La terrible faute des démocrates algériens
Pour s'attacher la sympathie des chefs du parti dissous, les leaders démocrates n'ont pas hésité à taire leurs propres principes. Ainsi se déclarent-ils en parfaite harmonie avec les islamistes à propos du « diagnostic de la situation qui prévaut en Algérie et des dangers qui la guettent à cause de la domination de la corruption et de la médiocrité et de l’interdiction des libertés par le pouvoir» ! C'est tout ? Et le terrorisme, dans tout cela ? Et l'utilisation de la religion à des fins politiques ?
A la seconde où ils entreront, bras dessus bras dessous avec les dirigeants de l'ex-FIS, dans la grande salle de l'hôtel Mazafran pour y tenir cette frivole et dangereuse «conférence pour la transition», nos amis démocrates auront définitivement franchi la ligne de disqualification. Ils auront cessé de représenter l'honneur des Algériens. Pour avoir osé compagnonnage douteux avec les chefs d'une organisation intégriste sans en référer à leur base, ils ne parleront, désormais, qu'en leur propre nom. Pour reprendre la formule de Sid Ahmed Ghozali, chacun d'eux vivra "personnellement" la suite des événements. La dignité des Algériens sera l'affaire d'autres hommes et d'autres femmes moins sujettes aux jeux d'appareils, de nouvelles générations d'hommes imprévus, absous de nos croyances, exonérés de nos illusions, libérés de nos naïvetés, affranchis de nos mortelles ambitions, vierges de nos lâchetés, affranchis de nos connivences. Une page lourde sera alors tournée.
Cette rencontre du Mazafran n'aura eu d'utilité, en définitive, que celle d'avoir remis le chefs du parti dissous sur selle. Nos amis, dans leur infinie crédulité, pensaient pouvoir constituer, avec les islamistes, un «arc de la colère» qui impressionnerait le pouvoir algérien et dont-ils tireraient les marrons du feu. M. Bellabes du RCD parle, ainsi, de «construction d’un rapport de force», signifiant par là que les troupes intégristes seraient d'un apport capital quand viendra le moment d'occuper la rue. Mais qu'y scandera-t-on ? "Alaïha nahya, alaïha namoute" ou "Algérie libre et démocratique" ? M. Makri du MSP assure que "les formes d'une collaboration bien pensée sont réunies". Lui emboîtant le pas, M. Bellabès, au sortir de la rencontre avec deux hauts responsables du FIS, Kamel Guemazi et Ali Djeddi, annonce une "convergence des points de vue". Convergence ? Sur quoi, diable, pourraient converger un parti qui prône l'Etat théocratique et un autre qui a inscrit l'État laïc dans ses textes fondamentaux ? Où donc pourrait se nicher la «convergence» entre Ali Benhadj (qui sera présent à ce conclave) dont on dit qu'il a décrété la démocratie «kofr» et le chef d le parti qui a inscrit dans ses statuts «l'exercice effectif de la démocratie et du pluralisme politique et syndical en tant qu'expression et réalisation de la souveraineté populaire, dans le cadre de l'État de droit.» Autour de quoi M. Bellabas partage-t-il l'analyse des dirigeants du FIS ? Autour du droit à «une école moderne, neutre et démocratique fondée sur le respect des valeurs de citoyenneté, de rationalité et d'universalité» ? Autour de l'égalité entre l'homme et la femme ? Qui l'emportera de M. Bellabas dont le parti revendique clairement dans ses statuts «l'abrogation et l'abolition de toute ségrégation fondée sur les différences de sexe, de langue, de culture, de religion ou de race» ou de Abassi Madani pour qui la place de la femme est à la maison ? Oui, que peut bien partager un militant du RCD qui a tôt appris à réclamer «La séparation du champ politique du religieux et la garantie de la liberté de conscience et de culte» avec Kamel Guemazi qui a décidé, du temps où il était maire d'Alger, que les Algériens ne peuvent assister au gala de Linda De Souza sous peine de sortir de «l'ordre de Dieu» et s'exposer à la répression des autorités de la ville ? Bref, nos amis démocrates s'amusent à jouer à la roulette russe. Ils étaient censés porter haut les espérances d'une Algérie avide de modernité et de justice ; les voilà qui se font l'avocat de cercles archaïques, intrigants et, pour tout dire, complices de tant d'assassinats. Qui les a mandatés pour une telle forfaiture ? Au nom de qui se sont-ils autorisés à édulcorer l'intransigeance de tous ceux qui ont barré la route à l'islamisme ? «On ne concevait pas le fait que le RCD puisse accepter certaines phrases et la même chose pour les islamistes», reconnaît M. Makri qui, de toute évidence, n'en revient pas de cette capitulation des démocrates algériens ou supposés tels, rabaissement lisible dans le fond et même dans la forme. Quand bien même, en effet, ce rapprochement contre nature avec le FIS se fut réalisé pour des hautes considérations stratégiques auxquelles les piètres esprits que nous sommes ne comprenons rien, était-il besoin de le faire avec autant de flagornerie et une si dégradante surenchère dans la flatterie ?» La coordination attribue aux dirigeants du FIS des qualités que eux-mêmes n'avaient jamais revendiqué. Ainsi le communiqué sanctionnant la rencontre avec les deux dirigeants intégristes, les présente-t-il comme «personnalité politiques et membres de la société civile» !
