Il faut sauver le service public en Algérie
Il est 8 heures, une grande salle s’ouvre pour laisser passer ce matin là une dizaine de citoyens, tous du 3e âge.
Plongée dans une administration
Cette salle d’une soixantaine de m2 est divisée en deux parties. Celles de gauche et de droite donnent sur des bureaux-guichets pour la réception, le traitement des dossiers et des doléances des entreprises et des institutions publiques. La partie centrale est réservée à trois guichets open space qui s’occupent de la gestion courante des quelques 83 000 retraités de la wilaya. Un agent d’accueil est placé au milieu de la salle pour orienter le public en lui distribuant des numéros tout en les invitant de s’asseoir dans des sièges qui bordent le lieu. 2 à 3 minutes après, une voix féminine venant d’un écran moyen appelle le premier numéro pour lui indiquer le guichet auquel il devra s’adresser et c’est ainsi que débute enfin la journée de travail dans la Caisse nationale de retraite, unité de Boumerdes prise en exemple. Vers 10 heures, une veille dame traverse la salle, s’avance vers l’agent d’accueil lui murmure quelques mots puis ce dernier lui demande d’aller directement au guichet. Un citoyen se lève pour réclamer son tour qui semble pris par cette dame et l’agent de lui répondre à voix haute que tous les numéros seront scrupuleusement respectés tant qu’il n’y aura pas de prioritaires et cette dame en est justement le cas, approchée de prés, elle était toute tremblante et semble complètement perdue, en tout cas malade. Les agents qui traitent les dossiers divers sont dotés d’une patience et d’une capacité d’écoute que les autres services publics et notamment ceux des collectivités locales n’ont pas habitué les citoyens Algériens à ce genre de comportement. C’est probablement la raison pour laquelle cette scène qui se passe sous nos yeux cette matinée de septembre paraissait étrange et incite au savoir plus.
Ce matin-là une quarantaine de citoyens sont passés par ces trois guichets et 32 d’entre eux ont aimablement répondu à nos deux questions, au demeurant très simples car elle concerne pourquoi ils étaient là et s’ils avaient trouvé une issue favorable à leurs doléances. Des discussions avec certains d’entre eux, on a pu résumer la gestion courante des guichets à la demande des attestations de retraite pour des besoins divers, des fiches de paie, des remises des fiches familiales pour le déblocage des pensions, des actes de décès pour le capital décès, des comptes Ccp ou bancaire pour en finir avec le paiement par mandat carte ainsi que des réclamations relatives à des retards de paiement, soit de la pension elle-même, du salaire unique ou dans certains cas des allocations familiales. En fonction des réponses obtenues, tous les requérants ont apparemment trouvé une solution à leur problème, ce qui semble très rare dans les services publics en Algérie. Pourtant, certains responsables et agents de cette caisse approchés de prés ne confirment pas un certain favoritisme par rapport aux autres institutions de l’Etat pour un budget particulier réservé à la formation dans les techniques d’accueil ou un stimulant moral et matériel quelconque. Mais tous sont unanimes quant à leur démarche. En effet, elle est construite sur la base de leurs sujets qui sont des personnes d’un âge avancé et qui nécessitent patience, écoute et attention particulière. Ceci constitue justement l’ossature même de l’activité publique.
Le secteur de la justice par exemple, pourtant service public a bénéficié de sommes colossales pour former son personnel dans les techniques d’accueil et la communication de proximité. La majorité pour ne pas dire tous les agents à travers le territoire national ont pu suivre ce cursus à l’INPED pendant plusieurs années. Si l’aspect matériel a quelque peu changé de look dans les infrastructures des tribunaux et des cours, la convergence du management évolue lentement, peut-être pour des raisons particulières que nous traiterons à une autre occasion avec les secteurs qui contribuent à l’insertion des jeunes comme la santé, l’éducation nationale, les collectivités locales etc., ceux victimes de leur réseaux internet comme les Ccp ou ceux qui souffrent d’un déséquilibre de leur effectif (2) comme Sonatrach, Sonelgaz Algérie télécom etc. Ceci explique en partie la vision du citoyen Algérien de ces secteurs. En quoi consiste le service public ? Qui l’a inculqué aux Algériens ? Est-il un acquis immuable ?
