A M. Ahmed Ouyahia, ministre d’Etat, directeur de cabinet à la présidence
Vous m’avez fait l’honneur de m’inviter selon vos propos « au nom du président de la République » le 19 juin 2014, en tant qu’expert international et professeur des Universités en vue des consultations pour la révision constitutionnelle et je vous remercie. Non partisan, ouvert à tout dialogue, je privilégie uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie. Une loi n'est qu'une loi fusse-t-elle la Constitution, dont je souhaite qu’elle soit mandée par référendum, devra être sous tendue par une nette volonté politique de réformes structurelles et surtout sa concrétisation.
Les objectifs stratégiques doivent être la refondation de l’Etat algérien conciliant la modernité et son authenticité, l’efficacité économique et une profonde justice sociale, de redonner la confiance actuellement brisée entre l’Etat et les citoyens grâce au dialogue fécond et productif. Les difficultés auxquelles sera confrontée l’Algérie avec la baisse des recettes des hydrocarbures, donc tensions budgétaires entre 2017/2020, ne pouvant plus continuer à dépenser sans compter, les tensions au niveau de la région qui préfigurent d’importants bouleversements géostratégiques, nécessitent un minimum de consensus qui ne saurait signifier unanimisme signe de décadence de toute société.
Tout pouvoir a besoin d'une opposition forte organisée pour se corriger, devant l’associer dans les grandes décisions qui engagent l’avenir du pays, préconisant une entente minimale entre pouvoir et opposition, au sein d’une structure à définir d‘un commun accord, afin d’aplanir leurs divergences en vue de propositions constructives afin de consolider le front social intérieur. Du fait des dangers qui guettent l’Algérie, l’on devra éviter de part et d’autre tout monologue, le seul dénominateur en commun étant les intérêts supérieurs de l’Algérie, personne n’ayant le monopole du nationalisme. A ce titre je suggère les propositions suivantes en deux volets, l’un politique, l’autre socio-économique en arabe- français et en anglais.
I.- Volet politique
1.- Facteur essentiel du développement économique et social, il s’agira codifier le développement des libertés, politiques, économiques, sociales et culturelles l’implication de la jeunesse et la promotion réelle de la femme à la gestion de la Cité.
2.- Codifier la bonne gouvernance, l’Etat de Droit par la lutte contre la bureaucratie paralysante , l’indépendance de la justice avec une nette séparation du pouvoir, exécutif, législatif- judiciaire- des juges indépendants des procureurs généraux nommés par l’exécutif, un rééquilibrage au niveau du Conseil de la magistrature en favorisant les élections libres, rééquilibrer le Conseil constitutionnel en faveur de personnalités indépendantes et renforcer le pouvoir du Conseil d’Etat.
3.-Comme garante de l’intégrité territoriale, codifier d’une manière précise les missions de l’ANP, les services de sécurité (y compris la DGSN) et du Conseil de sécurité et ce dans le cadre d’un Etat d Droit, l’objectif suprême étant la sauvegarde de la République et la démocratisation de la société.
4.-Codifier clairement les missions de notre diplomatie qui doit s’adapter aux nouvelles mutations.
5.- Codifier l’alternance au pouvoir, par la reconnaissance de l’opposition, comme acteur de la scène politique, la séparation nette des pouvoirs, une institution indépendante chargée de superviser toute élection, le Ministère de l’Intérieur via les Walis , étant chargé uniquement de la logistique, ainsi que limiter dans le temps (5 ans maximum) les hautes fonctions supérieures de l’Etat au même poste , pour éviter la léthargie et les relations de clientèles.
6.- Limitation du mandat présidentiel à deux maximum de cinq années, instaurer durant cette période étant un régime semi-présidentiel, le régime parlementaire, souhaitable, étant inadaptée actuellement du fait de la faiblesse de la représentativité et de la multitude des partis qui doivent se regrouper en fonction d’affinités idéologiques et économiques.
7.-Supprimer le Sénat qui a été instauré dans une conjoncture particulière et éventuellement le remplacer par un Conseil des sages au maximum 50 membres dont 10 nommés par le président.
8.- Bien que cette fonction soit soumise actuellement à controverse, éventuellement, codifier la fonction de Vice Président, nommé par le président, chargé de le seconder, puisque je préconise la suppression du Sénat dans sa forme actuelle.
9.-Codifier la fonction de chef de gouvernement qui sera nommé par le Président, responsable de la politique socio-économique avec de larges prérogatives clairement définies avec obligation de présenter son bilan deux fois devant le parlement. Il est inconcevable qu’un secrétaire général d’APC soit nommé par décret présidentiel.
