Un "dépouillement" propice aux convergentes croyances (I)
Puisqu’en Algérie, toutes les consultations prétendues "transparentes et honnêtes" sont truquées, certifiait le 12 février 2014 Hocine Benhadid, le terme de "dépouillement" s’applique ici moins aux comptages réguliers des suffrages exprimés le 17 avril qu’à un bourrage électoral et médiatique affublant un grabataire de 81,53% d’espérance de vie politique.
Comparé au 75% d’abstentionnistes et aux (presque) un million et demi de bulletins blancs, ce taux stalinien stipule que Bouteflika n’a finalement été élu que par 20% du corps enregistré. Partant de ce constat, le politologue Rachid Grim retiendra quant à lui le sens propre du vocable "dépouillement" pour étayer que le nombre important des démobilisés eu pour effet direct de minimiser la triche dans les différents lieux de vote, que donc le scrutin fut, à quelques exceptions prêts, limpide. Les soutiens au candidat-Président n’avaient selon lui plus besoin de bidouiller les procès verbaux car, comme les intéressés à son reconduction, les zaouïas, confréries soufies, notables locaux, tribus autochtones, ruraux et personnes âgées appartiennent à la catégorie conservatrice et penchent en faveur de la pérennité du pouvoir en place. À contrario, le sociologue Nacer Djabi prendra le mot "dépouillement" au sens figuré pour soutenir qu’une manipulation de dernières minutes s’est opérée au stade du calcul des participants. L’embrouille satisfera les apparences démocratiques réclamées par l’opinion internationale et contredira la perspective de Lahouari Addi, celui-ci suggérant le 08 avril 2014 que le désormais reconduit pouvait éventuellement être un leurre avancé au profit d’Ali Benflis. Plus ou moins convaincu d’un ultime chamboulement, il présumait alors que des "mani-tous" pouvaient en extrême ressort avoir transformé une tortue en lièvre, et par prestidigitations un challenger en leader potentiel. Mentionné un mois plus tôt (le samedi 1er mars) sur le site du journal Maghreb émergent, cette pirouette parabolique valut au professeur de Sciences po Lyon des commentaires lui remémorant son oxymore de "régression féconde" et l’incitant à aller consulter un "(…) psychologue ou psychiatre". Le prétendu déséquilibre mental sera atténué par des ripostes moins vindicatives et interprété comme "(…) un souhait mais nullement une analyse". Non, affirmera un autre intervenant, Lahouari Addi "(…) n'est pas fou, il a juste envie d'y croire". Tout sociologue avisé sait que les croyances, que Bachelard nommait "des songeries ancestrales", procèdent d’un coup de cœur, d’une naïveté, d’une propension à la domination, d’une participation au jeu et d’habitus.
La théorie de la croyance et ses dépouillements discursifs
La tautologie voulant que l'art existe parce que des afficionados y croient, perdure chez tous les héritiers d’Émile Durkheim, lequel allèguera qu’au temps de la religion triomphante les œuvres sont nées de l'ardeur mystique des foules rassemblées. Procédant d'une construction symbolique, l’exaltation collective aiguisait et réfléchissait alors une foi sublimée produite par les regardeurs ou admirateurs eux-mêmes. Avec Pierre Bourdieu, la "croyance" se fabrique dans la sphère particulière des significations et relève à ce titre de la violence symbolique, c'est-à-dire d’une adhésion complice non imposée et non subie car soporifique, incolore ou inodore. Dans son apparence "soft", la violence symbolique est très efficace puisqu'elle mènera certains peuples colonisés à l'autodénigrement ou auto-inhibition. Pour prolonger ici l’analyse débutée dans le Matin.dz par Ahmed Cheniki, nous dirons que cette forme sophistiquée et feuilletée d’assujettissement qui, par une espèce de travestissement, parvient à obtenir l’accord tacite des dominés en leur rendant l’hégémonie méconnaissable, "extorque des asservissements ou envoutements qui ne sont pas perçus comme tels", notamment chez des êtres en attentes de croyances. Celles inculquées par les traditions, ou depuis le cocon familial et l'école, conditionnent tout autant l’engrenage des subordinations et soumissions puisqu’elles incitent à garder une place précise au sein du champ social ou institutionnel, préparent à "un abandon ou fascination extorquée par la légitimation de rapports arbitraires", à adhérer à l'universalité des valeurs artistiques et à obéir aux règles juridiques, économiques, culturelles ou politiques. Conformément aux lois établies, chaque sujet participera à la reproduction du jeu en renvoyant à autrui des crédulités ou estimations qui fondent l'action partagée. Bourdieu parlera dans ce cas d'illusio qui, venus