Sylvio Bolonio, un clown algérien qui enflamme Montmartre
Sylvio s'appelle, en fait, Karim Oulamara, il est né en France, il n'a jamais mis les pieds en Algérie.
Je n'ai pas encore compris pourquoi. Bien entendu, il est solidaire de tous les combats pour les libertés démocratiques en Algérie. Je lui pose la question: "Karim ou Sylvio ?" "Les deux, c'est le même". Je lui demande son âge, il me répond, imperturbable: "L'âge, ça change tous les ans !" lorsque je me retrouve sur une scène de théâtre, quand je joue, j'ai cent trente ans."
Karim-Sylvio, né d'un père kabyle marié à une Française, n'a jamais mis les pieds en Algérie.
Son père, dit-il, était un kabyle conservateur, berbériste intolérant qui communiquait exclusivement en berbère. "Nous étions, bien sûr, avec mes frères et sœurs désireux d'apprendre le kabyle mais penses-tu, mon père, alcoolique invétéré, n'en avait rien à foutre. Je suis donc orphelin de ma langue"
Le père de Sylvio-Charlot était un ancien boxeur, c'était un ami à Mohamed Ali-Cassius Clay. Pourtant, il est né en 1924 à Azrou, du côté de Aïn El Hammam.
Curieux, le fils, Karim a décidé de descendre en Algérie pour aller à la découverte du pays de ses grands-parents paternels. Il avait pris une bonne décision au mauvais moment. En octobre 1988!
Du coup, il n'a jamais mis les pieds en Algérie qu'il rêve tout de même de visiter et où il rêve de donner quelques spectacles. Il est assez émouvant lorsqu'il dit: "J'ai peur d'y aller tout seul." Pour quelqu'un qui a passé sa vie à voyager, qui a visité la planète dans sa totalité, c'est assez intriguant.
Sylvio lâche un mot qui scie les jambes: "Je suis découragé." Alors, pour survivre, il fait du Charlie Chaplin, Charlot pour les intimes, "un gars qui ressemble à mon enfance qui n'a jamais été rose mais de laquelle j'ai extrait une qualité inaltérable: la dignité.
Au détour d'un gag et d'une performance qui fait se plier de rire quelques anglophones visitant Montmartre, Sylvio Bolonio me lâche une confidence effarante: "Mon père qui était un bonhomme agréable, gentil, jouissif, quelqu'un que j'aimais et que j'admirais a tué ma mère de trente-six coups de couteau!"
Un aveu pareil a de quoi te faire prendre le métro.... Karim avait seize ans à l'époque, il dit qu'il a pardonné ce geste au père criminel, aujourd'hui décédé. Karim assume ce drame et le justifie: "Je me suis réfugié dans l'humour. C'est Charlie Chaplin qui m'a sauvé." Un jour, il a dit un mot magique: "Le cerveau humain est le plus beau jouet du monde!".
"Mon maître, finalement, ça a été Gandhi, cette philosophie de la non-violence. J'ai passé une bonne partie de ma vie dans le silence. C'est pour cela que je suis devenu mime et que je considère que mon plus grand maître est Marcel Marceau, le grand mime français, aujourd'hui, disparu. Comme Marceau, Sylvio Bolonio est très silencieux lorsqu'il est sur scène et très bavard, au bistrot quand, dit il se met à parler.
Pour rire, comme toujours, il me sort cette vanne: "Tu sais comment Marceau a réussi? En fermant sa gueule..." Sacha Guitry, pour corser le tout, disait: "Il n' y a pas de mauvais public, il n' y a que de mauvais artistes."
"Mon père, a été le plus merveilleux des mecs que j'ai connu, pourtant, il a tué ma mère ! Il était plaisant, presque fabuleux"
Karim Oulamara dit Sylvio Bolonio, dit Charlot, assume de ne jamais être normal. "J'ai été marié avec une comédienne, je me maquillais pour faire bouillir la marmite. A présent, je me maquille pour jouer Chaplin..." Karim se met à parler de langue, je lui reproche de ne pas parler kabyle, il répond: "Tant que je n'ai pas de langue de pute, tout va bien, ma langue est internationale...."
Sylvio a horreur du football : "ça m'énerve" Sarkozy lui fait une belle jambe. Il n'aime pas tout ce qui fait l'actualité. Il me regarde dans le blanc des yeux et me balance ce mot sidérant: "Qu'est-ce que ça te fait de rencontrer un échec scolaire ?"
Lui-même. Lui qui aurait aimé être né dans la peau de Marylin Monroe et qui pour son malheur est né Franco-Kabyle ne sait pas la chance qu'il a. Il traverse la vie en s'amusant. Il n'a pas Ebola et il n'a pas de belle mère!
Meziane Ourad
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faculté de droit MSILA
Il n'y a que les gens doués et intelligents qui peuvent faire rire vraiment leur public ou leur auditoire. D'autres font de la gesticulation avec des mots vides. Mais le public est généreux bien souvent lorsqu'il accorde ses applaudissements - par politesse aussi - même à ceux qu'ils ne méritent pas.