L’exploitation du gaz de schiste en Algérie sera-t-elle vraiment rentable ?

Au-delà des dégâts environnementaux de cette exploration, la rentabilité du gaz de schiste pose problème aussi.
Au-delà des dégâts environnementaux de cette exploration, la rentabilité du gaz de schiste pose problème aussi.

L’option du gaz de schiste n’est qu’une énergie parmi tant d’autres pour assurer la sécurité énergétique2020, dont la commercialisation selon le ministre de l’Energie ne se fera pas avant 2020 si les conditions de rentabilité et de protection de l’environnement sont remplies.

1.- Les données techniques du gaz de schiste

Le gaz non conventionnel est contenu dans des roches sédimentaires argileuses très compactes et très imperméables, qui renferment au moins 5 à 10% de matière organique. Généralement la profondeur d’exploitation des shale gas est de l’ordre, selon les gisements, de 500, souvent 1.000 à 3.000 mètres de profondeur, soit de un à plusieurs kilomètres au-dessous des aquifères d’eau potable, la profondeur étant moindre aux USA. La fracturation de la roche suppose par ailleurs d’injecter un million de mètres cubes d’eau douce pour produire un milliard de mètres cubes gazeux à haute pression et du sable. Une partie de l’eau qui a été injectée pour réaliser la fracturation hydraulique peut être récupérée (20 à 50%) lors de la mise en production du puits après traitement ce qui suppose des installations appropriées. Le sable injecté combiné d’additifs chimiques a pour but de maintenir les fractures ouvertes une fois la fracturation hydraulique effectuée, afin de former un drain pérenne par lequel le gaz va pouvoir être produit. De nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et avec la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l’eau, qui devient alors impropre à la consommation. Selon un rapport rédigé par la commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des représentants américaine, l’exploitation du gaz de schiste a entraîné l’utilisation de « plus de 2.500 produits pour la fracturation hydraulique, contenant 750 substances chimiques dont 29 sont connues pour être cancérigènes ou suspectées telles ou présentant des risques pour la santé et l’environnement. Pour le gaz de schiste, selon le rapport de l’AIE de 2013, il y aurait dans le monde environ 207 billions de mètres cubes réparties comme suit : la Chine 32, l’Argentine 23, l’Algérie 20, les USA 19, le Canada 16, le Mexique 15 ; l’Australie 12, l’Afrique du Sud 11, la Russie 8 et le Brésil 7 billions de mètres cubes. Les gisements de gaz de schiste en Algérie sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf. Ici s’imposent plusieurs précisions en rappelant que la fracturation est obtenue par l'injection d'eau à haute pression (environ 300 bars à 2 500/3000 mètres) contenant des additifs afin de rendre plus efficace la fracturation dont du sable de granulométrie adaptée, des biocides, des lubrifiants et des détergents afin d’augmenter la désorption du gaz.

2.- Les raisons de l’option du gaz de schiste

Le Conseil des ministres de mai 2014, en vertu de l’application de la loi des hydrocarbures votée en janvier 2013, a autorisé l’exploitation du gaz de schiste mais à une seule condition : aucun avis d’appel d’offres ne peut être retenu s’il s’avère qu’il détruit l’environnement notamment par la pollution des nappes phréatiques et s’il est fort consommateur d’eau.

Le ministre de l’Energie annonce officiellement lors de la conférence sur le gaz le 12 octobre 2014 que la consommation intérieure allait doubler horizon 2030 et tripler horizon 2040 dépassant largement les exportations actuelles, du fait des subventions, l’Algérie étant un des pays qui subventionne le plus les carburants dans le monde (voir dernier rapport du FMI), le prix de l’électricité étant plafonné depuis 2005, subventions et transferts sociaux étant évalués à 60 milliards de dollars soit environ 27/28% du produit intérieur brut (PIB). L’option de doubler la production d’électricité à partir des turbines de gaz en est une des explications. Dès lors il y a une tendance à l’épuisement des réserves de gaz et de pétrole traditionnel horizon 2030 au moment où la population approchera les 50 millions d’habitants, expliquant cette option pour la sécurité énergétique qui ne doit être qu'une variante parmi tant d'autres tenant compte de selon l'évolution des mutations énergétiques mondiales.

