Hadjeres et le rêve à rattraper
Sadek Hadjerès nous rappelle que ce n'est pas assez de critiquer son temps, il faut encore essayer de lui donner une forme, et un avenir. Il nous offre un premier volume, d’une série d’ouvrages à paraître, couvrant l’histoire d’Algérie du 20ème siècle. Le livre marquera sans doute le prochain salon du livre d'Alger qui s'ouvre dans une semaine et où l'auteur sera présent pour débattre avec ses compatriotes.
En ce 60e anniversaire de l’insurrection nationale du Premier novembre, parait à Alger l’ouvrage d’un homme et dont l’exigence de vérité (au sens de la connaissance) est autrement plus sérieuse que celle qui s’exhibe aujourd’hui, avec une sorte d’impudence, dans certaines œuvres et dans bien des journaux. Hadjerès a de récurrentes obsessions : expliquer nos impasses, soixante ans après l’insurrection, par la dénaturation du Mouvement national, rattacher ce dernier à l’Histoire universelle, nettoyer l’histoire du Mouvement national de ses mensonges de ces omissions…
Sadek Hadjerès nous propose un livre-bilan, «Quand une nation s’éveille», un ouvrage historique et géopolitique que son éditeur, Boussad Ouadi, n’hésite pas à qualifier d’«événement de la rentrée littéraire à l’occasion du Salon du livre d’Alger de 2014». Si je m’autorise à parler d’un livre que je n’ai pas encore lu, c’est parce que je fais confiance à Boussad, paroissien du livre sans Église, une espèce d’abbé qui se fout des clergés et qui s’entête à vouloir offrir des lecteurs à ceux qui ont quelque chose à leur dire et des livres à ceux qui ont besoin de les lire. Et cela tombe plutôt bien.
Sadek Hadjerès est l’un d’eux, un de ces cerveaux bien algériens qui explorent pour nous, au stéthoscope, le passé, le présent et l’avenir, le passé pour savoir d’où l’on vient, le présent pour comprendre ce qui nous arrive, l’avenir pour tenter de deviner où l’on va. Au stéthoscope puisque, pour notre bonheur, en plus d’être un militant de la première heure et un pratiquant chevronné de la politique l’Homme, est chercheur médical et applique à ses investigations l’ardente insatisfaction du scientifique.
Sadek Hadjerès est un survivant de l’obscur. Il a marché de nuit et connaît donc mieux que quiconque la valeur de la lumière. Son chemin fut celui des proscrits : toujours obligé de partir pour ne pas se pervertir. Partir du Parti du peuple algérien (PPA) dès l’âge de seize ans, pour cause de crise berbériste ; partir du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS) dont il était le premier secrétaire…
Aussi, plutôt que d’épiloguer sans panache sur la lettre du président à la presse, nouvelle fourberie de dirigeants assez cyniques pour se réclamer de valeurs qu’ils sont les premiers à combattre ou à mépriser, profitons de ce que cet intellectuel de l’ombre soit, pour une fois, et fort humblement, sous l’éclairage de l’actualité, pour en voler quelques précieuses pépites.
Ce livre ne sera pas du goût des fabulateurs, prébendiers de l’histoire et autres nouveaux muftis de la vérité historique, ceux que Hadjerès qualifie de «famille dynastique révolutionnaire agrippée à une généalogie trafiquée» et qui agissent «comme si le 1er novembre 1954 avait jailli du néant.» Tant pis : il trouvera un public parmi ceux qui, chez nous, sont de plus en plus nombreux à refuser les mystifications du siècle. Nous vivons l’époque des « remises en question» Á tous les esprits qui désirent savoir d’où ils viennent pour situer où ils vont, de transfigurer l’expérience de la Nation au lieu de s’y complaire.
Dans la postface qu’elle a rédigée pour ce livre, l’historienne Malika Rahal observe ceci : «L’ouvrage de Sadek Hadjerès est à la croisée de deux temporalités : celle d’une pensée en mouvement, texte vivant d’une analyse encore en cours et une temporalité plus fixe de la trace écrite. Ces ‘’mémoires’’ sont fixées pour être lues et utilisées comme référence pour l’écriture de l’histoire. Les débats autour du texte vivant porteront sur des sujets d’une importance capitale dans le présent de l’Algérie».
Rien de plus clair : on pourra peut-être incarcérer ces nouveaux esprits ; les bâillonner aussi. Mais on ne les dupera plus. La confiscation de l’Histoire qui s’appuyait sur le mensonge, ne s’appuie, soixante ans après l’insurrection, désormais sur rien. Des tréfonds de la terre trahie, sort cette imploration aux cieux : pourquoi ta guerre, père, n’a pas apporté ma délivrance ?
M. B.
Sadek Hadjerès
Quand une nation s’éveille Mémoires – Tome 1 – 1928-1949.
