L’armée algérienne et l’équation républicaine
De par le monde, à travers les âges, les plus grandes mutations sociales, celles qui entraînent une organisation moderne de la cité, se sont toujours enclenchées dès lors que la destinée des peuples s’effectue suivant une dynamique interactive intelligente entre gouvernants et gouvernés.
Dans de tels processus d’interactions humaines, les erreurs de gouvernance servent généralement de leçons, lesquelles permettent une remise en question constructive et un ajustement des trajectoires politiques pour les rendre conformes aux aspirations de la majorité du peuple, sans pour autant en frustrer la minorité. Un pouvoir qui ne se remet pas en question ne peut pas prétendre évoluer et devenir meilleur ni comprendre que les masses populaires puissent aspirer à quelconque transformation qui ne cadre pas avec les intérêts exclusifs de ce même pouvoir, dont celui de se maintenir au trône quoiqu’il en coûte. Que dire alors des gouvernants imposés et articulés comme de simples pantins par une armée toute aussi insouciante de la destinée de son peuple alors qu’elle est sensée le protéger contre toute menace extérieure et intérieure?
Est-il de besoin de rappeler, à l’entame de ce papier, ce que tous les Algériens "qechouche-mechouche" (*) savent, à savoir que les militaires sont les premiers, voire uniques responsables de nos déboires depuis 1962 ? N’est-ce pas cette Grande Muette qui nous concocte à chaque fois dans des labos occultes, un président venu d’ailleurs ou sorti de nulle part, lequel appelle ses p’tits copains pour les nommer, avec une légèreté déconcertante, à des postes clefs ? À l’image de ces nombreux ministres irresponsables, farouches, amoraux, souvent incultes et déconnectés des préoccupations des masses populaires et de leurs aspirations, qui défilent et nous narguent du haut d’une suffisance caractérisée depuis plus de 15 ans.
Même si tous nos analystes politiques s’accordent à penser que la chute du pétrole entraînera inéluctablement celle du système FLiN-tox, ce dont il est permis de douter, la facture qui s’ensuivrait si elle venait à se consigner, sera débitée, comme toujours, sur le dos du petit peuple qui en paiera, encore une fois, le prix fort, en drames, en sang et en exils de masse si rien n’est fait pour stopper la folie qui sévit en haut lieu et qui a fait fuir diables et dieux de la terre d’Algérie.
La chute des cours du pétrole semble effrayer toutes les consciences, celles qui ont à cœur de sauver le pays, tant les implications sur le futur économique et social en sont intimement liées. Les dangers qui nous guettent sont si imminents qu’ils perturbent la cohérence temporelle des envolées analytiques de notre classe politique la plus éclairée, les faisant virevolter d’une prédiction à son contraire, en des temps record. Un signe du désarroi qui habite tout Algérien lucide. Il y a, à peine 3 semaines, Me Ali Yahia Abdenour et Dr Saïd Sadi nous annonçaient, le premier de Montréal, le second d’Azazga, que la fin du régime était toute proche, allant jusqu’à lui fixer une date, celle d’avril 2015 !? Cette semaine, c’est sous forme d’appréhensions et de cris d’alarmes lancés d’Alger et de Tizi-Ouzou, que nos grandes figures politiques tentent de nous mettre en garde contre les périls qui se profilent à la cadence résolument régressive des cours du pétrole sur les marchés financiers. L’urgence de la situation est telle que Me Ali Yahia n’hésite pas à lancer un appel explicite pour solliciter l’intervention de l’armée afin qu’elle joue un rôle actif pour résoudre une crise de pouvoir dont elle doit assumer l’entière responsabilité.
Sans vouloir verser dans la contradiction stérile, force est d’admettre qu’un tel appel n’aurait eu de sens que si nos militaires faisaient justement montre d’un tant soit peu de bon sens en s’impliquant dans l’imbroglio social qu’ils ont eux-mêmes créé et encouragé! Si la Grande Muette n’avait pas confisqué le poste suprême, comment diable en serions-nous arrivés là ?
