Quand Mehdi I dit en vrac
Tu ne pourras rien me cacher, moi ton frère, moi Mehdi I, surnommé par toi, Mehdi la géométrie. Nés le même jour, du même père, de la même mère, avec le même nom, et de surcroit le même prénom. Et si certains ne se souviennent pas de toi Mehdi II, ce n’est rien. Mais si toi, tu ne te souviens plus de rien, alors là, c’est plutôt rigolo.
Je t’ai écouté la dernière fois, gentiment assis face à toi et bouche cousue. Je n’ai murmuré ni mot, ni syllabe. J’espère que tu vas me laisser parler. Te dire quelques mots en vrac. C ‘est ça la démocratie que je respecterai ; enfin telle que tu me l’as apprise, telle que tu la conçois. J’ai donc beaucoup apprécié tes conseils, tes judicieuses recommandations, d’autant plus que tu es mon ainé, puisque né quelques minutes avant moi.
Tu avais donc insisté pour que je te téléphone, à l’ avance, avant de venir. Bien. Mais, j’ai trouvé mieux, pour ne pas abuser de ton temps si précieux. Dorénavant, je te ferai une demande d’audience. Par lettre recommandée avec accusé de réception. Ensuite, tu fixeras le jour où tu voudras bien voir ma gueule. Tu ne me recevras qu’en ton bureau. Pas chez toi. Je ne veux pas tomber sur ton pitbull mangeur de kefta. Tu as l’air d’aimer ton molosse importé. Tu aurais pu adopter l’un de nos braves sloughis. Mais il est vrai que ton pitbull te fait parler, et lui, il répond. C’est nous qui aboyons. Je crois que tu souris toi.
Pour la cravate que tu veux me faire porter de force, je ne peux pas grand frère. Pourquoi veux-tu me faire plaquer sur mon torse, un morceau de tissu, entourant mon cou, si près de ma gorge, comme une corde ? Rien qu’à l’idée d’y penser, ça m’étouffe. Je pense à la potence. J’ai donc horreur de la cravate, et je me méfie de ceux qui la portent tout le temps ; je ne sais pourquoi. Le vertige des salons sûrement. Quant à cette incisive qui me manque, je vais enlever l’autre. Ainsi, tes amis me confondraient avec Dracula, pas avec toi.
Sinon, je voudrais te rappeler quelques points de ton historique, et une belle surprise au bout. Cela devrait te causer de la gêne, qui va te donner la migraine, qui va te flanquer le tournis, eddoukha. Et avec cette surprise, tu aurais un autre tournis, le deuxième, en sens inverse du premier. Un tel rééquilibrage dans la rotation de ta bobine te serait salutaire. Mollo mollo grand frère. Tu t’énerves déjà ?
Tu vois, moi je ne me plains pas trop. Je passe mon temps à jouer aux dominos, si je ne suis pas à un guichet. Les dominos pendant trois semaines, et à partir du 22 de chaque mois, je me poste à la poste. La pension. La file d’attente. Longue. Tortueuse. El ghachi, ces retraités. Usés, mobilisés, immobilisés, désabusés. Non, tu n’as pas ce problème toi. Tu sembles compatir.
Sinon, tu feignes l’amnésie, grand frère. À vrai dire, tu veux effacer un passé qui te fout la trouille. Mais ce qui semble paradoxal, tu jongles avec le calcul mental. Une mémoire d’éléphant. Tu t’y connais en nombres, un super-comptable aux registres bien tenus. C’est ainsi que tes amis t’ont placardé sur le dos, le sobriquet de Mehdi l’arithmétique, toi qui ne jure que par eux. Excellent en chiffres, pourrait mieux faire en lettres. Mais fortiche à l’oral. Avec une telle langue, c’est normal. De bois. Je pense que tu ne souris pas. Je ne sais si tu es énervé ou flatté. Et justement, puisque tu comptes faire ton pèlerinage, laver tes os, réfléchis à une double action. Pense d’abord à laver cet organe qui n’a pas d’os : ta langue. Asperge-la à l’eau bénite pour un prélavage. Dégraisse-la à la cire, puis rince- la. Les os viendront après. Tu gagneras ainsi en récompenses. Ne t’énerve pas.