Les fondements du service public
La notion de service public consiste dans des activités d’intérêt général prise en charge par une personne publique ou par une personne privée mais sous le contrôle des pouvoirs publics. De plus, l’expression service public désigne deux éléments différents : une mission, qui est une activité d’intérêt général, et un mode d’organisation consistant, de façon directe ou indirecte, à faire prendre en charge ces activités d’intérêt généra :l État, collectivités territoriales, établissements publics ou privées mais sous le contrôle exclusif de la puissance publique. Selon les finalités poursuivies, le service public remplit quatre fonctions principales. On distingue les activités publiques à finalité d’ordre et de régulation (la défense nationale, la justice, la protection civile, les ordres professionnels…), celles ayant pour but la protection sociale et sanitaire (Sécurité sociale, service public hospitalier…), celles à vocation éducative (enseignement, recherche, service public audiovisuel…) et les derniers à caractère économique.
Quels en sont les principes ?
Le régime juridique du service public est organisé autour de trois grands principes. Le premier est celui de la continuité du service public. Il constitue un des aspects de la continuité de l’État Il repose sur la nécessité de répondre aux besoins d’intérêt général sans interruption. Cependant, selon les services, la notion de continuité n’a pas le même contenu (permanence totale pour les urgences hospitalières, horaires prévus pour d’autres. Toutefois, ce principe de continuité doit s’accommoder au principe constitutionnel, du droit de grève, Arrêt du travail par les salariés d’une entreprise ou d’un service pour la défense de leurs intérêts communs. La plupart des agents des services publics disposent de ce droit, à l’exception de certaines catégories pour lesquelles la grève est interdite (policiers, militaire et d’autres institutions dites de souveraineté ou limitée par un service minimum (navigation aérienne, transports ferroviaires, télévision et radio…).
Le deuxième principe est celui de l’égalité devant le service public, lui aussi principe à valeur constitutionnelle, voire universelle, proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il signifie que toute personne a un droit égal à l’accès au service, participe de manière égale aux charges financières résultant du service (égalité tarifaire sauf pour les services facultatifs, tels que les écoles de musique, par exemple), et enfin doit être traitée de la même façon que tout autre usager du service. Ainsi, le défaut de neutralité – principe qui est un prolongement du principe d’égalité – d’un agent du service public, par exemple une manifestation de régionalisme à l’encontre d’un usager, constitue une grave faute déontologique. Enfin, le dernier principe de fonctionnement du service public est celui de l’adaptabilité ou mutabilité. Présenté comme un corollaire du principe de continuité, il s’agit davantage d’assurer au mieux qualitativement un service plutôt que sa continuité dans le temps. Cela signifie que le service public ne doit pas demeurer immobile face aux évolutions de la société ; il doit suivre les besoins des usagers (ex : souplesse d’organisation des services publics) ainsi que les évolutions techniques (ex : passage, au début du XXe siècle, du gaz à l’électricité).
Qui a légué cette tradition aux Algériens ?
C’est la puissance coloniale qui a ancré ces traditions en Algérie. C’est aussi une habitude qui jouit d’une importance particulière pour l’Etat Français. Depuis l’époque de Colbert (XVIIe siècle), la puissance publique a toujours considéré qu’elle avait un rôle à jouer dans le développement économique du pays. Le service public a souvent servi de fondement à cet effort de développement dans des domaines extrêmement variés : transports ferroviaires (Plan Freycinet à la fin du XIXe siècle), transports aéronautiques (Concorde), et plus récemment la téléphonie etc.
Le service public est-il un acquis immuable ?
Les activités d’intérêt général sont certes acquises par des pratiques mais non encore inscrites dans la constitution des Etats. L’Algérie qui a opté pour le collectivisme par nécessité de développement dès son indépendance (1) devait renforcer les principes légués par la puissance coloniale. La chute du mur de Berlin, la politique de globalisation suivi de ce rouleau compresseur qui est la mondialisation ont commencé à remettre en cause cette approche providentielle. Ainsi, Les traités sur l’Union européenne et sur le fonctionnement de l’Union européenne accordent une place importante au principe de concurrence. C’est pourquoi les rares stipulations traitant des services publics ne se présentent que comme des exceptions à ce principe, envisagées de manière très restrictive. Dans le vocabulaire européen, on ne parle pas de services publics mais de services d’intérêt général (SIG) et de services d’intérêt économique général (SIEG). Cependant, seuls les SIEG sont mentionnés dans les traités européens, sans toutefois être définis. Dans la pratique, les SIG désignent les services marchands et non marchands que les États considèrent comme étant d’intérêt général et qu’ils soumettent à des obligations spécifiques de service public. Les SIEG ont un sens plus restreint et désignent uniquement les services de nature économique soumis à ces obligations de service public (ex : transports, services postaux, énergie, communications). Ils constituent en quelque sorte un sous-ensemble des SIG. Seuls les SIEG sont soumis aux règles de la concurrence, à la seule condition que l’accomplissement de leur mission ne soit pas compromis. Dans ces conditions, si le droit communautaire ne constitue pas nécessairement une menace pour le service public Algérien, il entraîne en revanche, nécessairement, des réformes de l’organisation du service public selon le «standard international ». Plus le pays avance dans ses reformes vers une économie de marché plus la concurrence gagne du terrain dans sa démarche pour remplacer l’Etat dans les activités d’intérêt général. Aujourd’hui de nombreux pays dont notamment la France sont en phase de revoir leur vision sur les activités réglementées qui se rapprochent du service public. Les perdants dans cette affaire sont les maigres bourses et les conséquences qui en découlent pour la destinée de l’Etat même. C’est pour cela que la démarche de la structure prise en exemple devra être renforcée dans toutes les institutions pour imposer cet acquis. Ces baromètres sont simples mais devront être impératifs et inscrits dans la constitution.
