'enseignement qui ont remplacés feu Benyahia assassiné lui aussi par - comme dirait la geisha nationale du Pot Troué- la main des étrangers.

Triste est l'état de l'école et de l'université - j'ai exercé en tant que prof avant d'émigrer la mort dans l’âme dans les années 90 - ou la dicté était devenu une règle et l'étudiant n'avait qu'a recraché le gallimacia de cours qu'il a ingurgité. Je ne reproche rien ni à l'écolier ni à l'étudiant. L''un a été abrutis par un enseignement moyenâgeux qui au lieu de lui ouvrir l'esprit, lui apprendre le sens de la critique, de l'argumentation et surtout de l'effort (d'ailleurs, le sport a disparu de l'école algérienne pour preuve plus aucun athlète n'est présent sur la scène internationale), l'autre - l'étudiant pauvre chômeur en devenir- n'a appris qu'à contester les notes et le reste il s'en branle.

Mais l'Ecole et l'Université sont à l'image de la bonne gouvernance à l'algérienne. c'est à dire que Mme la Ministre ne pourra rien changer, comme vous le dîtes si bien elle ne fait que remplir un vide en attendant que plus conciliant soit trouvé. Le Maître de l'Algérie c'est l'Achat par tous les moyens d'une paix sociale galvaudée jusqu'au jour le baril de pétrole frôlera les vingt dollars comme le souhaite les bédouins auxquels nous nous accrochons comme des morpions, eh là RABI YOUSTER.

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Amnay Djennadi

l'Algérie officielle a définit ses constantes nationales dans l'arabité et l'islamité, contre l'amazighité! à commencer par Lacheraf, ce brillant intellectuel que vous regrettez tant! rappelez-vous seulement, pauvre kabyle que vous êtes, la violente attaque que Mouloud Mammeri a subi pour avoir écrit la Colline Oubliée! la mémoire courte !!! le problème c'est que vous avez la mémoire courte monsieur Achour!

Et cette école d'antan dont vous parlez, elle n'a été que le temps de la transition pour arabiser et islamiser en profondeur ! et le résulta est probant !

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