Crise Berbère de 1949, crise berbériste, crise anti-berbère ou crise de légitimité ?
La publication récente de l'ouvrage de Abdenour Ali Yahia, «La crise Berbère de 1949» aux éditions Barzakh à Alger, relance le débat et la réflexion sur cet épisode important pour le mouvement de libération nationale et les conséquences sur l'Algérie post-coloniale.
C'est un témoignage poignant sur les principaux acteurs de cette période, des hommes de chair et de sang comme Bennaï Ouali, Amar At Hemmouda et bien d'autres, qui ont payé de leur vie pour avoir assumé leur engagement pour une Algérie algérienne issue de l'histoire millénaire de l'Afrique du Nord.
Les conséquences négatives de cette crise de 1948-1949 dans le mouvement national est parfaitement résumée par Mohamed Harbi dans l'ouvrage "FLN Mirage et Réalités", p. 66 : "La crise de 1949 a annihilé les espoirs de voir se développer un nationalisme radical indépendamment de la foi religieuse". Autrement dit, l'édification d'un état laïc, moderne.
Notre propos ici n'est pas de faire une critique de l'ouvrage de Ali Yahia, qui apporte certainement une pierre de plus dans l'édification de notre histoire collective. C'est un témoignage de valeur qui devrait inciter nos anciens à en faire de même.
L'un des éléments déclencheurs de cette crise d'identité nationale, au sein du PPA-MTLD, est la préparation du memorandum que devait soumettre Ahmed Messali à l'ONU, dans lequel la direction du parti présentait l'Algérie comme "arabe et musulmane depuis le 7e siècle", s'incrivant ainsi dans le moule de l'arabo-islamisme et du nationalisme arabe. L'autre élément est la rédaction, puis la diffusion du document doctrinaire intitulé "L'Algérie libre vivra" (Crise du PPA,1949. ALGERIE LIBRE VIVRA. IDIR EL WATANI. Téléchargeable en .pdf) et signé de Idir El Watani, pseudonyme choisi par un groupe de cinq militants nationalistes (M. Belhocine, S. Oubouzar, S. Hadjeres, Y. Henine, S. Ali Yahia) qui situe l'Algérie dans la continuité historique depuis plusieurs millénaires.
Entre les deux conceptions, le compromis est impossible.
Ce clash de 1949 aurait d'ailleurs pu survenir à tout moment de l'évolution du mouvement national. Les dégâts ont été considérables et l'Algérie d'aujourd'hui paie les conséquences de ce ratage historique.
L'histoire est faite par des hommes et des femmes. Des individus ont parfois changé le cours de l'histoire en agissant au moment opportun, en fonction de leur vécu et/ou de leur histoire personnelle. Dans sa volumineuse production sur l'histoire du mouvement national algérien, Mohamed Harbi, en homme averti, recommande d'observer les acteurs, leur histoire personnelle ainsi que leur itinéraire afin de mieux cerner et de comprendre les évènements.
Dans cette optique, l'engagement têtu dans l'arabo-islamisme du PPA-MTLD, puis du FLN et enfin du groupe qui a pris le pouvoir après 1962 pourrait s'expliquer par les trajectoires personnelles des hommes qui ont joué les rôles clés : Messali, Ben Bella, Boumediène et Lacheraf.
Nous soumettons au lecteur les éléments ci-dessous afin de susciter le débat et d'éclairer l'avenir de notre pays.
Ahmed Messali (http://fr.wikipedia.org/wiki/Messali_Hadj)
"Son père est le descendant d'un janissaire Ottoman d'origine albanaise arrivé lors de la présence des Ottomans en Algérie et qui engendre par la suite des koulouglis. Sa mère est issue d'une famille d'origine andalouse".
Lorsque Messali a créé le PPA en 1937, c'était un recul par rapport à l'Etoile Nord-Africaine (ENA), au niveau des revendications politiques comme au niveau identitaire. C'était le premier pas dans l'arabo-islamisme et le nationalisme arabe.
En 1949, Messali n'était aucunement concerné par l'histoire millénaire de l'Algérie et de la berbérité et ne pouvait donc se revendiquer de l'héritage de Jugurtha. Il a décidé de faire débuter l'histoire de l'Algérie au 7eme siècle comme il aurait pu la faire débuter en 1516 lors de la prise du pouvoir à Alger par Aroudj et son frère Kheireddin, après avoir assassiné dans son bain le sultan d'Alger, Selim Outemmi (Diego de Haëdo, "Histoire des Rois d'Alger", éd. Bouchène, p 35).