Editions Ines (Alger)
1. Depuis 1992, libre de toutes affiliations partisanes, Hadjerès vit en exil à l’étranger où il se consacre à des travaux en Géopolitique et des publications dans la presse algérienne et internationale. Il anime le site internet unitaire et progressiste de documentations et d’échanges sur lequel on peut accéder à sa biographie complète.
NOTES DE L'EDITEUR
Sadek Hadjerès décrit, à travers les perceptions de l’enfance et de l’adolescence, les vécus, les problèmes et mentalités dans les campagnes et les montagnes, les évolutions dans les milieux citadins et universitaires algérois. De partout monte et bouillonne en ces années quarante la soif de liberté des vaincus d’hier, qui commencent en tâtonnant à forger les voies et les outils de leur libération, «en tant que nation ayant droit à la vie», selon l’expression du Cheikh Benbadis.
Dans ce 1er volume, d’une série d’ouvrages à paraître, couvrant l’histoire d’Algérie du 20ème siècle, Sadek Hadjerès décrit, à travers les perceptions de l’enfance et de l’adolescence, les vécus, les problèmes et mentalités dans les campagnes et les montagnes, les évolutions dans les milieux citadins et universitaires algérois. De partout monte et bouillonne en ces années quarante la soif de liberté des vaincus d’hier, qui commencent en tâtonnant à forger les voies et les outils de leur libération, «en tant que nation ayant droit à la vie», selon l’expression du Cheikh Benbadis.
L’ouvrage écrit et structuré pour l’essentiel par l’auteur dans les années 1990, a été mis à jour et complété par lui en bénéficiant du précieux concours de l’historienne Malika Rahal. Dans sa postface, cette dernière décrit les modalités et préoccupations de son travail de recherche. Elle conclut : «L’ouvrage de Sadek Hadjerès est à la croisée de deux temporalités : celle d’une pensée en mouvement, texte vivant d’une analyse encore en cours et une temporalité plus fixe de la trace écrite. Ces «mémoires» sont fixées pour être lues et utilisées comme référence pour l’écriture de l’his- toire. Les débats autour du texte vivant porteront sur des sujets d’une importance capitale dans le présent de l’Algérie». Le 1er tome de ces «Mémoires» constitue donc un document rare, rédigé par un acteur essentiel du processus de libération nationale et sociale de l’Algérie. Ce livre deviendra bientôt indispensable à tous les passionnés d’histoire du mouvement ré- volutionnaire depuis 1945. Il éclairera les citoyens et militants des mouvements associatifs, syndicats et partis politiques sou- cieux d’intégrer leur action dans le prolongement du long processus historique de participation de notre société et de notre pays aux défis du 3ème millénaire que nous entamons.Le livre de Sadek Hadjeres constituera, à n’en pas douter, l’évènement de la rentrée littéraire à l’occasion du Salon du livre d’Alger de 2014.
Sommaire du livre :
* Avant-propos. De décennie en décennie, germes et fruits du meilleur et du pire
* Thamourth l’enfance
* Les deux écoles de l’enfance
* Mes premières années de l’enseignement secondaire : collèges de Médéa et Blida
* Le mouvement associatif démarre en grand
* Émergence en force du politique à travers le socioculturel
* Évolutions et premières interrogations
* 1944-46, au lycée de Ben-Aknoun
* Ali Laïmèche culture et politique entre activisme et maturation
* Autour de la pensée de Benbadis
* 1946-1948. L’université et le pays profond
* Printemps 1949, la crise éclate en milieu étudiant
* Postface de Malika Rahal
En vente dans toutes les bonnes librairies d’Algérie. Passez vos commandes à la Librairie El Ijtihad, 9 rue Hamani, Alger Tél & Fax : 021 63 48 51 E-mail : [email protected], ou bien : Inas.eurl@gmail.
Commentaires (3) | Réagir ?
Le "rêve algérien" s'est finalement estompé pour laisser place à des chimères, le peuple Algérien est tombé (ou on l'a fait tomber) de Charybde en Scilla: du joug colonial immonde et abject il est tombé sous le joug de l'intégrisme islamiste tout aussi féroce, un joug qui restreint toutes ses libertés et le réduit à la condition d'esclave. Par sa situation géographique, l'Algérie peut se considérer comme un pays euro-africain à une demi heure d'avion des rivages européens le système post-indépendance a tout fait pour nous arrimer au diable-vauvert du Machrek el arabi et sa tarte islamiste pour nous déconnecter de nos origines et de nos racines. Slimane Azem n'a pas cessé toute sa vie de chanter cette invasion et ses effets nefastes sur notre culture amazighe faite de tolérance, de libertés et d'esprit open-minded.
C'est vendu, J'achète....