J’arrive sur le lieu de l’inconcevable. La ville commence à peine à s’éveiller. Nous autres, les damnés de la Terre, tous âges et sexes confondus, sommes agglutinés comme du bétail devant la porte du consulat en quête, qui d’un passeport, qui d’une carte d’identité, qui d’un extrait de naissance communément appelé S12.

Parmi la foule compacte, j’aperçois une connaissance. Elle m’annonce à grand renfort de doigts et tout sourire, qu’elle campe là depuis la veille, 23h30. On me demande de m’inscrire sur une liste de fortune. Je pointe à la… 105ème position. Des malades se plaignent de ne pouvoir rester debout. La porte de la chancellerie s’entrouvre. Un brouhaha se lève aux abords de la représentation consulaire. Une bousculade s’en suit. Des cris fusent dans une indescriptible anarchie, dérangeant les riverains de ce paisible quartier du 8e arrondissement de Marseille.

Qu’avons-nous fait au bon Dieu, nous Algériens, pour mériter tout ça ? Existe-t-il au monde une représentation consulaire qui maltraite ses citoyens de la sorte? Quel peuple au monde accepterait-il l’humiliante situation de passer la nuit devant un consulat pour quelque document administratif? Sous d’autres latitudes, les animaux ont droit à plus d’égards.

Des chercheurs d’autres contrées se sont mis à la disposition de l’humain pour inventer un outil facilitateur de vie appelé internet que notre consulat ferait mieux d’exploiter, à l’instar de la plupart des pays du globe. Et qu’on ne vienne pas nous ressasser la vieille rengaine des moyens qui manqueraient. D’aucuns vous diront, à ce sujet, que l’Algérie est de loin, très loin, plus riche que le Rwanda, pays qui a subi un terrible génocide, il y a à peine 20 ans. Il se trouve que ce pays vient de lancer officiellement, le 11 novembre dernier, le réseau 4G, prouvant si besoin était que la seule vraie richesse consiste en l’Homme.

Ces mêmes nouvelles technologies pourraient courir au secours de notre désuet consulat, si une volonté réelle et sincère venait à se manifester pour arrêter le bricolage et l’incompétence, et mettre le citoyen au centre des préoccupations afin de lui faciliter les procédures administratives actuelles, qui sont d’un autre âge. Ceci passerait, tout simplement, par la création d’un site internet qui permettrait aux algériens de s’enquérir des procédures d’obtention de tel ou tel document et de pouvoir prendre rendez-vous à des jours et horaires précis. Il faut dire que l’humiliation n’a que trop duré.

A. Mazari