Les impacts financiers de l’abrogation de l’article 87 bis sur le Trésor public algérien
Selon le secrétaire général de l’UGTA environ quatre millions de travailleurs du secteur public et privé, des basses catégories, verront leurs salaires augmenter dès le 1er janvier 2015, suite à l’abrogation de l’article 87-bis. Pour éviter un nivellement par le bas il annonce officiellement une augmentation progressive pour toutes les autres catégories. A partir de ces déclarations, je propose d’évaluer, en dynamique, l’impact financier sur le trésor public.
1.- Le nombre de salariés est évalué selon l’ONS fin 2013 à 7.393.000 dont 3.508.000 non permanents et 3.785.000 permanents. Arrondissons pour fin 2014 à 7.500.000 Cela concerne donc pour 2014 près de 54% des salariés. La masse salariale, avec la dominance de la fonction publique est de 54,98 milliards de dollars fin 2013. Ce qui donne un ratio masse salariale sur le PIB de 30,93% en 2013 contre 20% en 2000. Qu’en sera t-il avec l’abrogation de l’article 87 bis? Ce taux ne serait pas inquiétant si la tertiairisation de l’économie avec une très faible productivité, et l’administration n’était pas dominante (emplois rente) et si existait une très forte productivité du travail ce qui n’est pas le cas pour l’Algérie. Selon l’OCDE l’Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats par rapport à des pays similaires au niveau de la région MENA.
2.- Si l’on suppose une augmentation raisonnable d’environ 7.000 dinars en suivant le premier ministre (le SG de l’UGTA parle de doublement), la masse salariale additionnelle serait de 336 milliards de dinars soit au cours actuel de 79 dinars un dollar de 4,25 milliards de dollars, représentant près de 8% de la masse salariale actuelle, augmentation applicable au 01 janvier 2015. Et comme il est prévu un relèvement des autres catégories dès 2016, suite aux ondes de chocs, allant vers 8 millions de salariés, le point indiciaires pour ces catégories entre 20.000 et 100.000 dinars étant pus élevés, l’on peut prendre une moyenne d’augmentation minimale entre 10.000 et 15.000 dinars soit 12.500 dinars pour les 4 millions des autres salariés, supposant la stabilisation des bas salaires et une maîtrise de l’inflation pour éviter de nouvelles revendications. L’impact financier sur le trésor public serait de 7,60 milliards de dollars. Cumulé avec les augmentations des bas salaires, le total serait de 11,85 milliards de dollars annuellement entre 2016/2017. Ce sont les données que j’ai annoncées officiellement en 2012 reprises par la presse nationale et internationale (voir www.google.com). Cependant en cas ou les écarts serraient entre 20.000/25.000 dinars par mois, le montant serait beaucoup plus élevé pouvant atteindre 17/20 milliards de dollars annuellement. Attention à la dérive inflationnsite qui pénaliserait les couches les plus défavorisées.
3.- En cas de stagnation de la valeur ajoutée réelle (entre 2013/2014 environ 83% du tissu économique est constitué de petits commerce et services à faible valeur ajoutée, un déclin du secteur industriel moins de 5% du produit intérieur brut, 98% des exportations étant constituées d’hydrocarbures brut et semi brut) la part des salaires dans la valeur ajoutée risque de dépasser les 40% ce qui serait intenable pour le pays, surtout en cas de chute du cours des hydrocarbures où le pouvoir d ‘achat des Algériens est corrélé à plus de 70% à cette rente. Le déficit budgétaire prévu dans la loi de finances 2015 est déjà lourd plus de 52 milliards de dollars. C’est que 50% des PMI-PME( industriel- BTPH) ne peuvent pas supporter un accroissement des salaires de 15% qui est déjà leur marge de profit. Afin d’éviter un impact négatif, la seule solution à terme est l’augmentation de la productivité du travail pour éviter une dérive inflationniste et des tensions budgétaires que l’on comprime actuellement par la rente des hydrocarbures au moyen de subventions et transferts sociaux généralisées qui selon le premier ministre représente 60 milliards de dollars. Comme l’accroissement de la productivité du travail sous réserve d’un changement de la politique économique encourageant les secteurs productifs, sinon les prévisions d’un taux de croissance de 7/8% horizon 2020 seraient une illusion, ne pouvant l’être qu’à moyen terme, la solidarité nationale pour ceux qui ne payent pas leurs impôts est la seule solution d’autant plus qu’uniquement pour la sphère informelle, le trésor public perd environ 3 milliards de dollars par an.
4.- Toute Nation qui n’avance pas recule forcément. L’Algérie face une concurrence internationale de plus en plus acerbe doit impérativement réaliser à la fois sa transition économique et sa transition énergétique. Sans chauvinisme, elle en a les moyens. L’Algérie doit profiter de cette manne financière des 195 milliards de dollars de réserves de change richesses virtuelles qu’il s’agit de transformer en richesses réelles. Car à terme, l’Algérie n’aura plus les moyens financiers de préparer les réformes attendues, et vivra sous l’emprise de la peur et voyant partout des menaces, là où les autres ne verront que de la chance. Le retour à la confiance est le facteur essentiel du développement futur de l’Algérie devant éviter tant la sinistrose que l’autosatisfaction source de névrose collective face à la dure réalité économique et sociale supposant une autre gouvernance fondée sur un Etat de droit, une lutte réelle contre la corruption qui se socialise, constituant un danger pour la sécurité nationale, et, donc, une moralité sans faille pour ceux qui dirigent la Cité. Puisse notre pays, grâce à ses femmes et hommes de bonne volonté, traverser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est actuellement confrontée et devenir un acteur actif dans le concert des nations notamment au sein de la région euro-méditerranéenne et africaine
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des Universités Expert international en management stratégique
Commentaires (0) | Réagir ?