Il s’agit de repenser la relation de service pour consolider la confiance dans l’administration, valoriser l’action des agents et améliorer la satisfaction des usagers. En plus, il faut trouver les voies et les moyens pour faciliter et piloter la relation avec les usagers, renforcer le lien avec les citoyens tout en leur donnant la parole, faire de même pour la collaboration entre agents afin de généraliser le processus dans l’espace et dans le temps, encourager les initiatives des agents pour les inciter à innover, renforcer la confiance dans l’administration et valoriser l’action des agents publics, expérimenter des approches innovantes et porteuses d’améliorations concrètes, enfin partager les bonnes pratiques.
Rabah Reghis, Consultant, Economiste Pétrolier
Renvois
(1) Discours du ministre de l'Economie devant l'assemblée nationale le 30/12/63
(2) sous effectif en personnel technique et sureffectif en celui administratif
Commentaires (3) | Réagir ?
l'encadrement y est pour l'essentiel dans les problèmes que nous subissons. un peuple mal encadré par son élite ou encadré par une élite de contre-façon dérive dans touts les domaines, économiques, sociales, morales, civique, etc... Nos institutions sont victimes de leur encadrement incompétent, démotivé ou non géré. voici un exemple: la trésorerie d'une wilaya n'est ouverte au public que la matinée et pour un versement par exemple il faut se présenter avant onze heure trente car a cette heure les agents (chefs compris) se préparent pour la pause prévue entre midi et treize heure. Dans une autre wilaya le service est possible toute la journée y compris au moment de la pause puisque des agents assurent la permanence; la première wilaya a-t-elle besoin d'un décret pour recevoir le public toute la journée et assurer une permanence lors de la pause?Et voici un autre exemple vécu: dans une usine étatique de production qui travaille en continu, l’équipe sortante a laisser un travail a sa remplaçante alors qu'elle aurait du le faire, lorsque le chef de production a voulu enquêter, le responsable de l’équipe en faute (cadre) ne collabore pas mais essaie de trouver des justificatifs pour ses ouvriers. Évidement dans une situation normale l’équipe est sanctionnée pour la faute et son chef pour complaisance. On peut avoir des cadres honnêtes, compétents, travailleurs et qui n'ont pas peur de prendre leurs responsabilités; mais le processus devra commencer par en haut.
Le "SP" est un" entonnoir" pour les argents, les milliards engloutis chaque année sans contre partie! Un SP qui n'arrive pas à protéger ses enfants de 20 terroristes, un SP qui ne sait nettoyer les déchets de ses administrés, un SP qui ne sait pas combien d'année pour former un ingénieur avant de l'envoyer à l'étranger, un SP qui ne sait faire la part des choses, l'école qui n'arrive pas à former de bons imams, de bons musulmans, de bon prêcheurs, a quoi sert ce SP, Monsieur Reghis, pour moi, je conseil plutôt sa disparation! Absurde.
RMII
Et un 'SERVICE PUBLIC' qui donne des marché juteux à ben amiss ou lui meme ! il n'y a pas si longtemps le PDG de SH GOUMEZIANE qui donne un marché d'étude inutile à ses deux enfants sur le dos de la SONATRACH qui est toujours un SP. Et comme CHAKIB, l'ombre de Boutesrika qui alimentent ces comptes en devise à l'etranger avec des contrats surévalués avec les américains dans
les services pétroliers............... Un service public doit servir le peuple et non la mafia du pouvoir.