Irak: le Parlement reporte une session cruciale, l'armée enlisée
Le Parlement irakien, empêtré dans ses divisions, a reporté lundi de plus d'un mois une session cruciale qui devait mettre un gouvernement sur les rails, éloignant un peu plus la perspective d'une sortie de crise face à l'offensive d'insurgés sunnites.
Près d'un mois après le début de cette offensive menée par le groupe radical de l'Etat islamique (EI) appuyé par des tribus et d'anciens soldats de Saddam Hussein, la situation s'enlise tant sur le plan politique que militaire, l'armée n'ayant toujours pas repris la main face aux insurgés.
Pour tenter de doter le pays d'un gouvernement, le Parlement devait se réunir mardi pour choisir son président, puis un président de la République chargé de désigner le prochain Premier ministre. Mais, en l'absence d'accord sur le futur président de la chambre, "la session parlementaire a été reportée au 12 août", a indiqué un député à l'AFP sous couvert d'anonymat.
Bien que le pays soit au bord de l'implosion, la classe politique semble incapable de mettre de côté ses divergences et ambitions personnelles. Le 1er juillet, la séance inaugurale du Parlement issu du scrutin du 30 avril s'était déjà déroulée dans la confusion la plus totale, les députés s'invectivant ou quittant la salle. L'envoyé spécial de l'ONU Nickolay Mladenov a exhorté lundi les blocs politiques à "limiter les jours de négociation et à travailler dans les délais impartis par la Constitution".
Selon la loi fondamentale, une fois le président de l'assemblée élu, les députés ont 30 jours pour désigner un président de la République. Ce dernier aura ensuite 15 jours pour désigner un Premier ministre, qui aura à son tour 30 jours pour former un gouvernement.
La question la plus épineuse, celle du choix du Premier ministre, également commandant en chef des forces armées, ne sera donc pas réglée avant de longues semaines.
Le très contesté chef du gouvernement sortant, le chiite Nouri al-Maliki, au pouvoir depuis 2006 et dont le bloc est arrivé en tête des législatives, a assuré vendredi qu'il ne renoncerait "jamais" à présenter sa candidature.
Pas de succès militaire
La situation semble tout autant bloquée sur le terrain, l'armée ne parvenant pas à reconquérir les territoires pris par les insurgés, en dépit de la livraison d'avions de combats par Moscou, la présence de conseillers militaires américains et l'aide de milices chiites.
A une vingtaine de km à l'ouest de Bagdad, le commandant de la sixième brigade, le général Najm Abdallah Sudani, a été tué lundi dans un bombardement. M. Maliki a assisté à ses funérailles, saluant ce général mort "en martyr sur le champ de bataille".
Depuis plus d'une semaine, les forces gouvernementales échouent à reprendre Tikrit (nord), ancien bastion de Saddam Hussein. "L'armée et la police sont perçues comme confessionnelles (...) Elles ne bénéficient donc pas du soutien ou, ce qui est crucial, de renseignements de la part de la communauté sunnite", explique John Drake, analyse du groupe AKE.
"Si vous n'avez pas de bons renseignements sur le terrain, vos raids ne sont pas précis, ils provoquent des dommages collatéraux et des blessés, (...) ce qui aggrave la situation", ajoute-t-il. A Bagdad, au moins cinq personnes sont mortes dans un attentat suicide dans un quartier à majorité chiite lundi, au lendemain d'un autre, revendiqué par l'EI, ayant fait quatre morts.
L'EI plus confiant que jamais
Face à une armée dépassée par les événements, l'EI semble plus confiant que jamais. Près d'une semaine après la proclamation, le 29 juin, d'un "califat" à cheval entre la Syrie et l'Irak, son leader, Abou Bakr Al-Baghdadi, est sorti de l'ombre samedi dans une vidéo le montrant lors d'un prêche à Mossoul (nord), deuxième ville d'Irak tombée aux mains des insurgés aux premières heures de leur offensive.
Si la vidéo, en cours d'analyse, était authentifiée, il s'agirait de la première apparition télévisée de Baghdadi, un changement de stratégie pour cet homme qui a toujours préféré la discrétion.
Il est classé numéro deux sur la liste des personnes les plus recherchées par les Etats-Unis -- qui offrent 10 millions de dollars pour sa capture --, derrière le chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, dont il conteste l'autorité.
Outre Mossoul, les insurgés se sont emparés d'une grande partie de sa province Ninive, ainsi que de régions dans les provinces de Diyala (est), Salaheddine (nord) et Kirkouk (ouest). Ils contrôlaient depuis janvier des secteurs d'Al-Anbar (ouest). La menace de partition du pays est d'autant plus critique que le président du Kurdistan irakien Massoud Barzani a décidé d'organiser un référendum d'indépendance.
AFP
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