se substituer à la notion d'intérêt, participent de la "routine, des choses que l'on fait parce qu'elles se font et que l'on a toujours fait ainsi". Adoptée comme "forme particulière de croyance", toute reconduction confirme la primauté des contraintes sociales sur la nécessité intérieure d’un être là qui pour s’extraire de la violence et domination symboliques développera des manœuvres discréditant les capitaux détenus par un pouvoir ou un concurrent direct. Il brouillera ainsi "les prescriptions inscrites dans un discours" et démontrera par ailleurs que la vie sociale est une construction qui se pérennise parce qu’elle mobilise de la conviction communautaire, une "croyance produisant des schèmes de perception et d'appréciation". Puisque persiste autant d'illusio que de champs, toute remise en cause s'inscrit encore et toujours dans un paysage connu où chaque protagoniste se sentira "chez lui parce que cet univers là demeure en lui sous les aspects de l'habitus". Cette notion d’habitus éludant la possibilité de modifier le convenu par la lutte idéologique, nous lui opposerons dans le tome 1 de notre ouvrage L’artiste créateur et l'auteur de génie en Algérie, la désaliénation fanonienne et le principe de dé-singularisation/re-singularisation. İl s’agit là d’un renoncement au "Moi Je" des écrivains et peintres romantiques recommandé par des rédacteurs de la Plate-forme de la Soummam insistant sur la "(…) condamnation définitive du culte de la personnalité» et la "(…) rupture avec les positions idéalistes individualistes", deux injonctions indissociables d’une éthique de communauté fermentant dès le 05 Juillet 1962 les ferveurs logomachiques d’une culture politique de combat (ou art de résistance) et d’un renouveau dans ou par l’authenticité que préconisait en son temps Frantz Fanon. Dans son livre Les Damnés de la terre, le psychanalyste incitait à chambouler le monde des croyances panthéistes communément admises et ordonnées au temps de l’hégémonie coloniale. À sa domination symbolique s’est substituée aujourd’hui les entremises interlopes d’un système maffieux opposé à l’invention car le propre de celle-ci c’est justement de se départir, à moyenne ou longue échéance, de l’assistanat technologique de nations étrangères qui s’efforcent de maintenir sous dépendances chroniques celles en attente d’une modernité alternative.
Lorsque dans sa "Lettre à ceux qui régentent l’Algérie", Ahmed Cheniki stipule que "plus de cinquante ans après les indépendances, se dessine un processus de re-décolonisation des élites et de la société", il remémore "La rencontre tragique avec la colonisation (…)" pour faire parallèlement remarquer qu’elle nous a aussi permis de "(…) découvrir l’État au sens "moderne" du terme", donc un mode rationnel d’émergence qu’il y avait lieu de capitaliser. Mohamed Harbi rappelait déjà dans l’hebdomadaire Jeune Afrique du 05 juillet 2012 ceci : "Qu'on le veuille ou non, que cela fasse plaisir ou pas, l'entrée de l'Algérie dans la modernité s'est faite avec la colonisation. ». Approuver un tel glissement paradigmatique, ce n’est pas accepter tacitement l’article de loi (n° 04) portant sur les bienfaits ou le "rôle positif" de l’occupation française mais reconnaître que la contemporanéité artistique qui prévalait avant le 05 Juillet 1962 fonctionnait au sein du champ pictural, et de son marché, à travers ces trois modalités d’intervention que sont la vente des œuvres, la commande de certaines d'entre-elles et la gratification de leur auteur. Plus d’un demi-siècle après la date libératrice, la promotion des productions et des créateurs n’arrive pas à se libérer du poids d’une domination symbolique articulée autour du "Peuple Héros" et du culte du martyr. De là, le développement parcimonieux de la Personne de l’artiste négligée au profit d’un zaïmisme monarchique projetant un "(…) spectacle désolant qui est en train de transformer l’Algérie en une république bananière", écrivait le 02 avril 2014 le général à la retraite Hocine Benhadid. Ahmed Cheniki nous reprochera sur Facebook la vulgate "République bananière" car ayant (peut-être) à l’instar de plusieurs de ses coreligionnaires, des difficultés à reconnaître que des stigmates révélateurs sont aussi à dénicher du côté d’une intelligentsia s’enfermant, au moment du "socialisme-spécifique", dans les certitudes anti-impérialistes et les relents antisyncrétiques ou purificateurs du Programme de Tripoli, des facteurs externes responsables des dépouillements discursifs d’une expression du sensible qui ne peut toujours pas se recourber entièrement sur elle-même à cause des prégnances du fixateur politico-ethnique.
