Les enjeux géostratégiques et économiques de l’attaque d’Israël contre Gaza
Les guerres modernes cachent souvent des raisons économiques dont l’énergie constitue le poumon de la sécurité des Etats à travers la volonté de s’approprier les ressources (pétrole, gaz,…).
1.- Des découvertes de gaz qui bouleversent la carte énergétique méditerranéenne
C’est British Gaz (BG) qui avait fait, en l’an 2000, la découverte de gaz naturel au large de Gaza et, ensuite dans les zones offshore israélienne et chypriote. Selon l’US Department of the Interior, “Assessment of Undiscovered Oil and Gas Ressources of the Levant Basin Province, Eastern Mediterrnean” de mars-avril 2010, le bassin de Sibérie occidentale recèlerait 18 200 milliards de mètres cubes de gaz, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord comprenant le bassin du Rub Al-Khali (12 062 milliards de mètres cubes de gaz) dans le Sud-Ouest de l’Arabie saoudite et le Yémen du Nord ; autours de Ghawar (Great Ghawar Uplift) dans l’Est de l’Arabie saoudite (6 427 milliards de mètres cubes) et dans la chaine plissée du Zagros (6 003 milliards de mètres cubes) le long du Golfe persique en Irak et en Iran. L’USGS, en s’appuyant sur les données des forages antérieurs et des études géologiques dans la région a conclu que « les ressources pétrolières et gazières du bassin du Levant étaient estimées à 1,68 milliards de barils de pétrole, et 3 450 milliards de mètres cubes de gaz ». En outre, selon ses estimations, « les ressources non découvertes de pétrole et de gaz de la province du bassin du Nil (délimité par le cône du Nil à l’ouest, par Strabon, au nord, par les failles de Pytheus et de Chypre à l’est et par le bassin du Levant au sud) sont estimés à environ 1,76 milliards de barils de pétrole et 6 850 milliards de mètres cubes de gaz naturel L’USGS a évalué le total pour la Méditerranée orientale, dans son ensemble, à 9 700 milliards de mètres cubes de gaz et à 3,4 milliards de barils de pétrole. Face à ces découvertes, la région est confrontée à de tous nouveaux conflits potentiels et défis géopolitiques et pourraient entraîner de profonds bouleversements géopolitiques pour l’accès aux ressources pétrolières et gazières de la Méditerranée orientale, du bassin du Levant et de la mer Egée.
2.- Israël exportateur de gaz horizon 2017 ?
En Israël, un débat a été lancé sur l’utilisation de la nouvelle ressource. Une commission a statué que 47 % du gaz découvert sera consacré à la consommation intérieure, tandis que les 53 % restants pourront être exportés. Première économie du Moyen-Orient, l’Etat hébreu a été, jusqu’à aujourd’hui, un grand importateur de pétrole et de gaz. Cependant, ces découvertes bouleversent la donne énergétique du pays, Israël envisageant la possibilité de devenir un pays exportateur de gaz. Cela modifie la donne géopolitique à toutes les échelles. Au niveau national, des conflits émergent avec les pays riverains quant à la délimitation des frontières maritimes. Au niveau transnational, l’arrivée de l’offre israélienne sur le marché change les équilibres (notamment en Europe, où le gaz russe est actuellement dominant) et pose la question de l’acheminement de la ressource. Le transport par pipelines est plus économique. A ce sujet, Israël pourrait profiter d’infrastructures déjà existantes. Le gazoduc BTR (Bakou-Tbilissi-Erzurum) achemine déjà le gaz du Caucase et de l’Iran vers la Turquie. A partir de là, le projet « Nabucco », dont l’idée a été lancée en 2002, prévoit de construire un pipeline d’Erzurum en Turquie jusqu’à Vienne en Autriche, permettant ainsi d’approvisionner l’Europe Occidentale. Israël pourrait alors se connecter à ce réseau pour accéder au marché européen. Dès lors on pourrait entrevoir à l’avenir une entente entre Israël et la Turquie tant pour son approvisionnement avec ses gisements Tamar et Léviathan, Israël avec une part significative de la consommation énergétique de l’Europe. Le coût d'un tel pipeline sous-marin serait bien moindre que l'investissement pour construire une usine de liquéfaction de gaz à Chypre, autre point d'entrée vers les marchés européens, passant par une normalisation pour le dossier chypriote avec la Turquie. Cependant, les tensions portent sur la délimitation des zones maritimes contenant les champs gaziers. Les frontières maritimes sont floues et contestées ; la question de la souveraineté sur le plancher océanique de la Méditerranée se pose également. Et se posent les tensions diplomatiques devant aplanir également les divergences notamment avec la Turquie, la Syrie et le Liban. Ces ressources soulèvent évidemment un certain nombre de questions d’ordre sécuritaire quant à leur exploitation, puis à leur exportation. Pour l’exploration, toutefois, la plupart des pays riverains de la zone se sont entendus sur la délimitation de leur ZEE. Chypre s’est ainsi entendue avec l’Egypte dès 2003, avec le Liban en 2007 et avec Israël en 2010. Il subsiste néanmoins des différends entre certains Etats, le plus important étant celui entre Chypre et la Turquie sur fond de non-règlement de la question chypriote. Ces découvertes vont aussi de pair avec la militarisation de la zone au cours de ces dernières années.