Désolé de le dire, mais il est erroné de croire, ou de faire semblant de croire, que nous avons une armée qui fonctionne selon un almanach d’obligations et de devoirs. Ses codes, connus de tous, se composent essentiellement de droits et de passe-droits, le premier étant celui de l’expropriation du pays et ses richesses au seul bénéfice de la famille militaro-FLiN-tox, soudée par l’aveuglement et une soif insatiable de biens matériels. Biens qu’ils ont juré de sauvegarder et de défendre quoiqu’il nous en coûte en vies humaines. À cet égard, les militaires ont toujours mené à bien leur seule et unique mission, celle de servir, serment de fidélité oblige, la petite "famiglia". Par conséquent, espérer de cette armée de GI’s un sursaut de lucidité pour accompagner la transition démocratique avec maturité et responsabilité est tout simplement puéril. S’attendre à ce qu’ils se dressent contre le système FLiN-tox, ce robinet doré qui les alimente, c’est souhaiter les voir se faire hara-kiri!
D’aucuns s’imaginent que les militaires ont sauvé la république des mains des barbares islamistes, et qu’ils leurs ont mené combat en notre nom et pour les beaux yeux d’une Algérie républicaine. Nous sommes naïfs, mais pas au point de croire cela ! L’armée s’est engagée dans la lutte contre le FIS, l’AIS et autres GIA tout simplement parce que l’édifice sur lequel reposait la structure militaire était menacée, à explosion fatale. Les images de Généraux pendus par les fous de Khomeiny en Iran étaient, en ces temps-là, beaucoup trop fraiches pour que nos GI’s prennent le moindre risque de laisser la corde de Ali-Belhadj et Abassi el-Madani glisser autour de leurs cous épaissis par une surconsommation de bifteck.
Bien avant les années d’instabilité islamiste, de ma période de fréquentation des militaires dans le cadre du service national, 06 mois à l’EFOR de Blida et 18 mois à l’Ecole Polytechnique de Bordj-el-Bahri, remontent des souvenirs d’engagés vivant dans un monde parallèle des plus enviables, comparé à celui du petit peuple. Deux mondes parallèles sont condamnés à ne pas se croiser et ne rien avoir de commun. De ce fait, la pénible réalité du quotidien des algériens est totalement méconnue des soldats de la Muette.
Qu’on ne s’y méprenne pas ! Les militaires, du Général à l’homme de troupe, ont de tous temps mené une vie dont les standards de qualité sont bien au-dessus de la moyenne civile pour espérer d’eux un quelconque sursaut et ralliement à la cause républicaine. Que celui qui connaît un militaire qui se plaint de quoi que ce soit nous le dise ! Le soldat algérien n’est pas confronté aux mêmes problèmes que ceux du commun des citoyens. De ce fait, il est improbable que les militaires n’aient jamais pris la juste mesure de nos soucis et de nos aspirations:
- Le citoyen se débat dans des problèmes de logement, pas le militaire.
- Les civils se débattent dans des problèmes quotidiens d’alimentation vitale, pas les militaires! Leurs coopératives étaient achalandées à l’excès, frisant l’insolence, déjà pendant les périodes de pénuries chroniques des années 80 pendant lesquelles nous cavalions dans tous les sens pour nous procurer les produits de première nécessité, œufs, yaourts, lait, huile, beurre, etc.
- Le visa pour un bol d’air à l’étranger rime avec utopie pour la plupart des civils, pas pour les militaires.
- Le citoyen subit au quotidien la Hogra des policiers, des gendarmes, et des islamistes, pas le militaire.
- Le citoyen est malmené par une justice et une bureaucratie oppressives, pas le militaire ! Etc. En résumé, le civil rêve d’un monde meilleur, le militaire vit dans le meilleur des mondes.
Comment dès lors croire en un quelconque déclic de bienveillance de la part de l’armée, qui ferait basculer ses principes au point d’en arriver à protéger le peuple des dérives d’un pouvoir totalitaire qu’elle a elle-même institué? D’autant que dans la tête de nos soldats, comme dans celle des FLiN-tox et des islamistes, à quelque grade que ce soit, le civil est considéré comme subordonné redevable de respect, d’obédience et de soumission à leur égard. Rien de plus! Faut-il rappeler que si du temps de la France, certains endroits étaient interdits aux arabes et aux chiens, en l’an 2014, des complexes entiers sont réservés aux militaires, interdits aux civils mais pas aux chiens de ces mêmes militaires? Drôle d’indépendance!