Des croyances avortées sur l’autel des dépouillements interlopes
Avec son projet de renouveau national (dit "La société des libertés"), Ali Benflis ne fait finalement que reprendre un processus culturel réfléchi par Frantz Fanon et testé depuis plus d’un demi-siècle par des peintres et écrivains algériens. Maintenant qu’est sorti du théâtre d’ombres une marionnette robotique qui "(…) n’a pas les capacités physiques et mentales pour diriger", que sa défaite est définitivement enregistrée par le conseil constitutionnel, l’ex-Premier ministre s’estime spolié d’une victoire promise. Ayant acquis, selon des sources bien informées (pour reprendre avec ironie une formule prisée par beaucoup de journalistes), les mêmes garanties qu’en 2004 de la part des patrons du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), il se sera donc jeté tête baissée dans la bataille électorale mais, trop désintéressées et désabusées, les couches moyennes ou actives ne viendront pas en nombre suffisant pour peser sur le cours des événements. La population attendue ne se déplacera pas le 17 avril, refusera la mascarade de l’oligarchie, ciblera cependant ses représentants pendant leurs déplacements électoraux en leur jetant au visage crachats, yaourts et insultes, leur fera ressentir une telle haine qu’ils seront obligés d’annuler ou d’écourter des meetings sous surveillance policière. Souvent accueillis par des jets de pierres et des invectives, ces flagorneurs ou émissaires rebrousseront chemin et rapporteront à la fratrie du Temple un fort sentiment hostile présageant d’un revers imprévu. Cette sensation gagnait en pertinence au fur et à mesure que divers périodiques annonçaient des marées humaines chez le principal concurrent. Le journal El Watan du 09 avril 2014 relatant qu’Ali Benflis captait autour de son projet l’attention de plus de 2500 personnes à la salle omnisports de Tébessa, que le centre culturel de la ville de Souk Ahras était plein comme un œuf, Lahouari Addi reconduisait donc le 08 avril dans le quotidien Algérie News l’idée que l’Armée ait pu demander à Bouteflika de se retirer en douceur à l’avantage de celui qui exhortait "(…) être l’homme de la véritable réconciliation nationale». Convaincu que le quatrième mandat attisait et accentuait la guerre de tranchées, il recommandait le 15 avril 2014 aux officiers supérieurs de préserver "(…) intacte l’éthique de l’ALN", de refuser les tentations aventureuses et d’engager le pays dans la voie d’une transition pacifique. Le sociologue intervenait en compagnie de Djamel Zenati afin que les galonnés assurent une paix sociale alors que leurs rangs semblaient déjà minés par des schismes latents présageant un drame aux conséquences incalculables. L’autre appréhension de Lahouari Addi concernait cette bombe à retardement qu’étaient à ses yeux les futures et inévitables émeutes qui surviendraient suite à la reconduction de Bouteflika. D’emblée surpris par l’annonce de sa candidature, il révélait alors son réel désarroi, un trouble qui lui fera perdre quelques précautions d’usage. Une suite d’arguments l’obligeait en effet à retenir d’abord des enjeux symboliques, l’ex-ministre des Affaires étrangères de Boumediène caractérisant une espèce en voie de disparition, une rareté à laquelle demeurent attachés autant les rentiers de la légitimité historique que ceux de l’import-import, deux entités liguées par les mêmes profits emblématiques et économiques. Disposés à s’entendre assidument sur la distribution du pactole, ils partagent des conventions régulièrement renouvelées au sein d’espaces privés comme le rotary-club et centre décisionnels où se négocient les bons placements, se débloquent les deniers publics à envoyer à des collectivités locales sous administrées. Le nombre de 1.500 municipalités n’ayant pratiquement pas évolué depuis juillet 1962, les Algériens sont assistés par un État non constitué managé de façon aléatoire, voire tribale, et où la notion de citoyenneté flotte au milieu d’une réconciliation nationale sanctifiée parce qu’elle aurait permis d’injecter plus de 20 milliards de dollars, de multiplier par trois les salaires, d’assouvir les desiderata des catégories socio-professionnelles, d’épurer la dette extérieure, d’édifier de nombreuses infrastructures au sein des wilayas, d’attribuer à celles-ci des enveloppes de plusieurs milliards de dinars provenant d’une "boîte budgétaire" dénommée "Fonds national de péréquation", de prendre dorénavant en charge (par la Caisse nationale assurance sociale) les femmes divorcées avec enfants, de revaloriser à hauteur de 12% (depuis le 1er Mai) les pensions et allocations de retraite au profit de plus de 2,5 millions de concernés. Répliquant les mêmes réflexes dictatoriaux initiés par le Front de libération nationale (FLN), les mercenaires de la quadrature du cercle lanceront, pendant la campagne, des oukases à l’encontre de demandeurs de logement ou des créateurs d’entreprises, des menaces qui contrarieront aussi les habitants de bidonvilles craignant l’expulsion. Exigée, la carte d’électeur sera outrageusement utilisée par des voltigeurs se déplaçant dans plusieurs bureaux.