10.- Tout en nous en tenant à nos constantes nationales (Arabité- Islamité-Amazighié) comme facteur de cohésion sociale ? Codifier la langue amazighe comme langue nationale et devant favoriser la tolérance et combattre toute forme de racisme et de xénophobie, codifier que l’État garantit la liberté de culte et la liberté de conscience, veillant à ce que la religion, n'interfère dans les affaires de l’État.
11.-Codifier le rôle stratégique de l’élite avec l’intégration de notre émigration et la valorisation du savoir par la réforme profonde de l’école du primaire au supérieur.
12- Codifier la pluralité syndicale, la liberté des médias avec un code de déontologie, la reconnaissance de la société civile et la liberté pacifique de manifester.
13.- Sans son histoire, une société est comme un corps sans âme, l’histoire étant le fondement de l’action présente et future, devant différencier régime éphémère et Etat éternel, codifier les valeurs du 01 novembre 1954 et de la plateforme de la Soummam, un Etat qui survit aux aléas de l’histoire à la gloire à nos chouhadas.
B.-Volet économique
1.- Définir clairement le rôle futur de l’Etat dans le développement économique et social, Garantir la propriété privée, comme droit inaliénable et afin d ‘éviter des débats stériles qui nuise à la crédibilité de l’Algérie et rendent opaques la visibilité, codifier l’économie de marché concurrentielle à finalité sociale, loin de tout monopole, comme processus irréversible avec un rôle stratégique de l’Etat régulateur comme facteur de cohésion sociale et mettre l’entreprise privée locale et internationale et publique, sur le même pied d’égalité, à travers un nouveau code des investissements et des marchés publics en insistant sur son rôle moteur dans le processus de développement.
2.- renforcer l'autonomie de la banque d'Algérie garante de la stabilité de la monnaie, avec une durée deux mandats de cinq ans maximum non renouvelables, pour le gouverneur et les vices- gouverneurs-amender la loi sur la monnaie et le crédit afin de favoriser les fonds souverains, revoir le fonctionnement du système financier - la finalité étant de promouvoir une économie productive hors hydrocarbures compétitive s’adaptant avec pragmatisme au processus de la mondialisation.
3.- Codifier la transition numérique, en prenant en compte de la cybercriminalité.
4.- Criminaliser la corruption comme, une atteinte à la sécurité nationale qui implique pour son atténuation une totale transparence de l’utilisation des deniers publics (dépense publique, rente de Sonatrach, réserves de change), l’ unification des institutions de contrôles, indépendants de l’exécutif, et donner de larges prérogatives à la Cour des Comptes, parallèlement au contrôle parlementaire et à la société civile. Le pouvoir doit s’engager à respecter les Accords internationaux en la matière contre le blanchissement de l’argent «sale».
5.- Différencier la corruption de l’acte de gestion afin d’éviter de paralyser l’initiative des managers.
6.- Codifier la régionalisation économique autour de grands pôles (combinant université-centres de recherche secteurs banques-fiscalité secteurs économiques- administration) à ne pas confondre avec régionalisme qui impliquera d’importantes réformes institutionnelles (Ministères, secteur économique public - wilayas- APC).
7.- L’agriculture et son soubassement l’eau, enjeu du XXIème siècle, segment stratégique, codifier la non urbanisation des terres agricoles, parallèlement à la politique d’urbanisation qui devra s’inscrire dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire clairement définie qui ne saurait s’assimiler aux actuels programmes spéciaux de wilayas.
8.-Codifier la préservation de l’environnement et la protection de la biodiversité.
9.- Le système d’information s’étant effrité, codifier un organe indépendant de l’exécutif chargé de la collecte d’information et de la planification stratégique tenant compte avec les bouleversements mondiaux.
10.-Codifier comme impératif stratégique, la mise en place d’une transition énergétique reposant sur un mix énergétique, toute action devant avoir l’aval du Conseil national de l’Energie et du Conseil de sécurité et s’engager à un large débat national concernant le futur énergétique 2015/2030 qui engage la sécurité nationale, un Ministère et une entreprise fusse t- elle Sonatrach étant des organes d’exécutants non chargés de définir la politique énergétique.
11.-Codifier le dialogue économique et social entre l’exécutif et les partenaires économiques et sociaux en incluant les syndicats autonomes et revoir l’actuel fonctionnement du Conseil Economique et Social qui ne devra plus être instrumentalisé politiquement, en lui donnant l’autonomie totale, s’étant totalement bureaucratisé, sa composante n’ayant pas été renouvelée depuis des décennies.
12.- Facteur d’adaptation à la mondialisation, intiment lié à la politique étrangère, il s’agira de codifier l’intégration de l’Algérie au sein de la région du Maghreb, euro-méditerranéenne, de l’Afrique, continent à enjeux multiples, comme processus stratégique.
