L’islamisme a été un peu vite enterré
Courtisé par le pouvoir et l’opposition, l’ex-FIS est de nouveau au centre du jeu et Rachad de Mourad Dhina active. L’islamisme progresse comme l’attestent plusieurs campagnes, dont la dernière veut promouvoir des «plages islamiques» sur le littoral algérois.
Par Hassane Zerrouky
Il ne faut pas être aveugle, l’islamisme, sous ses diverses variantes, est bel et bien de retour. Ceux qui l’ont enterré un peu vite devraient se raviser. L’invitation faite à d’anciens dirigeants du FIS dissous et de l’AIS (Madani Mezrag entre autres) en qualité de «personnalités nationales» aux consultations sur la Constitution menées par Ahmed Ouyahia ou la présence de Ali Boukhamkham, Ali Djeddi, Kamel Guemazi à la conférence nationale sur la transition organisée par le CNTLD, attestent, si besoin est, que l’ex-FIS n’est plus diabolisé : il est au mieux courtisé aussi bien par le pouvoir politique que par l’opposition démocratique et les islamistes dit modérés. «Celui qui a le droit d’être à ma place est le cheikh Abassi ou Ali Belhadi qui vous saluent» se réjouissait Ali Djeddi cité par TSA. Et il y a de quoi, car l’ex-FIS, qui n’était pas demandeur, est aujourd’hui au centre de la scène politique. En tout cas, tout porte à penser que les dirigeants du FIS se sont partagé les rôles : Mezrag et Hachemi Sahnouni chez Ouyahia et les autres, sans Ali Belhadj qui s’est fait excuser, à la conférence nationale de transition.
A terme, il y a fort à parier que c’est la mouvance islamiste dans sa globalité qui ramassera la mise. Et ce, parce que durant les trois mandats de Bouteflika, grâce à la réconciliation nationale, l’islamisme s’est vu de fait encouragé à réinvestir l’espace, les médias et les réseaux sociaux où il est très actif. Au point où l’on assiste à une prolifération de groupes salafistes qui tentent de «s’organiser en courants politiques» alertait en mai 2013 Mohamed Aissa haut fonctionnaire du ministère des Affaires religieuses. Dans la région de Blida, une association al-Daâwa s’était fixée pour objectif à fin 2013 de voiler cinq cents fillettes avec récompense à l’appui. Et durant l’été 2012, dans la région d’Oum El-Bouaghi, ils étaient plusieurs milliers de salafistes à venir écouter le prédicateur saoudien Haythem Serhane. L’université est également dans le collimateur.
Régulièrement des campagnes sont lancées par des collectifs dits «étudiants libres» afin de sensibiliser les étudiantes au port du hidjab. Même la Kabylie n’est pas épargnée par la pénétration salafiste. Qui plus est, à Alger, 30% des mosquées
sont contrôlées par les salafistes, d’autres étant menacées, alerte l’association nationale des imams.
Pour terminer, deux exemples récents attestent de l’activisme islamiste salafiste-wahhabite. Le 8 mars dernier, j’en étais témoin, l’association Djazaïrouna de Cherifa Kheddar, qui tentait de sensibiliser les Algérois à travers une exposition de photos des 300 femmes assassinées par les islamistes durant la décennie noire dans la seule région de la Mitidja, s’est vu reprocher par de nombreux jeunes, sur un ton à la limite de l’agressivité, «d’insulter l’islam». Et pas plus tard que ces jours-ci, à quelques semaines du début du mois de ramadan, des comités de quartier se sont constitués pour imposer «la pudeur» sur les plages en lançant une campagne dite «Des plages islamiques avec des valeurs algériennes» ! Et ce, sans compter tous ces comités animés par des salafistes et bénis par leur mentor Hachemi Sahnouni demandant de fermer les débits de boissons partout dans le pays. Tout ceci dans une totale liberté et impunité. Le pouvoir laisse faire et l’opposition dite démocratique se tait.
Aussi, pendant que de nombreux commentateurs, minimisant le retour du religieux sur le terrain, qualifient bruyamment la rencontre de Zeralda de «journée historique», l’islamisme, toutes tendances confondues, attend patiemment son heure pour sortir «démocratiquement» du bois. Ayant deux fers au feu – le dialogue avec le pouvoir et la participation à la conférence sur la transition démocratique – l’ex-FIS et ses alliés sont sûr de jouer gagnant à tous les coups.
D’ailleurs, Rachad de Mourad Dhina, souvent confondu avec Barakat par certains médias, était présent activement dans Alger-centre durant la campagne électorale.
La question n’est donc pas d’interdire des mouvements islamistes qui existent sur le terrain mais de ne pas s’illusionner sur leur conversion aux valeurs de la démocratie et des libertés dont la liberté de conscience.
Hassan Zerrouky
Commentaires (12) | Réagir ?
Ce regime a cre'e le FIS pour matter la population avant 1990, et a reprise ses travaux des que l'occasion et les conditions l'ont permis. Pour ceux qui sont pris entre le marteau et l'enclume, c'est du pareil au meme !
Il ne faut pas se leurrer, les islamistes ne renoncerons jamais à instaurer sur terre "la loi de Dieu" comme ils disent. Pour eux la démocratie, la liberté de conscience, la modernité, la république etc... sont impies et doivent être combattues. Ce n'est que par ruse qu'ils feignent de tolèrer ces principes chèrs aux républicains et aux laïcs. Affaiblis par leurs actions terroristes d'une violence inouie qu'ils tentent d'imputer aux autres quand c'est improductif, ils sont réellement sur la défenssive car rejetés de tous comme des malpropres. Ils tentent de séduire en attendant de reprendre des forces pour passer à l'offenssive le moment venu. Ces monstres à visages humains avec ou sans barbe ne renonceront jamais à leur funéste projet. Al Sissi en Egypte et Hafter en Lybie ont compris qu'un réptile engourdi, il faut lui écraser la tête car si on le réchauffe il faut s'attendre au pire.