Pour s'attacher la sympathie des chefs du parti dissous, les leaders démocrates n'ont pas hésité à taire leurs propres principes. Ainsi se déclarent-ils en parfaite harmonie avec les islamistes à propos du « diagnostic de la situation qui prévaut en Algérie et des dangers qui la guettent à cause de la domination de la corruption et de la médiocrité et de l’interdiction des libertés par le pouvoir» ! C'est tout ? Et le terrorisme, dans tout cela ? Et l'utilisation de la religion à des fins politiques ? Aucun de ces sujets qui fâchent ne figure dans la plate-forme Islamo-démocrate. À la journaliste qui s'étonnait que la plate-forme politique de la coordination se contente de généralités, Makri eu cette réponse de charbonnier : «L’essentiel est qu’il y ait des règles, des objectifs et un consensus sur ces derniers. Par la suite, on rentrera dans le détail.» Traduisez : «pour l'instant, l'initiative appartient aux islamistes» À la même journaliste qui s'interrogeait sur l'absence de la religion et du statut de la femme dans la plate-forme, Makri à une réponse tranchante et significative : «Ce ne sont pas des questions prioritaires». Traduisez : «ce ne sont pas des questions prioritaires aux yeux des islamistes.» M. Makri le jure : «Nous sommes tous des républicains et démocrates. Le MSP a toujours été un parti républicain et démocrate». Est-ce le cas des cadres de l’ex-FIS invités à la conférence ?, relance la journaliste. Réplique de Makri : «Ils ont énormément évolué ! Même ceux qui s’appelaient laïcs ont évolué. Tout le monde a évolué.»
À suivre
Med Benchicou
Commentaires (11) | Réagir ?
Faute des démocrates ? Y’a pas de faute 3ami Moh! Il est temps de se rendre à l’évidence que le virus islamique a tellement progressé qu’il a fini par atteindre les plus tenaces. Il faut avoir perdu la tête pour se laisser duper au point d’entrevoir la démocratie à travers le prisme de son ennemi farouche : Kalhou oua allahou ! Ils sont tous devenus fous 3ami moh ! Fous au point de s’adonner à une surenchère de versets et implorer Allah pour déloger les p’tits nains d’El-Mouradia. Il faut être tout aussi fou pour croire que l’Algérie de nos rêves est au bout d’un petit chemin de croix parcouru en amer exilé. Je crois bien que c’est foutu, foutu pour de bon! Tout semble désormais se jouer dans un terrain où les gladiateurs ont tous la même arme : Le coran ! A ce jeu là, nous sommes tous disqualifiés ! Laissons les Ahbab-Allah du CNLTD, de notre destin, trancher! Il restera toujours un Atatürk dans nos rêves, vers le monde moderne nous emporter. Sur quel autre rêve faire reposer nos espoirs, maintenant que, 25 ans plus tard, Ali Belhadj et le FIS sont devenues les vedettes qui se laissent désirées par les orateurs d’une conférence des Libertés !? Autant se laisser enchaîner pour l’éternité ! Pardon Tahar Djaout, Pardon Matoub, Pardon Massinissa, Pardon Bentalha, pardon pour tant de lâchetés !
Il parait que le reniement en politique, ce n est pas comme l'intégrisme. On peut en revenir. Cette initiative politique est la parfaite illustration de la politique d'infantilisation de nos politiques, par le pouvoir. Un coup il interdit la rencontre, sans doute pour faire croire à ses initiateurs qu'il a peur d'eux. Pour ensuite l'autoriser. En kabyle, cela s'appelle "asedhou".
Tahar Khouas.