Ahmed Ben Bella
Ben Bella est originaire de la région berbérophone de Taza – Tawrirt – Oujda, dans la famille des Ait Bella (ou Ait Ou Bella). Son père a pris part, du côté français, à la répression du soulèvement rifain pour l'indépendance du Rif puis du Maroc, mené par Mohand Abdelkrim des Ait Ouriaghen (Abdelkrim El khattabi, 1885-1963). A la fin de la destruction de la république du Rif par les armées françaises (commandée par le Maréchal Pétain) et espagnoles, la famille Ait Bella, comme celles des autres supplétifs indigènes, ont été transférées en Algérie, à Maghnia et ailleurs, pour empêcher la vengeance des leurs.
L'engagement de Ben Bella dans l'arabo-islamisme exprime un refus de s'assumer, d'assumer son histoire et son identité. L'influence de Nasser et de l'idéologie panarabiste est, à notre avis, secondaire. Sa mémorable déclaration à l'aéroport de Tunis un certain 14 avril 1962 ne souffre d'aucune ambiguité dans le chapitre de la schizophrénie («Nous sommes des Arabes ! Nous sommes des Arabes ! Nous sommes des Arabes !»).
Ben Bella a toutefois reconnu sa berbérité dans un journal français en … 1982 («Je suis berbère. L'homme qui vous parle, Ahmed Ben Bella, est berbère»).
Mohamed Boukharouba (Boumediène)
Boumediène est un ancien élève de l'école coranique de Guelma, puis de la médersa de Constantine, avant de rejoindre l'université d'El Azhar au Caire. Il a fait partie du premier groupe de 7 militants algériens embarqués sur le bâteau Dinah, avec la première livraison d'armes de l'Egypte pour le FLN en mars 1955 (Fathi El Dib, "Abdel Nasser et la révolution algérienne", L'Harmattan, p. 58).
Boumédiène est le pur produit de l'école arabo-islamique pour laquelle l'histoire de l'humanité se limite à l'islam et à la langue arabe. Le reste n'est que «jahiliya» !
Mostefa Lacheraf
Lacheraf (1917 - 2007) est «né dans un campement ayant suivi l'émir Abdelkader dans sa guerre contre les Français, son grand-père paternel est issu d'un brassage des tribus du sud, Sanhadjas et hillaliennes des Hauts-Plateaux... Tandis que du côté de sa mère, l'on pouvait revendiquer l'appartenance à une vieille famille algéroise émigrée d'Andalousie" (Hend Sadi, "Mouloud Mammeri ou la Coline emblématique", éd. Achab, p. 75).
Lacheraf a joué le rôle d'idéologue, théoricien de l'arabo-islamisme avec un vernis moderniste, bien avant 1954 comme dans le FLN et l'après 1962. Contrairement aux autres acteurs qui ne savaient peut-être pas, lui il savait. Il a fait des études brillantes et a même été professeur au prestigieux lycée Louis Legrand à Paris. Son refus d'assumer son histoire et son identité véritable est d'autant incompréhensible.
Malheureusement pour l'Algérie, M. Lacheraf a produit quelques disciples, certes minoritaires, qui continuent de ramer contre le mouvement de l'Histoire !
Aumer U Lamara
Commentaires (2) | Réagir ?
un des héros de la revolution algerienne disait que cette question allait freiner le déclenchement de la révolution algerienne heureusement que la sagesse et la grandeur des krim ouamrane fernane abane ait ahmed et consorts ont su gerer cette crise que le colon voulait instrumentaliser a des fins connus
ali yahia abdennour a ecrit son livre a un age avancé et avec l apparition de son frangin Rachid ces derniers temps.. vive l Algérie
L'histoire, tôt ou tard, réhabilitera Aâmer n'ath hamoudha, Si Ouali n'senior ainsi que leurs camarades d'infortune comme les précurseurs d'un paradigme sociétal qui aurait pu être salvateur pour cette ébauche de nation étouffée dans l'oeuf mais, hélas cela échapait totalement à leurs pairs du mouvement national soit par calcul idéologique comme c'est le cas de Messali, Lacheraf, Ben Khedda et consors, soit par naïveté et cécité politique comme ce fut le cas d'Abane Ramdane, Krim et consors.