Je suis africain, je vais peut-être gagner le mondial
Je m'appelle Mamadou, Mohamed en arabe, le nom du prophète. J'aurais pu m'appeler Antoine ou Joseph, je suis né dans la brousse africaine, j'ai appris très tôt à me nourrir de racines, des rares végétaux qui poussent sur ma terre. Sous d'autres cieux, ailleurs dans le monde, on m'a raconté qu'il y avait des eaux pures, des eaux, parait-il, qu'on met même en bouteille. Dans ces pays éloignés du mien, on appellerait cela des eaux minérales. On m'a même dit que, quelques fois, on venait chercher cette eau dans mon sous-sol, sous mes pieds dans mon pays. Je n'ai pas fait d'études poussées, je ne suis pas né très éduqué, je n'ai jamais eu une vraie maison, ma mère m'a mis au monde sur un territoire aride, certes, mais sans frontières. Je suis un humain, quoi!
Je porte sur mon dos l'histoire de l'humanité, il semblerait comme l'a prouvé "Lucie", notre grand-mère à tous, que nous sommes tous Homme, Femme et Enfant issus d'un Africain. D'Afrique. Hitler et son engeance vont continuer à crever tant qu'on leur rappellera que les premiers humains étaient noirs, ils n'avaient pas d'yeux verts ou bleus, ils n'avaient pas de cheveux blonds. Que diraient les présidents des chaines de télévision françaises et leurs bataillons d'experts qui nous bassinent à longueur de journée avec les hypothétiques exploits des bleus ou les très mal arrachées victoires des équipes européennes.
Ce matin très tôt, j'ai voulu m'informer des résultats des rencontres d'hier. J'ai eu toutes les informations. Les bonnes et les mauvaises. Les attendues et les surprenantes. L'Italie a terrassé l'Angleterre, la Colombie en gagnant trois à zéro s'est mise en orbite, le Costa Rica a laminé l'Uruguay de Cavani...Je pourrais égrainer les résultats de ces trois premiers jours du mondial, les télés françaises pourraient faire de même. Pour quelle raison ces chaines qui encaissent, et, c'est le tarif de TF1, 378 000 Euros pour trente secondes de pub, tournent-elles le dos aux équipes qui représentent les contrées misérables de la planète.
Je parle de l'Afrique, ce continent qui a tant donné au football mondial. Je me suis senti blessé dans le plus profond de mon âme lorsque j'ai vu les pros des « chaines d'infos permanentes" détailler les résultats et les scores de la veille.
J'avais tout, toute l'information. Je n'avais pas l'essentiel. Je n'avais pas le détail du match Côte D'Ivoire-Japon. J'ai appris le résultat par la grâce de mon petit fils et de Sidi internet. La Côte d'Ivoire, après avoir été le nombril du monde à l'époque où son peuple souhaitait la chute de Gbagbo (aujourd'hui jugé par le TPI) devient subitement un pays inconnu. Le pays de Drogba bat le Japon par deux buts à un et s'empare de la première place de son groupe, et ça passe comme dans le mauvais beurre, sans un mot, sans un commentaire.
Je viens de me souvenir que les ivoiriens sont des noirs, qu'ils ont été longtemps colonisés. C'est peut-être là qu'il faut aller chercher les partis pris. Les préjugés.
L'académie française se rappellera peut-être que le président du pays voisin, le Sénégal, a été un des meilleurs poète francophone du monde. Les magouilleurs de la Françafrique, avec à leur tête les mercenaires de Denard, se souviendront sans doute, d'Abidjan.
Nous voici aux temps obscurs de la colonisation, de l'esclavage, du mépris. L'Afrique, le tiers-monde, les laissés pour compte se sont réveillés. Le Monde, contrairement à ce qu'affirmait ce dimanche matin un journaliste de TF1 (dans son élan) n'a pas les yeux braqués sur les bleus. Les peuples, même amoureux du football, ont plutôt les yeux braqués sur leurs ventres. Les familles qui vivent dans les contrées exotiques et qui produisent des footballeurs de talent sont confrontées, quotidiennement, à la faim. Et à leur devenir.
Les entreprises et le Qatar en tête -qui est une « multinationale » et pas un pays- ne s'en soucient pas.
D'ailleurs, les populations de ces territoires ne se soucient pas non plus du Qatar.
Revenons à nos petits moutons, l'Algérie se retrouvera mardi face à la Belgique. Un beau match! les verts, ces verts qu'on aime malgré tout pourraient’ils nous faire le plaisir de gagner?
Meziane OURAD
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