Quand ceux d’en haut peuvent encore, ceux d’en bas veulent encore !
Beaucoup pensent que dans ce pays, ceux qui gèrent ne décident pas, et ceux qui décident ne gèrent pas, d’où le difficile quotidien des algériens qui affichent leur défiance, pour tout et partout.
Cette défiance est d’abord verticale, et oppose ceux d’en bas à ceux d’en haut ; elle se nourrit d’un sentiment d’abandon, de plus en plus répandu : ceux qui nous dirigent cultiveraient, selon ceux d’en bas, l’entre-soi, sans se préoccuper, ou si peu du peuple. Il serait toutefois naïf de limiter cette défiance aux seuls gouvernants. Certes, elle frappe la classe politique dans toute sa composante mais aussi l’administration publique, les patrons d’entreprises, les journalistes, bref, toute l’élite intellectuelle.
A cette défiance verticale, s’ajoute une autre défiance de type horizontal ; avec l’inflation, la cherté de la vie, les rapports sociaux s’exacerbent et la méfiance, entre pairs, gagne du terrain et met à mal la cohésion sociale. Les syndicats, issus pourtant des classes prolétaires et à leur tête l’UGTA, sont désavoués ; alors qu’ils sont sensés en être les représentants, ils agissent, selon ceux d’en bas, à l’encontre des intérêts des salariés qui souhaitent, sans cesse, l’amélioration de leurs conditions de travail et plus d’argent. Au lieu de se remettre en question face à ce désaveu, les syndicats maintiennent leur discours paternaliste et partant, défendent «leurs acquis» et fréquentent les tripartites, qui se suivent et se ressemblent.
Quant aux gouvernants, ceux notamment composant le nouveau staff ministériel, ils devront, forcément, regarder en face cette catégorie de la population, ceux d’en bas précisément, avec lesquels la rupture, s’ils n’y prennent garde, pourrait, tôt ou tard, être consommée.
L’affronter, dialoguer avec elle, lui trouver des solutions justes et pérennes, c’est accepter l’idée qu’il n’y a pas dans le pays :
· d’un côté, un peuple paisible, qui va aux urnes, qui applaudit car content de son sort, semble-t-il
· de l’autre, un peuple frondeur, abstentionniste, qui rejette tout en bloc au motif que «tous sont pourris».
En fait, il s’agit de deux segments «intermittents» d’un même peuple appelés autrefois «forces vives de la nation», qui en réalité travaillent beaucoup, pour peu de choses, et souffrent aussi, énormément, du fait d’un quotidien de plus en plus difficile.
Ceux d’en haut n’ont pas de soucis à se faire, non seulement pour le quotidien mais aussi pour le lendemain, car ils détiennent la rente dont ils consentent, de temps à autre, à ouvrir les vannes, soupape de sécurité oblige, comme en 2011, ce qui a permis d’apaiser, un tant soit peu le front social irrité par le relèvement intempestif du prix de certains produits de première nécessité.
Bien avant, en 2008, l’embellie pétrolière a suscité des augmentations de salaires en masse, et quelques effacements de dettes, ce qui a donné du répit à ceux d’en haut. Aujourd’hui, la prudence est peut-être de mise même si l’on continue à recenser encore, chez ceux d’en bas, des mécontents, des angoissés, des sans emploi ou des sans moyens suffisants pour vivre.
Aujourd’hui, ceux d’en bas en veulent encore, et pour cause, il y a eu beaucoup de promesses durant cette campagne électorale ; ils pensent qu’il est temps pour eux de passer à la caisse. Comme ces travailleurs de la laiterie de Birkhadem qui ont dénoncé une précarité sociale et exigent la révision, à la hausse, de la grille des salaires allant de 40 à 60%. Dans l’affaire, 4 millions de consommateurs de lait, produit de base faut-il le rappeler, ont été pris en otages dans ce duel Colaital/travailleurs. Il y a eu aussi les travailleurs de l’unité Lafarge Béton Algérie de Keddara, qui ont observé le 26 avril dernier un rassemblement devant le siège de la Direction Générale pour dénoncer la dissolution de leur unité et le licenciement d’une quarantaine de leurs camarades. La contestation a, semble-t-il, gagné du terrain chez les cheminots qui menacent de débrayer. Pendant ce temps-là, chez ceux d’en haut, on présente le nouveau gouvernement, sans couleur partisane et technocrate comme se plaisent à l’appeler certains.
