Un Algérien de Paris, malin, avait, avant la rencontre, confectionné des tee-shirts sur lesquels il avait floqué une prière: "god save the reds!" Ça avait marché... Il est temps, en ce jour importissime pour le football algérien d'invoquer les walis, les ancêtres et les dieux. C'est le bon jour pour aller accrocher des bouts de chiffons sur les branches de nos séculaires et, néanmoins, agonisants oliviers. Il est surtout temps aujourd'hui, de jouer au football. Les Russes nourris aux préceptes de Stakhanov ne nous feront aucun cadeau ! Ils seront, sur la pelouse du stade de Curitiba, l'arena Baixada, pour travailler. Contrairement aux nôtres, ils n'ont pas emporté avec eux un coryphée propagandiste pour booster leur motivation.

Qu'à cela ne tienne, concédons aux éminences obscures de Bouteflika le droit de penser qu'un imam et des corans glissés sous les oreillers des joueurs peuvent remettre en cause la hiérarchie du football mondial, rêvons avec eux d'une victoire finale... Pour l'heure, ce que demande l'Algérien, tanné par des décennies de frustrations, d'oppression, de répression, c'est juste une nuit de folie, une orgie mortelle et collective pour oublier, pour espérer... Sous toutes les latitudes, oriflammes au vent et tripes nouées, les compatriotes, particulièrement les exilés, seront pendus aux semelles de Feghouli, Bentaleb ou Brahimi.

La passion et la pression sont telles à quelques heures du coup d'envoi de Russie - Algérie que la France

à laquelle on ne la fait plus depuis un certain match verts-bleus au stade de France et un Algérie-Egypte à Khartoum a mis tous les voyants au rouge!

Ce soir, des centaines, peut-être des milliers de policiers français, seront consignés, à l'affût de la moindre incartade des supporters algériens. Gagnants, perdants, ils feront encore le spectacle. De Marseille à Lille, de Nantes à Strasbourg, il y aura des feux. De joie ? De détresse ? La réponse viendra de Curitiba ou en marge du jeu, un nuage d'angoisse flottera dans les tribunes ou une ville verte, blanche et rouge se sera posé mais aussi sur le banc de touche où trépignera Hallilodzic, un monsieur d'une profondeur certaine si injustement insulté pour avoir concédé une courte défaite face à l'une des meilleurs équipes d'Europe.

Cette équipe d'Algérie se doit de gagner ou pour le moins de se qualifier pour les huitièmes de finale, non pas tant pour flatter l'égo des Algériens mais parce qu'elle ferait plaisir à beaucoup de férus de foot, à commencer par les commentateurs de la plupart des médias de la planète qui semblent avoir pris fait et cause pour ses composantes.

Aujourd'hui, je ravale mes colères chroniques, je me mets en mode veilleuse, j'attends vingt-deux heures puis minuit et pourquoi pas l'aube... Pour patienter, pour ne pas penser à Kokorine, le péril russe qui nous attend, je ferai un tour du côté d'Asnières, par écran interposé, pour voir jusqu'où le courage et la détermination d'un sportif peuvent mener. A 42 ans Jean Marc Mormeck remonte sur le ring pour affronter, en boxe catégorie lourds-légers, le Hongrois Tamas Lodi, de dix-huit ans son cadet. En cas de victoire, Mormeck tentera de reconquérir sa couronne mondiale perdue.

Ça donnerait sans doute du pep's aux Verts de voir ça. 

A demain si les Fennecs le veulent bien !

Meziane Ourad