Libye: qui sont les brigades qui s’affrontent ?
Depuis la mi-juillet, la Libye est le théâtre de combats meurtriers entre milices rivales. Depuis la chute de Mouammar Kadhafi et après huit mois de révolte, les autorités transitoires ne sont toujours pas parvenues à rétablir l’ordre et la sécurité.
À la place, ce sont des milices formées d’anciens rebelles ou encore des jihadistes qui font désormais la loi. Qui sont ces rebelles, d’où viennent-ils ?
Lundi 18 août 2014, Tripoli est une nouvelle fois réveillée par la déflagration des bombes. Cette fois, elles sont larguées par deux avions non identifiés. Ces bombardements dans l’est de la capitale visent notamment les positions de miliciens proches de ceux de Misrata. Si le nombre de victimes et la nature des dégâts sont inconnus, l’opération est revendiquée au petit matin par Khalifa Haftar.
À 71 ans, cet ancien général de Mouammar Kadhafi, nommé chef d’état-major des armées à la chute du régime libyen en novembre 2011, est un dissident. Très critique vis-à-vis des différentes autorités qui se sont succédé, il les estime incapables de contenir les mouvements islamistes. Au mois de mai 2014, il décide donc de s’y attaquer et lance l’opération "Dignité" contre ceux qu’il appelle "terroristes". Brouillé avec le pouvoir, il reste néanmoins soutenu par des miliciens de la région de Zintan à l’ouest de Tripoli avec qui il tente depuis de tenir les positions autour de l’aéroport de la capitale. Des positions que tentent de lui reprendre les milices liées à la ville de Misrata.
Des groupes armés hétérogènes
Ces forces en présence qui s’affrontent dans le pays peuvent être divisées en trois branches. Les milices fidèles au général Khalifa Haftar, d’abord. Opposées aux islamistes dans leur grande majorité, elles sont liées à la ville de Zintan dans l’ouest du pays. Avec elles, on trouve d’autres milices et tribus considérées comme plus ou moins proches de l’ancien guide Kadhafi, ou en tout cas favorisées par son régime. Ce qui n’est pas le cas de celles de Zintan, connues notamment pour s’être battues contre les troupes de l’ancien guide libyen.
Face à ces milices, les jihadistes d’Ansar al-Charia, partisans de la loi islamique, sont pour la plupart d’anciens rebelles qui ont combattu le régime de Mouammar Kadhafi. Ils sont très actifs à Benghazi la seconde ville du pays et sont clairement islamistes.
La troisième branche se compose de milices liées à la ville de Misrata. Située à 200 km au nord-est de Tripoli, cette ville est un cas à part. Contrairement aux jihadistes d’Ansar al-Charia, les miliciens liés à la ville de Misrata ne sont pas islamistes. Proches d’autres milices, ils forment alliance avec les miliciens de Gharyan ou encore Zawiya.
Ces différentes factions composent un ensemble hétérogène. S’il est incorrect d’opposer les islamistes aux anti-islamistes, les forces en présence se distinguent davantage depuis le lancement en mai de l’opération "Dignité". Un clivage qui s’établit entre les contre ou avec Khalifa Haftar.
Tripoli et Benghazi, principaux théâtres d’affrontements
Sur le terrain, les combats se déroulent pour leur grande majorité dans des endroits bien distincts. À Tripoli, la capitale, ce sont surtout les miliciens liés à Misrata et ceux des brigades de Zintan qui s’affrontent. L’enjeu n’est pas idéologique, mais au contraire bien stratégique. Au cœur de cette bataille se trouve l’aéroport international de Tripoli. Ou ce qu’il en reste. Les derniers bombardements qui s’y sont déroulés ont sérieusement endommagé les pistes et les infrastructures. L’ouvrage contrôlé depuis 2011 par les milices liées à la ville de Zintan est désormais menacé de destruction par les milices assimilées à Misrata.
Du côté de Benghazi, les islamistes d’Ansar al-Charia disposent d’une base solide depuis la chute de l’ancien régime. Ils sont notamment derrière des attaques contre les intérêts occidentaux. Les forces spéciales du pouvoir libyen, l’une des rares unités de l’armée régulière à être présente en dehors de la capitale Tripoli, tentent de les y en chasser. Pourtant composées d’anciennes milices, elles assument le rôle d’armée devant le Congrès national libyen. Leur commandant, Wanis Abou Kamada, bénéficie en outre du soutien du général Khalifa Haftar.
L’intervention incertaine de l’ONU
Face à la multiplication des combats, les parlementaires libyens se sont prononcés le 13 août dernier à Tobrouk en faveur d’une intervention de la communauté internationale. L’objectif est très clair : protéger les civils. Une tâche qui risque d’être difficile. Le personnel de l’ONU a été rapatrié depuis le 15 juillet. En revanche un nouveau responsable de la mission des Nations unies en Libye a été désigné. Il s’agit de l’espagnol Bernardino Leon.
Quant à l’option d’une intervention militaire de la communauté internationale, rien n’est moins sûr. Américains et Européens, qui comptent beaucoup sur le nouveau Parlement libyen, se montrent peu enclins à une éventuelle intervention terrestre dans le pays. La mission de l'ONU estime de son côté que cette décision appartient en dernier ressort au Conseil de sécurité de l'organisation.
Frappe étrangère ?
Néanmoins, le doute persiste concernant les auteurs du bombardement de ce lundi 18 août à Tripoli. Les autorités libyennes évoquent des avions probablement étrangers, sans pouvoir donner plus d’information. La France comme les Etats-Unis ont pris le soin de démentir toute implication. Mais pour Rami El Obeidi, ancien membre des services de renseignement libyens, tout n’est pas clair.
"Les avions qui sont avec l’armée nationale dans l’est de la Libye sont pour la plupart des vieux Mig 21 ou sinon des vieux Soukhoï, explique ce dernier. Ils n’ont pas l’équipement pour les vols et les frappes de nuit. Ils l’avaient avant 2011. Les avions, les autres Mig et Soukhoï qui sont dans la base aérienne de Maitigua à Tripoli, ont [en revanche] cette capacité mais ils sont sous le contrôle de Abdelhakim Belhadj qui est affilié au Libyan islamic fighting group [Groupe islamique combattant libyen (GICL), ndlr] et ils ne vont pas faire des frappes contre eux-mêmes. Donc par déduction, [...] la frappe, de mon point de vue, a été faite depuis un pays étranger."
Avec RFI
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