France : les défis de l'âpre rentrée du gouvernement
Le gouvernement français entre mercredi, lors du premier conseil des ministres au sortir de la pause estivale, dans le vif de la difficile rentrée prédite par Manuel Valls, qui rejette toute idée d'un changement de cap pourtant réclamé à gauche.
Situation économique inquiétante
Après deux trimestres de stagnation, la France table sur une croissance du Produit intérieur brut de l'ordre de 0,5% en 2014, moitié moins que prévu, et estime que rien ne permet de prévoir pour 2015 une croissance très supérieure à 1%.
Un rythme insuffisant pour faire retomber le taux de chômage, qui augmente de mois en mois, jusqu'à toucher plus de cinq millions de Français, et dans le domaine de la construction les mises en chantiers sont en chute libre, au plus bas depuis 1998, contredisant tous les projets du gouvernement.
L'agence Moody's a souligné lundi que ces mauvais résultats, qui constituent "un signe négatif pour la dette française", pourraient avoir une incidence défavorable sur la notation de la France, qui emprunte lundi sur les marchés à 1,4% à dix ans.
"Comment voulez-vous qu'une politique produise des résultats avant même qu'elle soit mise en oeuvre ?", demandait Michel Sapin lundi sur RTL. "Lorsqu'on est au gouvernement, on n'est pas là pour faire tout et son contraire le lendemain".
Le ministre du Travail confirmait la ligne fixée la veille dans le Journal du dimanche par Manuel Valls, pour qui il est "hors de question" de changer de politique économique, la stagnation de la croissance obligeant le gouvernement à maintenir le cap des réformes qui "nécessitent du temps".
Pour le Premier ministre, il n'y a pas d'alternative à la politique actuelle du pacte de responsabilité - des baisses du coût du travail pour doper la compétitivité des entreprises, qui entreront en vigueur début 2015.
Il est suivi en cela suivi par le président du Medef, qui a estimé lundi sur son blog que le pacte était "la bonne solution" et que le gouvernement allait "dans la bonne direction".
Mais Pierre Gattaz a souligné qu'il faudrait aller plus loin, les 41 milliards d'euros de baisse de charges prévues ne faisant selon lui que compenser les hausses subies par les entreprises depuis 2011, au prix de leur compétitivité.
Il demande au gouvernement de faire sauter les verrous qui paralysent la croissance, comme les seuils sociaux et l'interdiction du travail du dimanche.
Mais le gouvernement doit faire face à la défiance de l'opinion : selon un sondage Ifop pour le JDD, seuls 18% des Français font confiance au gouvernement pour réduire les déficits publics, 16% à peine croient qu'il pourra relancer la croissance et 85% ne pensent pas qu'il fera baisser le chômage.
Tensions avec l’aile gauche
En réponse aux socialistes qui lui demandent un changement de cap, voire une suspension du pacte de responsabilité pour mener une politique de la demande, Manuel Valls a fustigé "certains, à gauche, qui tiennent des propos irresponsables".
Une pique mal vécue par les intéressés, comme l'illustre un tweet du député Laurent Baumel : "Défaites électorales, sondages alarmants, croissance nulle... Qui est 'irresponsable'?" L'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot a contre-attaqué en latin : "Cuiusvis hominis est errare, nullius nisi insipientis in errore perseverare" ("Tout homme peut se tromper, mais seul l'insensé persiste").
Très populaire dans son camp, la maire de Lille Martine Aubry est sortie en juillet de deux ans de silence pour critiquer la réforme territoriale et souligner qu"'il n'est pas trop tard pour réussir le quinquennat". "Si depuis deux ans, dans tous les domaines, on avait eu une grande vision et une méthode, on aurait eu un peu moins de problèmes", a considéré l'ex-patronne du PS.
Autre sujet de friction avec ses camarades socialistes : Manuel Valls s'exprimera le 27 août devant les chefs d'entreprise réunis à l'université d'été du Medef. Ce geste symbolique risque d'être critiqué à l'université d'été du PS de La Rochelle, que le Premier ministre clôturera par un discours dimanche 31 août, au lendemain d'une réunion des "frondeurs" qui réclament un changement de politique économique.
Manuel Valls a émis le souhait de relancer le débat sur les seuils sociaux de salariés au-delà desquels les entreprises se voient imposer des obligations sociales, une réforme rejetée par les syndicats et le PS, mais sur laquelle des négociations vont s'ouvrir à la rentrée sous l'égide du gouvernement.
La réforme des professions réglementées, par laquelle le ministre de l'Economie Arnaud Montebourg entend rendre 6 milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français, et des mesures d'encouragement à la construction de logements sont également prévues, quelques mois à peine après l'adoption de la loi Alur que le gouvernement détricote petit à petit.
Pour démontrer qu'il ne se soucie pas que des entreprises, le gouvernement pourrait faire un "geste fiscal" en faveur des classes moyennes afin de compenser la censure, par le Conseil constitutionnel, de la baisse des cotisations salariales dégressive pour les salariés rémunérés entre 1 et 1,3 smic.
Cette mesure, d'un coût total de 2,5 milliards euros, était un des éléments en faveur des ménages décidés en contrepartie des quelque 41 milliards de baisse de charges et d'impôts promises aux entreprises d'ici 2017.
Le ministre du Travail, François Rebsamen, réunira le 10 septembre les organisations patronales et syndicales des 50 principales branches pour faire le point sur les contreparties en embauches aux baisses de prélèvements accordées aux entreprises, qui tardent à se dessiner. Manuel Valls installera quant à lui le comité de suivi patronat-syndicat du pacte de responsabilité.
Mi-septembre, François Hollande présidera une réunion sur l'apprentissage à l'Elysée. Des assises de l'investissement sont annoncées pour "fin septembre, début octobre". Le président expliquera ses choix lors de sa prochaine grande conférence de presse, la semaine du 15 septembre.
La France veut convaincre l’Europe de lâcher du lest
Paris veut convaincre ses partenaires européens de mener une politique stimulant la croissance et l'emploi, avec un premier rendez-vous au Conseil européen de Bruxelles le 30 août.
François Hollande aimerait réunir avant cette date les dirigeants sociaux-démocrates européens comme l'Italien Matteo Renzi, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union.
Manuel Valls prépare une tournée des capitales européennes à la rentrée, en commençant avec Angela Merkel en septembre, pour obtenir que la réduction des déficits puisse se faire en France à un rythme qui n'étouffe pas une activité encore balbutiante.
Il devra démontrer que la France a consenti les efforts nécessaires pour obtenir un nouveau délai, une requête qui pourrait être facilitée par la stagnation de l'économie de la zone euro, notamment en Allemagne, où le PIB a chuté de 0,2% au deuxième trimestre.
Y a-t-il un risque d’explosion sociale ?
Si aucune journée d'action sociale n'est prévue pour l'instant, les syndicats se disent inquiets, à l'image du secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, qui n'a "jamais vu une rentrée comme ça".
"On sent très bien que le moindre événement peut faire partir les choses", déclarait-il lundi sur France 2. Mécontents d'une politique qu'ils jugent trop favorable au patronat, FO, la CGT et la FSU ont boudé une partie de conférence sociale, début juillet.
Reuters
Commentaires (1) | Réagir ?
VOilà les vraies raisons de ces commémorations et de ces célébrations à gogo des dernières semaines, un pays en crise ne peut se permettre autant de gabegies budgétaires !!! à moins que ce ne soit le prix à payer pour détrouner les regards des sujets qui fachent !!!