3.- La problématique de la rentabilité du gaz de schiste

Il faut savoir d’abord que le gaz de schiste est concurrencé par d’autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération en moyenne de 15/20% et exceptionnellement 30%, ce qui donnerait entre 3000 et 4000 milliards de mètres cubes gazeux commerciales pour l’Algérie. Par ailleurs, pour les centaines de puits perforés la durée de vie ne dépasse pas cinq années, devant se déplacer vers d’autres sites assistant donc à un perforage sur un espace déterminé comme un morceau de gruyère. Variant selon la nature géologique, en moyenne 1000 puits donnent environ 50 milliards de mètres cubes gazeux par an. Au vu de la structure des prix actuels au niveau international, concurrencé pour l’Algérie, la rentabilité pour le conventionnel est un prix de cession de 12 dollars pour les canalisations et 15/17 le MBTU pour les GNLs. Le coût du forage d’un puits pour l’instant en Algérie selon les experts est estimé à 15 millions de dollars. La rentabilité implique pour le prix de cession du gaz de schiste une pondération de 20 à 25% par rapport au traditionnel.

En effet, 1000 puits est une hypothèse puisque même pour le gaz traditionnel, le maximum de forage n’a jamais dépassé 200 puits. Même dans cette hypothèse maximale de 200 puits cela donne 10 milliards de mètres cubes gazeux non conventionnel. Pour s’aligner sur le prix de cession européen actuel, le coût du forage d’un puits de gaz de schiste devrait être inférieur à 10 millions de dollars. L’exploitation de ce gaz implique de prendre en compte que cela nécessite une forte consommation d’eau douce, un million de mètres cubes pour un milliards de mètres cubes gazeux, et en cas d’eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteux, ainsi que les techniques de recyclage de l’eau. Il s’agira d’éviter des effets nocifs sur l’environnement, (émission de gaz à effet de serre), la fracturation des roches pouvant conduire à un déséquilibre spatial et de l’équilibre écologique avec des possibilités d’effondrement, et en cas de non maîtrise technologique, par l’injection entre 200 et 300 produits chimiques pour fracturer la roche combiné avec le sable, peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l’eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies, d’autant plus que cette ressource abondante en eau ne peu dynamiser l’agriculture saharienne. Par ailleurs, excepté pour les grands gisements, pour les gisements marginaux la règle des 49/51% est à revoir mais en introduisant la minorité de blocage, devant privilégier une balance devises excédentaire profitable à l’Algérie et le transfert managérial et technologique.

4.- La stratégie énergétique algérienne : le Mix énergétique

Il s‘agit ni d’être contre, ni d’être pour, l’objectif stratégique est de l’insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un Mix énergétique, étant selon les propos du gouvernement en phase d’exploration et que la commercialisation n’aura pas lieu avant 2020/2025. D’ici là, de nouvelles technologies, faisant confiance au génie humain, seront certainement mis en place préservant l’environnement et réduisant les coûts, comme cela s’est passé lors du passage de l’exploitation du charbon à l’exploitation des hydrocarbures. L’on devra pour l’Algérie forcément aller vers un MIX énergétique inséré dans le cadre de la transition énergétique elle-même insérée dans le cadre de la transition économique d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures fonction des avantages comparatifs mondiaux. Cela concernera les énergies renouvelables, le Ministère de l’énergie prévoyant qu’elles couvriraient 30% de la consommation globale, l’option de mini centrales nucléaires entre 2020/2025, sans oublier les techniques de récupération au niveau des gisements traditionnels et surtout l’efficacité énergétique qui est le plus gros gisement d’économies de l’énergie. Comment expliquer que la consommation des ménages soient supérieure à celle des segments productifs sinon par le dépérissement du tissu productif et le gaspillage du fait que le prix administré est déconnecté du prix économique? Comment peut-on programmer plus de deux millions de logements selon les anciennes méthodes de constructions fortes consommatrices d’énergie (généralisation des climatiseurs) de ciment et de rond à béton (la facture d’importation explose entre 2012/2014) alors que les nouvelles méthodes permettent des économies entre 15 à 25%, ce qui implique une coordination et cohérence gouvernementale dépassant le ministère de l’Energie. Sans la maîtrise technologique, il faut être très prudent. Et là on revient à la ressource humaine, pilier de tout processus de développement fiable, devant prévoir un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d’importantes pénalités en cas de non-respect de l’environnement et la formation des Algériens, pour tout opérateur étranger.