Rajoutez à cela le fait que le côté rétrograde de l’islam a aussi gangrené les militaires autant que les civils, vous aurez une idée du type de société qu’ils défendraient s’ils venaient à le faire. Ce n’est certainement pas l’idéal républicain qui fait palpiter nos cœurs, celui de Saïd Sadi ou de Me Ali Yahia Abdenour. "L’université d’été", (remarquez bien qu’il aura suffit d’un soukoun et d’une kesra pour transformer un djama3 en djami3a dans cette foire aux âneries) organisée par les sanguinaires de Madani Mezrag et tolérée par l’armée, est une preuve, s’il en fallait une de plus, que la réconciliation nationale qui s’est combinée sur notre dos avait pour but unique, celle de souder la famille Islamo-Militaro-FLiN-tox afin de perpétuer une mainmise contre-nature sur un peuple fatigué et désabusé! Le ton est donc donné pour d’autres folies car le pouvoir de Bouteflika est sourd à tout cri d’alarme et d’avertissement, dût-il provenir du plus vieil homme de loi et du politique le plus averti du pays qu’est Me Ali-Yahia Abdenour!
Par ailleurs, comment ignorer le fait que la hiérarchie militaire s’organise et fonctionne sur les mêmes schémas de promotions que le civil? Un schéma qui catapulte souvent le médiocre vers des rangs supérieurs tout en maintenant le compétent aux grades inférieurs? À cet égard, permettez que je vous relate la prouesse de cet officier supérieur qui avait été mis en retraite au bout des 20 ou 25 années de service réglementaire. Un gars brillant qui n’acceptait pas l’idée de rester inactif, alors qu’il n’avait pas encore atteint la cinquantaine. Un homme si brillant qu’il avait décroché le CAPES en mathématiques dès sa première tentative. Aux dernières nouvelles, il serait déjà agrégé, pendant que Gaïd Salah cumule moult responsabilités et moult casquettes sans fournir le moindre effort, surtout pas intellectuel.
On parle souvent de la fuite des cerveaux dans le civil, mais combien de militaires brillants ont quitté l’armée pour les mêmes raisons que celles qui ont fait fuir les civils ? Celles d’une bêtise humaine qui promeut le GI (Général Inculte) au sommet et qui écrase l’instruit en réduisant ses missions à néant en fin de carrière pour l’écarter des rouages supérieurs de la nation?
Pourtant, ces dernières années nous avons vu apparaître sur la scène politique des Généraux retraités, à l’image de Mohand Tahar Yala et de Rachid Benyelles, qui dégageaient une lucidité et un entendement des plus appréciables. Où sont-ils ? Pourquoi se taisent-ils dans ces moments de menaces qui pèsent sur le pays et l’avenir de ses enfants ? Il est vrai que la transition démocratique serait incomplète et surtout utopique si des militaires ne s’impliquent pas pour peser sur leurs semblables, ceux d’en haut qui prêtent main forte à une équipe d’aventuriers sans foi ni loi et qui agissent en intouchables, voire en immortels. Mais une telle implication exige que des militaires doués sortent du placard pour affronter leurs médiocres supérieurs. Il n’a fallu que 15 ans à Atatürk pour mettre la Turquie sur les rails d’un monde moderne. Quel progrès social peut-on attribuer aux 15 années de règne de Bouteflika? Question posée à Saïd Sadi qui s’offusque de tous ces tirs incessants sur la personne de Bouteflika. Mais nom d’une pipe Docteur, à qui d’autre peut-on attribuer la faillite sociale et la remise sur selle d’un islamisme pur et dur qui s’apprête à réinvestir le terrain de la terreur sinon à ce même Bouteflika dont vous aviez promis et juré la non réélection en 2004? Un islamisme pourtant vaincu par Zeroual et les patriotes avec l’adhésion de l’écrasante majorité du peuple. Tant d’embrouille ne présage rien de bon pour le futur proche ou lointain! Reste à prier que des militaires en phase avec le monde se manifestent pour dire Niet à cette folie qui sévit en haut lieu, sans armes ni violence, bien évidemment, mais en toute efficience.
