L'Aide-mémoire qu'Ali Benflis a remis à la délégation européenne
A l'issue de la rencontre d'Ali Benflis avec des représentants de l'Union européenne, l'ancien chef de gouvernement a remis à cette dernière un aide mémoire sur la scène politique. Document.
1.- La scène politique algérienne a connu une profonde décantation au lendemain des dernières élections présidentielles. Cette décantation a été provoquée par la question de la transition démocratique.
- Nous avons d’un côté le pouvoir en place qui refuse de voir la nécessité de cette transition ;
- Et de l’autre côté, une opposition qui s’est unifiée et qui revendique cette transition comme la priorité de l’étape actuelle.
2.- Comment l’opposition nationale est-elle organisée ?
- Il y a le Pôle des Forces du Changement qui comprend 8 partis et des personnalités nationales ;
- Et il y a aussi la Coordination Nationale pour les Libertés et la Transition Démocratique qui comprend 5 partis ainsi que des personnalités nationales.
- Depuis le 10 juin dernier ces deux composantes de l’opposition nationale se sont unifiées et elles ont créée le 10 septembre dernier une structure commune dénommée l’Instance de Suivi et de Concertation de l’Opposition (ISCO).
3.- Qu’y a-t-il de nouveau ?
- Depuis l’indépendance du pays, c’est la première fois qu’une très grande partie de l’opposition nationale est parvenue à unifier ses rangs.
- Malgré les divergences idéologiques et les identités politiques différentes des composantes de cette opposition, c’est aussi la première fois que cette opposition nationale s’entend sur un programme politique réclamant l’organisation d’une transition démocratique.
- Durant les 23 dernières années l’Algérie n’a connu que deux tentatives de transitions démocratiques toutes à l’initiative du pouvoir en place. La première, en 1989 que j’appelle «la transition octroyée» qui s’est arrêtée brutalement au début des années 90 avec l’irruption du terrorisme et la seconde en 1995 que j’appelle «la transition cooptée» qui a été arrêtée puis remise en cause avec l’arrivée de M. Bouteflika au pouvoir en 1999. C’est donc, aussi, la première fois que ce n’est pas le pouvoir en place mais l’opposition nationale qui prend l’initiative de la demande d’une transition démocratique.
- Nous sommes tous d’accord au sein de cette opposition pour que cette transition soit consensuelle, graduelle et pacifique.
4.- Pour ce qui me concerne, j’ai proposé dans mon programme pour les présidentielles, qui avait pour devise «une société des libertés», essentiellement ce qui suit :
- J’ai dis que l’Algérie avait cruellement besoin d’une «mise à niveau démocratique» et que celle-ci était devenue prioritaire et urgente ;
- J’ai dit aussi que cette «mise à niveau démocratique» ne pouvait être réussie qu’au moyen d’un véritable «partenariat politique pour la transition entre le pouvoir et l’opposition» ;
- J’ai dis, en outre, que la citoyenneté et la souveraineté populaire devraient être mises au cœur de notre vie démocratique ;
- Et j’ai dis enfin que je constituerai un gouvernement d’union nationale pour mettre en œuvre les grandes réformes politiques, économiques et sociales dont le pays a besoin ; et que j’associerai toutes les forces politiques représentatives à la révision de notre Constitution pour la mettre en conformité avec les normes démocratiques universellement admises.
5.- Après les conditions plus que contestables dans lesquelles se sont déroulées les dernières élections présidentielles et compte tenu de la crise politique manifeste à laquelle le pays est confronté, nous sommes face à trois défis majeurs qu’il nous importe de relever :
- Il y a aujourd’hui en Algérie une véritable crise de régime qu’il nous faut régler ;
- Il y a une transition démocratique à organiser ;
- Il y a la nature de notre régime politique à changer en opérant le passage d’un pouvoir personnel à un pouvoir démocratique ;
6.- Moi-même et mes amis au sein du Pôle des Forces du Changement avons proposé une démarche pour prendre en charge l’ensemble de ses trois défis à travers ce que nous appelons "un processus global de règlement de la crise politique".
Il s’agit d’un processus comprenant trois étapes successives. Je souhaiterai vous dire quelques mots à propos de ce processus global que nous proposons et de ses trois étapes que nous envisageons.
7.- la première étape de ce processus serait consacrée à la crise de régime. Le traitement de cette crise de régime est urgent et il doit être, en conséquence, prioritaire.
