Grands-Lacs : les larmes des crocodiles
Dans un article publié par Radio Okapi, intitulé CEPGL : les pays membres veulent améliorer la circulation des personnes et des biens, l’accent est mis sur l’harmonisation des relations étatiques dans l’espace géographique englobant le Burundi, le Rwanda et la République Démocratique du Congo.
En tout cas, tel fut l’ordre du jour de la réunion, qui était ouverte le mercredi 6 août 2014 à Bujumbura au Burundi dans le cadre de la Communauté économique des pays des Grands lacs (CEPGL) [1]. A cette occasion, le Rwanda a accusé son voisin congolais d’entraver la libre-circulation dans la région. Cette accusation a été rejetée en bloc par les experts de la République Démocratique du Congo.
Les tumultueuses relations entre les partenaires
Au regard de la proximité géographique entre la région du Kivu, dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo, le Burundi et le Rwanda, on ne peut que comprendre la nécessité de la circulation des biens et des personnes dans cette partie du continent africain. De plus, les relations commerciales entre les différentes populations régionales constituent l’argument majeur qui a toujours plaidé en faveur de l’union douanière que représente la CEPGL. Ne pas avoir à l’esprit ce facteur déterminant, c’est rendre un mauvais service aux populations frontalières et alimenter les faux prétextes des responsables politiques, enclins à l’expansionnisme, qui ne cessent de soutenir des groupes armés en vue de la déstabilisation, donc de la balkanisation, du très attractif et accueillant territoire congolais.
L’immigration
A l’occasion de ladite réunion, le directeur général de l’immigration rwandaise, Anaclet Karibata, s’est plaint que la République Démocratique du Congo impose les visas aux Rwandais qui désirent accéder sur son territoire. Quant au secrétaire exécutif de la CEPGL, Herman Tuyaga, il a estimé nécessaire que les frontières entre le Burundi, le Rwanda et le Congo soient ouvertes 24 heures sur 24.
Force est de constater que ceux qui s’ingénient depuis plusieurs années à semer la mort dans la région du Kivu souhaitent que leur grand et riche voisin, qu’ils ne cessent d’agresser injustement d’une manière ou d’une autre, fassent fi de la violation systématique de son espace territorial en ouvrant grandes ses frontières. En principe le Rwanda, qui craint la déstabilisation de sa partie occidentale par des éléments des FDLR[2] basés dans la région du Kivu, devrait se réjouir de la décision des autorités congolaises en matière d’immigration. Kigali devrait saisir, dans l’absolu, la perche tendue par Kinshasa pour imposer à son tour le visa d’entrée à son territoire dans le but d’empêcher toute initiative des FDLR au pays des mille collines. Pas plus tard qu’hier, le président Paul Kagamé menaçait de se désolidariser de l’accord-cadre d’Addis-Abeba sur la paix en République Démocratique du Congo. Ironie du sort, le Rwanda se plaint maintenant du durcissement des conditions d’entrée de ses ressortissants dans le territoire congolais.
Les vraies raisons
La CEPGL étant de plus en plus une structure sans avenir[3], à cause de l’hypocrisie et de la mauvaise foi du Rwanda et du Burundi, il est intéressant de se pencher sur les raisons qui poussent ces deux pays, en dépit de leur agressivité à l’encontre de leur grand et riche voisin, à tenir à tout prix à la circulation des biens et des personnes dans cette espace géographique.
Primo, sur les plans commercial et économique, le territoire congolais reste très attractif. Ainsi la fermeture des frontières serait complètement préjudiciable au Rwanda et au Burundi. En effet, du point de vue géostratégique, la fermeture de la frontière congolaise risque de renforcer la dépendance de ces deux petits pays très pauvres au Kenya, à la Tanzanie et à l’Ouganda tout en leur privant, sur le plan douanier, les taxes que génèrent les produits en provenance du Kivu.
Secundo, la vision expansionniste du Rwanda et du Burundi nécessite l’ouverture des frontières congolaises. Cela permettra à Kigali et à Bujumbura d’introduire clandestinement leurs populations tutsies en République Démocratique du Congo en vue, ultérieurement, d’une autodétermination de la région du Kivu.
Tertio, l’existence de la CEPGL est davantage plus intéressante au Rwanda et au Burundi dans la mesure où la République Démocratique du Congo finance, à elle seule, la moitié des investissements régionaux. De plus, sous-peuplé, le territoire congolais constitue un véritable espace vital et une zone de repli, en cas des conflits ethniques, pour les populations de ses deux voisins principalement en proie à une haine mortelle.
Les frontières et la souveraineté étatiques
Au vu des arguments évoqués supra, les autorités congolaises doivent avoir à l’esprit l’aspect commercial qui soutient les relations commerciales entre ses populations de l’Est et celles des deux autres pays de la CEPGL. Ainsi devront-elles désenclaver en urgence la partie orientale, en matière d’infrastructures, en facilitant les échanges entre les autres villes de la République Démocratique du Congo et la région du Kivu. Kinshasa devra être plus accessible à la région du Kivu et non Kigali et Bujumbura. Enfin, le renforcement de l’union douanière dans la CEPGL devra surtout tenir compte de la non-violation des frontières étatiques par l’un des pays membres et de la souveraineté étatique. C’est la condition sine qua non pour la circulation des personnes et des biens.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Notes
[1] La CEPGL avait été créée en 1976 pour faciliter l’intégration économique régionale, la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, la sécurité régionale et le financement d’institutions communes dans les domaines de la finance, de la recherche et de l’énergie entre le Burundi, le Rwanda et la République Démocratique du Congo alors République du Zaïre.
[2] Forces démocratiques de libération du Rwanda, composées des Hutus, que Kigali accuse d’être des génocidaires.
[3] Le sommet des chefs d’Etat qui devait donner des orientations claires sur la circulation entre les pays de la CEPGL n’est pas tenu depuis 20 ans à la suite des tensions entre Kinshasa et Kigali. En février dernier, les ministres des Affaires étrangères de la CEPGL avaient également plaidé pour la tenue du sommet de leurs chefs d’Etat.
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