L’Algérie à la croisée des chemins : mes dix propositions de sortie de crise
Aucun segment politique, seul, ne peut résoudre la crise multidimensionnelle à laquelle est confrontée l’Algérie.
Un consensus minimal associant toutes les forces politiques, économiques et sociales, sans exclusive est indispensable. Il serait hasardeux pour l’avenir de l’Algérie d’aller vers un monologue, de combler le vide (culture bureaucratique rentière du passé) par certaines organisations incapables de mobiliser la société du fait de leur non-crédibilité. Or, l’objectif stratégique est de redonner confiance, brisée entre l’Etat et les citoyens au moyen d’un dialogue fécond et productif.
I.- Le cadre stratégique
Toute action implique une vision stratégique d’adaptation à ce monde du XXIe siècle interdépendant turbulent et instable. Il existe un théorème en sciences politiques : 80% d’actions mal ciblées et désordonnées que l’on voile par de l’activisme, ont un impact de 20% sur les objectifs et 20% d’actions bien ciblées ont un impact sur 80%. J’accorde une importance particulière à un large débat national sur les impacts économiques et sociaux de la dépense publique, sur les réserves énergétiques, de la rentabilité de nos réserves de change, de l’école, depuis le primaire au supérieur, qui façonnera le citoyen algérien de demain et qui collant avec l’environnement, déterminera la future trajectoire du développement économique, social et politique de l’Algérie au sein de la mondialisation. Ainsi, pour une efficacité réelle de la révision constitutionnelle, moyen, et non comme fin, (l’on peut avoir les meilleures lois du monde mais rarement appliquées souvent en raison de la neutralisation de différents rapports de forces contradictoires), il s’agit de cerner les causes fondamentales du blocage qui sont d’ordre systémique, reflétées par le divorce de l’importance de la dépense publique, plus de 700 milliards de dollars (équipement et fonctionnement) et les impacts économiques et sociaux, avec un taux de croissance moyen de 3%, alors qu’il aurait dû dépasser 10/15%. Les données officielles de la Banque mondiale comme celles de la Banque d'Algérie permettent d'indiquer que pour la période 2000-2013, 97/98% des exportations sont le fait des hydrocarbures ainsi que la totalité des réserves de change évaluées à 194 milliards de dollars au 1er janvier 2014, et que l'Algérie, calcul réalisé selon les données de la Banque d’Algérie, a exporté 707,250 milliards de dollars et a importé pour 491,200 milliards. Pour dépasser cette situation anomique, toute action implique une vision stratégique d’adaptation à ce monde du XXIème siècle. L’enjeu majeur pour l’Algérie et sa survie impliquent donc de mettre en place des instruments opérationnels capables, d’identification, d’anticiper les modifications de comportement des acteurs économiques, politiques, sociaux et militaires, au moment où notre région connait et devrait connaitre entre 2014/2020 d’importants bouleversements géostratégiques notamment au niveau du bassin euro-méditerranéen et africain.
Dans les pays dits démocratiques, il existe deux à quatre grands partis maximum avec des programmes politiques, sociaux, culturels et économiques précis étant impossible en Algérie de fédérer plus de 60 partis où la majorité n’a aucune vision stratégique du devenir du pays. D’où l’urgence de restructurer le système partisan, actuellement inefficace, loin de toute action autoritaire. Cependant il faut éviter de s’attaquer au secondaire, et non à l’essentiel, comme le préconisent certains partisans de la dissolution de l’actuelle Assemblée nationale, car cela ne résoudra aucun problème. Comme doit être opéré la restructuration de la société civile avec ces milliers d’associations vivant en majorité de la rente des hydrocarbures souvent instrumentalisées par l’administration lors de différentes élections, étant incapables avec les micros partis de mobiliser la société¸ réseaux sociaux intermédiaires inefficaces favorisant la confrontation forces de sécurité-citoyens.
Dans le même ordre d’idées, il devient urgent d’avoir deux à trois grandes organisations économiques au maximum en unifiant le patronat privé afin qu’il devienne une force économique crédible, évitant son instrumentalisation par le politique, (contre l’octroi de marchés publics en fait la distribution de la rente) assistant à une multitude d’organisations avec des conflits de leadership, cause de la division. Il s’agit d’intégrer également, d’une manière intelligente, la sphère informelle dominante recelant bon nombre d’entrepreneurs dynamiques. C’est dans ce cadre que rentrent mes dix propositions.