Pourquoi disons-nous qu’il y a aujourd’hui une crise de régime en Algérie ? Essentiellement pour trois raisons :
- La première raison est qu’il y a aujourd’hui en Algérie une vacance du pouvoir. Et ce ne sont pas les quelques activités que l’on fait accomplir à M. Bouteflika de temps à autres qui suffiront à démentir cette réalité. Dans une réflexion que je viens de publier j’ai moi-même recensé 21 motifs à constat de la vacance du pouvoir. Notre constitution prévoit ce cas de figure mais, malheureusement, elle est empêchée d’en connaitre.
- La deuxième raison est que les institutions du pays sont quasiment à l’arrêt. Le Conseil des Ministres ne se réunit plus que très rarement et le Parlement n’a fait passer en moyenne que 7 lois par an sur l’ensemble de la dernière décennie. M. Bouteflika a opéré une telle concentration des pouvoirs entre ses mains que maintenant que ses capacités sont affectées, les autres institutions sont condamnées à l’inactivité.
- La troisième raison est que l’Algérie ne dispose pas d’institutions légitimes de la base au sommet. Toutes nos institutions, la Commune, l’Assemblée de Wilaya, le Parlement et le Président de la République sont, devenues le produit de la fraude. J’ai publié un Livre Blanc récemment ou nous avons démonté un à un les mécanismes de la fraude. Le contenu de ce livre n’a pas été démenti à ce jour par les autorités officielles.
Nous avons donc aujourd’hui dans notre pays une crise constitutionnelle liée à la vacance du pouvoir, une crise institutionnelle puisque les institutions n’assument plus leurs prérogatives normalement et une crise de légitimité de ces institutions. C’est ce qu’en tant que juriste et qu’homme politique j’appelle une crise de régime.
Ce type de crise ne se résout que d’une seule façon partout dans le monde : le retour aux urnes et au suffrage populaire. C’est ce que nous demandons en insistant sur le fait qu’un tel retour aux urnes devra s’effectuer impérativement sous l’autorité d’une instance indépendante, transparente et crédible.
8.- Voilà pour la première étape. La seconde étape serait quant à elle consacrée à l’organisation de la transition démocratique.
Cette transition démocratique serait organisée et conduite par les forces politiques légitimes et représentatives que la première étape aura fait émerger de manière incontestable. Dans le cadre de cette transition démocratique :
- Un gouvernement d’union nationale serait mis en place pour gérer la transition et pour conduire les grandes réformes politiques, économiques et sociales qui exigent le consensus national le plus large.
- Un pacte pour la transition serait adopté et codifierait des engagements politiques contraignants pour prémunir cette transition contre les dérapages toujours possibles.
- Une nouvelle Constitution serait rédigée en large association avec toutes les forces politiques.
- J’envisage tout un mandat présidentiel -5ans- pour réaliser l’ensemble de ces tâches. Ce serait en fait un mandat-transition.
9.- La troisième étape serait celle du changement de la nature de notre régime politique, c'est-à-dire passer d’un pouvoir personnel à un pouvoir démocratique. Cela prendra du temps. Il ne suffit pas de changer de Constitution pour changer un régime politique. Il faut une nouvelle culture politique ; il faut une nouvelle pratique politique ; il faut élargir les espaces d’initiatives et des libertés ; il faut apprendre à concevoir l’opposition comme un acteur indispensable de la vie démocratique et non pas seulement comme un adversaire politique à combattre ; il faut préparer l’émergence d’une véritable société civile ; il faut, en somme, préparer et habituer le pouvoir à vivre avec des contre-pouvoirs.
10.- Je voudrai conclure disant que si en matière de transition démocratique nous en sommes aujourd’hui à la case départ, cela est dû à la révision constitutionnelle de 2008. Sans elle, nous ne serions pas aujourd’hui face à une crise de régime. Sans elle nos avancées démocratiques auraient pu se poursuivre progressivement.
Cette révision constitutionnelle a enfermé notre pays dans le piège du pouvoir personnel à vie et peut-être même du pouvoir héréditaire. Et c’est de ce piège que nous devons sortir notre pays.
Ali Benflis
Commentaires (6) | Réagir ?
merci pour l'iformation
E pourkoi pas c"est pas L EU qui vienne pour sauvez le clan Bouteflika ; apres que le FFS na pa s réussit sa mission