Compte tenu de l’interdiction des sondages, du refus d’assainir le fichier électoral et de confier l’organisation du suffrage à une commission indépendante, des trois millions de voix appartenant à des militaires, policiers, gendarmes, douaniers ou membres de la Protection civile (et leur famille) pris en charge grâce à une manne financière débloquée pour les équiper et les former, des 200 milliards de dollars de réserves de change, de la subvention des produits de premières nécessité (pain, huile ou médicaments), de l'appui implicite des puissances occidentales à un régime aux raideurs bureaucratiques et visées sectaires, l’aspiration de Lahouari Addi ne tenait pas la route. Elle tombera à plat face à une culture politique autoritaire et despotique ancrée dans des archaïsmes ancestraux et suppléée par celle de la magouille, de la corruption endémique de "baltaguia" (nervis) sans scrupules qui se trouvent aux intersections d’une économie mono-exportatrice moribonde et sans dynamisme. Prête à éliminer les contradicteurs ou à les étrangler sur les potences de la terre brûlée, la pègre occupe les arcanes du pouvoir, cimente un exécutif aux ordres, perpétue les spéculations d’arrivistes aucunement préoccupés par l’innovation ou le transfert des technologies mais les manigances gangrenant l'administration publique ou les petits arrangements avec la presse nationale. Conviée le samedi 19 avril à venir dans le salon de l’hôtel El-Djazaïr (ex-Saint-George), une partie d’entre elle recevra des tablettes tactiles (de la part de la direction communication du candidat Bouteflika) pour avoir été conciliante. Sans savoir vraiment si ce fut le cas de Brahim Takheroubt, il nous semble cependant essentiel de rapporter une partie de son article du 21 avril 2014. İl écrivait alors au sein de L’expression que "Spectatrice immuable du vent des révoltes qui a soufflé sur le Monde arabe emportant dans son sillage les régimes de ces pays, Alger nargue les espérances éphémères sachant- d'expérience- que le printemps ne dure que quelques jours. Dans ce tourbillon des révoltes, elle est restée égale à elle-même. À contre-courant de ces soulèvements, l'Algérie a été leur défaite, la défaite de ces révolutions. Elle a fait la sienne, il y a 26 ans, un certain 5 octobre 1988, c'est-à-dire une génération plus tôt que les autres pays arabes. Par le scrutin présidentiel du 17 avril dernier, elle vient d'annoncer un grand virage politique et social au sein du Monde arabe. ». Pour le journaliste, l’Algérie ne sera pas la victime expiatoire d'une histoire prescrite de l’extérieur car elle aura su choisir les raccourcis de la "Famille révolutionnaire". Dans son éditorial "Algérie Basching" du 21 avril 2014, Marwane Ben Yahmed, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Jeune Afrique, minimisait pareillement les séquelles et retards d’une contrée à ses yeux affublée de clichés faussant, par méconnaissance ou paresse intellectuelle, ses réalités sociales, économiques et culturelles. İgnorant l’accusation énoncé envers Hicham Abboud (le directeur et propriétaire du journal Jaridati ou Mon Journal) suite à son papier sur la santé de Bouteflika, le contrôle des e-mail et médias sociaux, les condamnations pour "entrave à la circulation" ou "incitation aux rassemblements", les arrestations et poursuites à l’encontre de dirigeants syndicaux ou la pénalisation de gens qui réclament des informations sur les disparus de la guerre civile ou osent témoigner que les forces de sécurité ont commis des violations de droits humains durant celle-ci, il préférait mettre en exergue des quotidiens libres de déverser leur attaques à l’encontre des septuagénaires et ventripotents généraux, de caricaturer un Président malade et physiquement diminué. Molle, car dénuée de logiques progressistes, la ploutocratie condescendante et obséquieuse use de paternalisme pour mieux complexifier l’architecture du népotisme et des rapines, et par là même la répartition de la paupérisation et des frustrations d’Algériens faisant preuve de débrouille en "dealant" là un permis de construire, ici un appartement et ailleurs un extrait de naissance. Alors que les vitrines des magasins regorgent de marchandises importées, le chômage de masse s’épanche au milieu d’un grand bazar épié par les "choofs" de malfrats verrouillant les réseaux consuméristes d’une ploutocratie rétive à toutes concessions. Obnubilée par le classement des affaires de corruption, elle promettra, via le directeur de campagne, une Algérie "(…) où les droits des citoyens seront légiférés et où les jeunes occuperont une grande place dans la gestion des affaires du pays. », adoptera une rhétorique quasi messianique pour dire que Bouteflika les propulsera au septième ciel en concrétisant "(…) les projets de société de droit dont a rêvé l'Émir Abdelkader et nos chouhada (…)".