En résumé, monsieur le directeur de cabinet de la présidence, le constat en ce mois de juin 2014 est le suivant : gestion volontariste, obsolescence du système politique et enjeux de pouvoir internes, crise économique, sociale et culturelle tant locale qu’internationale, et, enfin, contraintes externes de plus en plus pesantes, révèle une réalité bien amère : l'absence dramatique d'une véritable stratégie nationale d'adaptation tant aux mutations internes qu’externes. La conjonction de facteurs endogènes et exogènes et l'intervention massive – parfois directe et par moment insidieuse – d'acteurs internes et externes a abouti finalement à un blocage systémique limitant les impacts de la dépense monétaire à travers la dépense publique, nécessitant un sursaut national regroupant toutes les forces vives de la Nation. Et face à cette situation tout le monde du sommet à la base parle de Droit et non de Devoir quitte à conduire le pays au suicide collectif : le pouvoir peu préoccupé par l’efficacité des deniers publics, s’ enfermant dans une dépense infernale sans contrôle , dans un ghetto bureaucratique et communiquant très mal en vue d’une participation citoyenne ; la majorité des partis (plus de 60) veulent le pouvoir pour gérer la rente et non la pénurie qui s ‘annonce ; les milliers d’associations, dont la majorité sont des appendices de ces partis vivent de la rente et sont incapables de mobiliser les segments de la société ; la majorité des associations économiques veulent leurs part de marché public, des exonérations fiscales, des taux d’intérêts bonifiés et la protection de l’Etat contre la concurrence oubliant l’efficacité et que le signe de la citoyenneté se mesure par la progression de l’import direct ; et la population dans sa majorité veut également sa part de rente des hydrocarbures.
Pourtant, l’Algérie qui traverse une phase cruciale de son histoire, a d'importantes potentialités, devant éviter toute sinistrose. Tout ce qui a été accompli n’est pas totalement négatif mais beaucoup d’insuffisances qu’ils ‘agit impérativement de corriger, mais devant nous projeter sur l’avenir en ce monde impitoyable où toute Nation qui n’avance pas recule. L’Algérie a besoin qu'un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et ce au profit exclusif d'une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d'une même ambition et d'une même espérance : un développement harmonieux conciliant efficacité économique fondée sur la bonne gouvernance et la connaissance et une profonde justice sociale, conditionné par de profondes réformes structurelles, économiques, sociales et politiques, le statut quo étant suicidaire pour le devenir de la Nation.
Monsieur le Ministre d’Etat, nous n’avons pas d’autre patrie de rechange devant relever les défis du développement pour nos enfants, défis complexes en ce monde turbulent et instable. Cela suppose pour éviter des remous, comme en témoigne cette ébullition sociale à travers toutes les wilayas, une moralité sans faille de ceux qui dirigent la Cité, des intermédiations politiques, sociales et économiques entre l’Etat et les citoyens évitant l’affrontement direct entre la population et les forces de sécurité. La réorganisation du système partisan, de la société civile et du monde économique représentatifs et non instrumentalisée par l’administration soumis grâce à la distribution de la rente, devient une urgence de l’heure. L’adaptation aux nouvelles mutations et le dialogue permanent est l’outil privilégié de toute bonne gouvernance et la vertu des grands dirigeants, le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir. Ces modestes propositions sont faites en tant que fils d’un grand Moudjahid de la guerre de libération nationale et c’était son devoir, à l’instar des Moujahids de toutes les régions du pays , mais surtout d’un intellectuel qui a eu à assumer durant ces 35 dernières années d’importantes fonctions dans les rouages de l’Etat, mus essentiellement en fin de carrière, par les intérêts supérieurs de l’Algérie.
Je vous prie de croire, M. le Ministre d’Etat et directeur de cabinet à la présidence de la République, en l’assurance de notre haute considération.
Pr Abderrahmane Mebtoul
Le 19 juin 2014
Commentaires (4) | Réagir ?
Je vous cite : "A ce titre je suggère les propositions suivantes en deux volets, l’un politique, l’autre socio-économique en arabe- français et en anglais". A partir de cette phrase, j'ai cessé net de lire vos élucubrations de consultant es-enfumage international. La raison est simple, claire et sans détours. Vous écrivez en arabe-, Français et anglais (et pourquoi pas en chinois pendant qu'on y est) et vous n'avez même pas la pudeur ni la décence de citer la langue ancestrale de tous les algériens laquelle, ne vous déplaise, est enseignée écrite et développée par ses dignes enfants! No-passaran!
allez vous en le peuple vous vomit, un jour il vous jujera