Pour ta photo sur le journal, d’ailleurs tant retouchée, on dirait que tu ne veux plus ressembler, non pas à moi, mais à toi-même. Avec cette frénésie à te mettre face au miroir, l’on ignore, à scruter ton reflet, si tu es flatté ou tourmenté. C’est que tu n’es plus jeune, grand frère. Alors les cosmétiques, les huiles nées chez nous, ou chez eux, n’y pourront pas grand-chose. Il ne te manque que le botox ; mais ça se saurait et ton orgueil en pâtirait. Car beaucoup n’ont pas la langue dans la poche. Comme toi. Comme moi aussi. Là on se ressemble. Normal, on est jumeaux. Tu as l’air d’être calme, tu ne réagis pas. Quant à tes rencontres entre amis, il n’y aura surtout que des « Si Flène », chacun avec sa « Flèna », tous guindés. Synthétiques. M’inviter alors grand frère, c’est me faire subir une punition. Je préfère jouer aux dominos, même seul, mon adversaire étant moi-même.
Pour ton historique, alors as-tu oublié que tu n’étais qu’un bambin en 62, que tu concoctais, quelque temps plus tard, un dossier pour prétendre à une pension de Moudjahid, après avoir ajusté ta date de naissance ? Tu clamais avoir abattu, en bon martien, ce fameux 19 mars, un avion de l’armée coloniale survolant notre dechra. Et ceci, grâce à ta fronde, ce lance –pierre pour chasser les oiseaux. Tu as dû alors confondre entre un moineau et un zinc B 26 ! Plus c’est gros, mieux ça passe. Toujours malin le frangin. Tu as toujours été un as du faux. Mais tu étais adroit, tu maniais bien cette arme de jet, je le reconnais. Et puis tes copains futés qui racontent que la première balle de Novembre, c’est toi qui l’avais tirée. Non grand frère ! Tu as beau maquiller la vérité, elle finira par avoir le dernier mot. Elle nous survivra. En un sens, historique ton histoire.
Aujourd’hui, tu es devenu faux, avide à gogo, vaniteux à tire-larigot. Pour l’humilité, l’apanage des grands, c’est zéro. Quel culot ! De plus, tu ne te remémores de rien du tout, mais tu es le premier qui commémore les morts. Alors arrête d’évoquer à tout bout de champ, les chouhadas. Personne n’est dupe, tais-toi, arrête ton cinéma. Laisse les martyrs dormir en paix. Tes mots creux renversent les étoiles. Des hommes sont morts. D’autres se sont sucrés. D’autres vivent expulsés du temps. Une sève séchée. Un verger piétiné. Et tu invoques la jeunesse, la relève, le flambeau, les symboles, le serment…Une telle dose d’impudence !
Va te reposer et cesse tes cabrioles. Tu ne manques de rien, va sillonner le monde. Offre-toi une navette sur la lune, ou sur mars. En bon martien. Sinon, prends ta mesure, une mauvaise chute et c’est la fracture. T’installer chez tonton ou tata, au pays du ciel d’acier et du froid ? Tu ne pourras pas emporter le soleil avec toi. Tu te contenteras de bronzer aux UV. Sous serre. Une tomate. Et du pays, on pourra t’envoyer un peu de terre, à palper, à humer, tes moments de nostalgie. Un peu de terre dans une boite, de son sel dans une autre.
Alors n’use pas tant de ton masque grand frère. Cesse de blâmer ceux qui ne font même pas mine de t’écouter. La jeunesse grand frère, la jeunesse. Normal comme ils disent. Allo ? Tu as coupé ? Tu m’as zappé ? Hors champ ? Eh bien, ça alors ! Même par téléphone, ta démocratie n’est pas recevable. Tant pis frangin. Pour la surprise, ce sera une autre fois. Sinon, je voulais te dire que je n’irai pas chez le dentiste demain, car c’est férié le vendredi. C’était ma blague si tu veux. Et puis même aux urgences de l’hosto, on dit qu’ils n’ont ni anesthésie, ni seringues, ni fil, ni lits. Là, il faut tout trimbaler avec soi. Et là ce n’est pas toujours une blague.
Rachid Brahmi
Commentaires (4) | Réagir ?
l'image ci-dessus est une vitrine qui reflète l'avenir de toute une nation entre les griffes d'une meute de chien qui savoure le sang de krim de abane ben m'hidi et tout ceux qui ont donnés leur vie.
pour voir arriver boutef et sa bande pour la dilapidée.
Votre style de litterature ne vaut rien, Vous ecrivez pour des algeriens ou bien
pour des docteurs en lettres ?
" tu es devenu faux, avide à gogo, vaniteux à tire-larigot (diable, diable !). " Moh Arwal, les "docteurs en lettres" doivent se marrer comme des baleines en lisant ce patchwork qui ressemble à tout sauf à de la littérature.