II.- Les dix propositions
1.- Codifier la bonne gouvernance, l’Etat de Droit, l’alternance au pouvoir, l’indépendance de la justice, par la séparation nette des pouvoirs, la pluralité syndicale, la valorisation du savoir, avec pour objectif, le renforcement de l’Etat républicain et la démocratisation dans tous les domaines. Doit être codifié, dans la future constitution, la limitation des mandats présidentiels à deux maximum, donner plus de pouvoir au premier ministre ou chef de gouvernement clairement défini, ainsi que limiter dans le temps (5 ans maximum) les hautes fonctions supérieures de l’Etat. Comme doit être inscrit en préambule l’engagement à ne pas geler les institutions sous peine de délits d’initiés et ce quel que soit le niveau de responsabilité, et à mettre en œuvre dans un délai qui ne dépassera pas six mois la promulgation des lois et par la suite trois mois au maximum les décrets exécutifs d’application.
2.- Facteur essentiel du développement économique et social, codifier le développement des libertés, politiques, économiques, sociales et culturelles dont les médias.
3.- Criminaliser la corruption comme une atteinte à la sécurité nationale par la totale transparence de l’utilisation des deniers publics (dépense publique, rente de Sonatrach, réserves de change), en unifiant les institutions de contrôles indépendants de l’exécutif et donner de larges prérogatives à la Cour des comptes, parallèlement au contrôle parlementaire à la société civile et s’engager à respecter les Accords internationaux en la matière contre le blanchissement de l’argent "sale". Toute personne impliquée ne peut exercer des postes de responsabilité au sein des structures de l’Etat, mais devant différencier l’acte de gestion de la corruption afin d’éviter de paralyser l’initiative des managers.
4.- Codifier l’économie de marché concurrentielle à finalité sociale, loin de tout monopole, comme processus irrésistible en insistant sur l’importance de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché.
5.- Mettre l’entreprise publique, qui doit se conformer aux normes de rentabilité, et privée au cœur du développement, et ce sur un même pied d’égalité.
6.- Codifier la non-urbanisation des terres agricoles et garantir la propriété privée, comme droit inaliénable.
7.- Codifier la régionalisation économique autour de grands pôles régionaux à ne pas confondre avec régionalisme qui impliquera d’importantes réformes institutionnelles (Ministères, secteur économique public - wilayas- APC).
8.- Le système d’information s’étant effrité, codifier un organe indépendant de l’exécutif chargé de la collecte d’information et de la planification stratégique.
9.- Codifier commue impératif la mise en place d’une transition énergétique pilotée par le Conseil National de l’Energie et s’engager à promouvoir une économie productive compétitive s’adaptant avec pragmatisme au processus de la mondialisation hors hydrocarbures en faisant participer notre émigration.
10.- Codifier l’intégration du Maghreb, pont entre l’Europe et l’Afrique comme processus stratégique.
D’une manière générale, tout pouvoir a besoin d ‘une opposition forte organisée avec des propositions productives pour se corriger, devant l’associer dans les grandes décisions qui engagent l’avenir du pays, le monologue étant suicidaire. L’Algérie a besoin pour éviter la léthargie et la stérilité que tous ses enfants dans leur diversité, par la tolérance des idées d’autrui, se regroupent au sein d’un même objectif à savoir le développement économique et social tenant compte de la dure réalité mondiale où toute Nation qui n’avance pas recule forcément.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, Expert International en management stratégique
Commentaires (8) | Réagir ?
merci
j’ai quelques questions très simples que je soumets à l'attention de l'Auteur:
On vit de la rente pétrolière depuis 1962. Donc la première question est : combien de temps nous reste-il avant la disparition de cette rente ?
Si comme certains l’affirment, les gouvernements successifs de Bouteflika savent que cette rente va s’épuiser d’ici 2020. Il faut se poser d’autres questions :
- La destruction systématique des institutions et de notre économie relève-t-elle d’une stratégie planifiée depuis l’assassinat de Boudiaf en vue de créer le chaos ?
- Quelles sont les objectifs de cette stratégie ? Est-ce qu’on est allé chercher Bouteflika pour chasser les militaires algériens qui achètent de l’armement russe et qui refusent aux US l’implantation de bases militaires ?
- Laisse –t-on le soin au printemps algérien programmé pour la fin de ce 5eme mandat de pousser le peuple algérien à se retourner contre les généraux algériens ?
M. Mebtoul, vous abordez le problème de la corruption et de la bonne gouvernance.
Il y a une autre question simple : quand est ce qu’on assistera aux procès de Khalifa, Bouricha, Sonatrach, Sonelgaz, Ghoul etc.. La réponse est aussi simple : Jamais et personne ne bougera..
Tout le monde semble terrorisé par ces questions simples.
Vous dites le monologue est suicidaire. Vous êtes un vrai comique dans votre genre et j'ai l'impression que vous vous foutez de la gueule des lecteurs.