"Le Murmure du figuier bleu" d'Idir Tas
Dans ce roman, l’auteur nous raconte l'histoire fabuleuse d'un univers enchanté.
C'est un récit plein d'émotion et d'harmonie que publie, à Paris, Tas Idir, titulaire de deux doctorats du Polytechnique de Grenoble. Sorti dans la collection des lettres du monde berbère aux éditions l'Harmattan, Le Murmure du figuier bleu se déroule dans plusieurs endroits : la Kabylie, Alger, Constantine, Paris et d'autres coins de ce vaste monde. "D'aussi loin que je m'en souvienne, pour toute ma famille, la vie est une succession de départs", écrit Tas Idir. "Alors que nous croyons installés durablement en un lieu, commençons à l'apprécier et à tisser des liens, il nous faut de nouveau plier bagage, partir toujours ailleurs, là où nous n'aurions jamais pensé nous rendre", raconte Idir Tas qui a déjà fait sortir plusieurs livres dont L'étoile des neiges (éditions de L'aube) et Les genêts sont en fleurs (éditions Gaspard Nocturne).
Avec des mots simples et d'une profondeur inouïe, Idir Tas réussit la prouesse de faire revivre des mondes qui, dans bien des cas, n'existent plus aujourd'hui. Le présent texte qu'il nous offre à lire est le premier volet d'une trilogie à venir. "Je n'avais que deux ans lorsque nous dûmes quitter précipitamment Bouzaréah où je naquis. Nous étions à la fin de la guerre. Mes parents voulaient retrouver leur maison et leurs lopins de terre en Kabylie, après cinq années d'exil forcé dans la capitale", se souvient Idir Tas. Sur les hauteurs majestueuses de l'Akfadou, le petit enfant va retrouver sa grand-mère paternelle Zineb, torturée par l'armée colonialiste, son grand- père maternel Boudjemaâ, Drifa, la grand-mère maternelle et son chat gris persan, zébré de blanc, Kader le fils d'Ahmed, le demi-frère de Boudjemaâ et tant de cousins attachants.
"D'aussi loin que je m'en souvienne, pendant les dix années passées en Kabylie, j'ai vécu en liberté. Personne ne m'imposait quoi que ce soit. Je suivais mes propres règles. C'était la nature qui me le dictait", se souvient Idir Tas qui se rappelle également de la première leçon de natation que lui donne Kader dans une rivière, des moissons, du départ du père en France et de son beau figuier. "Comme il est beau, mon figuier, mon tendre ami avec ses bougies tout allumées qui m'éclairent de l'intérieur, moi qui suis plongé dans une sorte de nuit depuis la veille, depuis que papa est reparti pour la France", souligne l'écrivain. Le Murmure du figuier bleu est parsemé de chansons ; chansons de la légèreté, de la fête, du petit homme, de la mule, du passé, de la paix, de l'homme nature, de la sagesse, du fleuve Congo, des jardins divins, ou encore du chemin des oliviers. Le Murmure du figuier bleu est l'histoire d'un univers enchanté qui jugule les difficultés matérielles que narre avec brio Idir Tas ; un univers qui revient, parfois, dans la mémoire de certains mais que les nouvelles générations ignorent totalement aujourd'hui.
Puis arrive cette déchirure, le départ, en famille, pour Constantine, en 1972. "Il m'a fallu quitter ma rivière, délaisser mon école, abandonner mon chien Rex à ma grand-mère Zineb pour aller m'installer dans une grande ville inconnue. Je me revois encore monter dans la voiture de mon père, les larmes aux yeux", se souvient Idir Tas. Dans cette ville qui s'appelait autrefois Cirta dont le grand roi Massinissa avait fait la capitale de toute la Numidie, Idir Tas s'accroche aux études. L'une de ses professeures l'avait marqué ; elle s'appelait Olga, elle venait de ce pays qui n'existe plus, l'URSS. "Pour elle, il n'y avait aucun doute ; le capitalisme finirait par s'effondrer et le communisme triompherait sur terre". Le rire aussi avait aidé Idir Tas. "S'il est une chose que la vie m'a appris, c'est rire de tout, même dans les pires moments", raconte celui qui va avoir son bac avec la mention bien ; ce qui lui vaut d'être invité, avec d'autres brillants élèves, à Alger par le président Chadli Bendjedid pour recevoir un diplôme d'honneur.
N'ayant jamais cherché à briller en ce monde, Idir Tas est ainsi distingué. C'est une distinction qui va l'encourager à poursuivre sa route vers le savoir. Une route que l'enfant d'Akfadou empruntera avec beaucoup de succès. "Devant les turbulences de la science, j'aurais pu éprouver le vertige, mais j'ai gardé la tête froide. C'est peut-être cela ma vraie force", écrit, avec lucidité, Idir Tas. A bien des égards, Le Tumulte du figuier bleu est un livre à lire, à méditer ; c'est un texte qui donne du bonheur dans un monde tourmenté et souvent superficiel.
Youcef Zirem
* Le Murmure du figuier bleu de Tas Idir, éditions L'Harmattan, 184 pages, 19 euros.
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merci bien pour les informations