Les mystifications, ou nouvelles croyances, gageront en vérité de la rotation interne du même sous l’apparence du nouveau et de la marge bénéficiaire des cooptés de la "Maison-Mère" dont la façade peinte en trompe l’œil consiste à, tel un mensonge qui dit la vérité, valider une alternance purement formelle. Comme la cigale qui a chanté tout l’été, Ali Benflis se trouvera par conséquent fort dépourvu au moment du "dépouillement" car n’ayant pas obtenu le soutien espéré d’une armée qui est depuis l’indépendance au cœur des intrigues politiques et du monde des biseness. L’ex-secrétaire général du Front de libération nationale (FLN) regrettera qu’elle soit restée spectatrice, se contentera de compliment louant sa belle prestation, son comportement digne même s’il refusera les 12,18% synonymes de perte du deuxième tour de manège. Persuadé d’avoir été berné pour la seconde fois, il jugera nécessaire le retour aux urnes, se postera comme le point d’orgue de la contestation permanente, soumettra pour cela son propre plaidoyer et annoncera le 19 avril 2014 un grand rassemblement patriotique au service de la République, un pôle des "Forces du changement" composé du Courant démocratique libre, du Mouvement national de l’espoir, du mouvement El İnfitah, de l’Union des forces démocratiques, du front Ennidhal El Watani, du Front de l’Algérie nouvelle, du Front national des libertés, du Parti national algérien, d’El Adl oua El Bayan, d’El Islah El Watani, d’El Wassatiyin et d’El Fedjr. La jonction des obédiences idéologiques implique de booster et guider une jeunesse cherchant le fil conducteur à partir duquel elle démêlera les nœuds gordiens de l’immobilisme ambiant, se dégagera d’une nauséabonde et nébuleuse gestion par procuration, de l’aporie congénitale et courtes vues des "guestapistes" de la barakah qui la polluent d’enfumages et de hogra. Les yeux braqués sur les cours gravitationnels des hydrocarbures, ces groupes prédateurs de la "pré-bande" et de l’édifice prétorien ont huilé les appareils institutionnels et administratifs qui fourniront les pièces de rechange utiles à leurs rouages capitalistiques. Les réaménagements assurant la survie du nouveau noyau de décideurs-enchanteurs ont été préalablement entérinés par une communauté internationale qui, privée de répondants critiques, n’éprouve aucune raison de s’impliquer au grand jour dans des comportements claniques, de contrarier l’obstination du Roi Ubu engoncé dans son fauteuil parce que la hiérarchie militaire n’a pas su trouver un autre juste milieu ou modus vivendi. Obligée de tolérer le patriarche d’El-Mouradia, elle portera donc encore à bout de bras un handicapé qui demeurera figé sur son trône jusqu’au dernier souffle de manière à conforter une succession automatique actée par legs consanguin. Prévu dans l’optique de rééquilibrer les factions en présence-conflit et de consacrer la sacro-sainte stabilité sécuritaire, le poste de vice-Président ne serait, selon Nacer Djabi, plus d’actualité. Dévoilée en mars, mais apparemment passée inaperçue, la déclaration d’Abdelmalek Sellal sur cet éventuel renoncement élimine donc en principe la seconde hypothèse que nous avions émise dans le texte "Nature et dessous des tables de négociation". (A suivre)
Saadi-Leray, sociologue de l'art
Lire aussi : Un "dépouillement" propice aux convergentes croyances (II)
Commentaires (3) | Réagir ?
merci pour les informations
Merci ! Merci ! La France ; merci de tout coeur de m'avoir fait revenir à la vie.