En résumé, d’où l’importance d’un Etat régulateur fort, qui n’est fort que par sa moralité, sa capacité à dialoguer et à convaincre de cette option, conciliant les coûts privés et les coûts sociaux, renvoyant à l’Etat de Droit et à la bonne gouvernance pour éviter les impacts négatifs de ce choix.

Évitons donc tant la sinistrose que l’autosatisfaction source de névrose collective. L’Algérie avec ses réserves de change de 200 milliards de dollars y compris les réserves d’or peut tenir jusqu’en 2019/2020, sous réserve d’une rationalisation de ses dépenses publiques. Au vu de ses réserves actuelles, elle a 15 années pour réaliser sa transition tant économique qu’énergétique. Cela nécessitera forcément un changement de cap de la politique socio- économique réhabilitant l’entreprise publique, privée locale et étrangère qu’il s’agit de dé- diaboliser en levant toutes les contraintes d’environnement notamment la bureaucratie étouffante, tout devant reposer sur l’économie de la connaissance.

Dr Abderrahmane Mebtoul (*)

(*) Professeur des Universités, Expert International, Directeur d’Etudes ministère Energie/Sonatrach 1974/1980-1990/1995-2000/2006 et membre de plusieurs organisations internationales.

(1) Débat avec les professeurs Antoine Halff (AIE) et Abderrahmane Mebtoul (Algérie) organisé par Radio France Internationale –siège RFI Paris le 25/10/2014 : "Enjeux géostratégiques, situation et évolution du marché mondial de l’Energie". Seront abordés les enjeux la situation actuelle, les perspectives et les mutations futures du marché mondial de l’Energie horizon 2020/2030 et les conséquences en cas de chute des cours des hydrocarbures traditionnels sur les économies des pays dépendants de cette ressource et les stratégies des pays de l’OPEP représentant que 35% de la commercialisation mondiale et hors OPEP. Du fait de sa situation mono-exportatrice, ce débat interpelle à plus d'un titre l’Algérie dans sa future trajectoire socio-économique, tant sa transition économique, que sa transition énergétique.

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Commentaires (6) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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chilmoune

Les intellectuels algériens sont tous d'accord pour dire que l'Algérie se dirige vers l'autodestruction avec la démarche du gouvernement d'y aller vers le gaz de chiste (Exploitation des matieres premieres à outrance, destruction de la nappe phréatique avec ses milliards de m3 d'eau necessaire à l'agriculture de demain, non maitrise des technologie moderne de forage parce que SONATRACH, en réalité, ne fait que louer des périmétres du sahara au sociétés étrangéres de service qui s'en foutent du sol et sous sol des arabes bien que chez eux ils n'osent jamais faire ce genre opération.......).

Le temps des bla bla est terminé, maintenant s'il y'a des intellectuels en ALGERIE (JE PENSE que dans chaque wilaya il y'a une une université et sans compter les grandes écoles et les universités coranique qui fabriquent des imames qui à longueur de journée critiquent la vie sur terre)

qu'ils descendent tous dans la rue pour forcer le gouvernement à ne pas jouer avec l'avenir du pays.

IL N'y a que l'action qui est crédible, fini la discussion.

Pour terminer je propose a MR MEBTOUL de diriger ce mouvement et de créer son propre parti auquel

vont adherer tous les intellectuels de l'Algérie. La lutte des salons n'apportera rien, il n'y a que la rue qui

peut imposer du changement.

thanmirth.

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