Malheureusement, les arguments précédents tendent à démontrer que c’est peine perdue d’espérer des militaires un quelconque éveil patriotique à même de les pousser à s’impliquer dans un processus démocratique qui remettrait de l’ordre et du bon sens dans la maison Algérie. D’autant que telle remise à l’ordre reléguerait de facto de nombreux Généraux à des rangs inférieurs. Et là se dessinent les limites d’un tel scénario, car, au même titre que Bouteflika, nos GI’s ne supporteraient jamais leur sortie du palais, si ce n’est pour leurs dernières randonnées dans le monde des vivants, celle qui les mènera au caveau dans lequel les richesses cumulées auront toutes la même valeur, celle d’un absolu zéro. Leur arrive-t-il d’y penser ? J’en doute!
Quant au peuple, au nom duquel tout le monde parle sans que personne ne songe à le laisser s’exprimer en premier, il est inutile de chercher l’impliquer! On lui a trop fait payer de factures rédigées à l’encre de ses veines pour oser le solliciter d’avantage. Inutile non plus de faire appel à ces militaires aux ordres des GI’s pour notre protection! Autant demander à la lionne de protéger l’agneau de l’appétence de ses lionceaux.
Avant même de terminer cet exposé, l’on apprend l’assassinat d’un président d’APC par un groupe armé. Un GIA auquel on a confisqué le I pour disculper les copains islamistes de Tab’j’nanou, malmenés par les méchants démocrates. Quel délire ! Quelle vision calamiteuse que de voir se dessiner, sous nos yeux larmoyants, tel épuisement collectif et telle impuissance face à ce tsunami de bêtise qui emporte le pays! N’ayons pas peur de le dire! C’est mal parti, très mal parti pour une Algérie républicaine avec ceux qui tirent les ficelles, sans état d’âme, du handicap de Bouteflika !
À moins que… Entends-tu notre détresse Général Atatürk ?
Kacem Madani
(*) Métaphore kabyle qui signifie "y compris les enfants et les chats"
Commentaires (3) | Réagir ?
L'armée algérienne et l'équation républicaine on est en plein dans le mille de la quadrature du cercle C'est un problème impossible à résoudre Mais Einstein disait "Un problème sans solution est un problème mal posé " Pour sortir de cette quadrature du cercle il faut revenir au b. a ba de la démocratie L'armée à la caserne et le peuple à la cité
De quelle armée parle votre article, excusez un peu confus votre rappel historique, disons personnel.
Oui c'est vrai l'armée est responsable de la "maintenance" (permettez moi le mot) de l'algérie depuis 1962 par un rapport de force au profit d'un éxécutif civil corrompu et criminellement incompétent et dirigé par un président-carrefour des divergents ou convergents segments du systéme.
C'est vrai l'armée a une lourde responsabilité politique, mais en ces jours incertains, il serai honnete de dire:Que l'armée actyelle sous Bouteflika n'est plus une armée au sens entendu de part le monde, n'est plus une armée réfletant les équilibres régionaux (la chasse massive aux officiers de l'EST et de la Kabylie et meme des rares du Sud du pays par bouteflika, pour instituer un commandement aux mains de généraux (trés rapidement promus) originaires de l'Ouest du pays et surtou de l'axe "Nedroma-maghnia-Sebdou-Tlemcen", bien que quelques généraux de la région Ouest ont été virés par bouteflika 'parce que n'acceptant pas ce jeu régionaliste), voilà de quoi est composé l'armée aujourd'hui.
Ajoutons une DGSN et Une Gendarmerie (à deux ils dépassent les effectifs de l'armée des actifs) inféodés à Bouteflika, et le tour scabreux de notre appareil militaire et sécuritaire est fait, et sans appel.
Quand aux Bidasses ils se contentent d'augmentations salariales et aux officiers subalternes formés à l'acadamie des majorettes de Cherchell, ne chercher rien de ce coté.
Alors faites nous un autre article analytique réel de cette armée et des autres armées, ca sera édifiant, car le matin le publiera avec plaisir, merci.