3.- Les véritables raisons de l’attaque d’Israël contre Gaza
Et c’est là que se pose la question stratégique du gaz et la question palestinienne et notamment de la bande intérieure et côtière de Gaza où se trouvent les gisements en hydrocarbures. En 1999, l’Autorité palestinienne signe un accord avec la compagnie British Gas pour la prospection du gaz et du pétrole sur une durée de 25 ans. En février 2013, Gazprom et Israël ont signé un accord portant sur l’achat par le géant russe pour une durée de 20 ans de GNL israélien provenant du champ de Tamar. Les infrastructures seraient financées par Gazprom, qui chercherait aussi à acquérir des parts pour l’exploitation à venir de Léviathan. Fin 2013, une entreprise russe, SoyuzNeftGaz, a signé avec Damas un accord portant sur l’octroi d’une licence d’exploration gazière et pétrolière pour une période de 25 ans pour les réserves situées offshore. Récemment, en janvier 2014, lors d’une visite à Moscou du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, celui-ci aurait manifesté sa volonté d’impliquer Gazprom dans l’exploitation du gisement gazier de Gaza. Mais c’est le Hamas qui détient le pouvoir à Gaza, pas Abbas. Il y a eu des tentatives d’accord entre Israéliens et Palestiniens au sujet du gaz, mais les autorités israéliennes ont posé des exigences. Il fallait que le gaz palestinien soit acheminé à terre par le pipeline d’Ashkelon. Enfin, Israël devait être le principal client de ce gaz et bénéficier de prix inférieurs à ceux du marché.
La Palestine a contesté ces exigences, ce qui a entraîné l’échec des négociations. Or, depuis 2006, le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza et ne reconnaît pas la souveraineté de l’Autorité palestinienne, basée à Ramallah en Cisjordanie. Selon certains experts, ce que l’on oublie c’est que l’attaque israélienne dans la bande de Gaza de décembre 2008-janvier 200 a fait plus d’un millier de morts. Celle depuis le début juillet 2014 approche malheureusement le 02 août 2014 plus de 1500 morts sans compter les nombreux blessés femmes et enfants. Ces attaques pour Israël officiellement, c’est pour mettre fin aux tirs de roquettes du Hamas et à son approvisionnement en armes (notamment par des tunnels creusés sous la frontière). En réalité, la guerre de Gaza ne cache-t-elle pas donc, derrière un alibi militaire, la volonté israélienne de reprendre une zone géographique permettant à l’Etat hébreu de revendiquer les gisements gaziers? N’oublions pas que les Israéliens auraient engagé des négociations avec British Gas pour l’exploitation à leur compte des gisements. La seule certitude est que depuis la découverte en 2000 de ces ressources gazières, la guerre de l’énergie donne un nouveau visage au conflit dans un contexte où les besoins énergétiques d’Israël sont en croissance. Selon le Guardian, le siège de Gaza s’explique par l’ambition d’Israël d’éliminer la puissance du Hamas dans la bande de Gaza afin de "générer un climat politique permettant de mener à un accord sur le gaz". Le ministre israélien de la défense a confirmé que l’opération militaire pour "éradiquer le Hamas" a comme objectif de prendre le contrôle des réserves de gaz de Gaza. Mais les transactions portants sur le gaz avec l'Autorité palestinienne, impliqueront forcément par définition le Hamas affaibli qui se verrait bénéficier des redevances afin d’éviter de saboter le projet. Bien entendu rentre des calculs de court terme, sous la pression des milieux extrémistes dont le groupe Libermann, comme la conservation et l’extension des colonies en Cisjordanie, le contrôle des approvisionnements en eau, via le Jourdain et donc de repousser la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967 posant le statut futur de Jérusalem.
Les courants extrémistes se nourrissent et n'existent que par la haine, et la crise mondiale actuelle les encourage, afin d'occulter les véritables enjeux qui sont à la fois une crise morale et économiques des relations internationales et veulent opposer les juifs aux musulmans, créer un conflit de civilisations entre l'Orient et l'Occident alors que le dialogue des civilisations est la seule voie pour la prospérité de l'humanité. L'Islam autant que le judaïsme et le christianisme pour m'en tenir aux religions monothéistes, est une religion de tolérance et de paix. Tous les israéliens conscients ne partagent pas le point de vu extrémiste, défendant la création d’Un Etat palestinien qui est la condition de la survie de l’Etat d’Israël, ou juifs et arabes cohabiteraient pacifiquement grâce à un renouveau économique pour une prospérité partagée. En résumé comme on le constate l’attaque israélienne sur Gaza dépasse largement l’alibi militaire, autant de ce qui se passe au Sahel. Les rivalités entre les grandes puissances notamment Russie-USA pour le contrôle énergétique aiguisent les tensions au niveau de cette région. Cela rentre dans le cadre d’une large reconfiguration géostratégique tant du Moyen-Orient que de l’Afrique (rivalité USA/Chine) continent à enjeu économique du XXIème siècle.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités
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merci