Ce gouvernement a été mis en place dans un contexte de crispation et de méfiance, traduit entre autre, par le refus de partis comme le FFS, le PT et d’autres de rejoindre l’équipe de Sellal. Certains analystes lui prédisent une courte vie : juste ce qu’il faut pour préparer la réforme constitutionnelle promise par le Président de la République. De ce qui précède, la formation du gouvernement n’a pas surpris ceux d’en bas : les mêmes personnes sont restées ont-ils dit. C’est vrai pour les détenteurs des ministères de souveraineté. Cela l’est moins pour les ministres issus du monde du «professorat» qui apprendront, plus vite qu’ils ne le pensent, que ministre ce n’est pas uniquement les dorures de la République ; eux les technocrates seront très bientôt confronter à la réalité de ceux d’en bas, comme par exemples :
- Les travailleurs de l’éducation qui n’observeront aucune période de grâce pour présenter à madame la ministre l’ardoise laissée par son prédécesseur
- Ceux de la santé qui aimeraient pour cette fois-ci entendre des choses qui raisonnent bien dans leurs oreilles
- Ou encore les agents de la fonction publique qui espèrent «passer très vite à la caisse» maintenant qu’on leur a affirmé que l’article 87 bis a été abrogé par décision présidentielle.
Comme on voit, ceux d’en bas, après avoir voté pour un bilan et un programme, ou même en s’étant abstenus, veulent qu’on leur parle maintenant de leurs priorités : emploi, logement, école, justice, libertés individuelles etc. Ceux d’en haut, et les nouveaux du gouvernement sont, d’ores et déjà avertis ; qu’ils prennent garde au décalage entre les promesses électorales et ce qui est possible de réaliser ! S’ils veulent durer, ils seront, peut-être, obligés de ruser voire même d’appliquer ce principe : pour gravir les échelons, il faut prêter serment non pas au peuple et à la nation, mais à ceux qui détiennent les clefs de la réussite de leurs carrières comme les lobbys politiques et les groupes de pression financiers.
En tous les cas, leurs échecs politiques, si éprouvant pour ceux d’en bas, sont des réussites aux yeux de ceux dont la devise est «ordo ab chao» ; ce n’est pas un hasard si, de façon systématique, les gouvernements successifs laissent le pays dans un état pire que celui qu’ils trouvèrent à leur arrivée. Beaucoup d’ailleurs partent sans laisser de bilans au grand dam de ceux d’en bas, dont ils sont sensés tirer la légitimité.
C’est valable aussi pour les formations politiques, qui perdent tout crédit, notamment celles qui n’apparaissent que lors des élections et qui cessent toutes activités dès que les lumières s’éteignent. Il y a, également, toutes ces personnalités dites «nationales» dont les efforts de positionnement ne sont, en fait, que des tentatives de rapprochement du pouvoir et donc de la rente. On l’aura compris, pour ceux d’en haut, le souci réside dans la nécessité politique de se placer, ensuite de faire le moins de mécontents possibles pour durer ; et ça, tous les walis promus savent le faire, d’où l’intérêt du Premier ministre qui, en plus des deux nouveaux, a reconduit les quatre qu’il avait dans son équipe :
- Le ministre de l’Enseignement et de la Formation Professionnels qui aura à charge de régler «l’adéquation formation-emploi»,
- Ou le ministre de la santé, qui en plus de devoir dynamiser son secteur, de l’apaiser compte tenu des soubresauts qui l’agitent, sporadiquement, devra aussi faire la police eu égard aux détournements de médicaments, dont la presse a fait état,
- Ou encore le ministre de l’agriculture, qui aura à accorder ses violons avec son collègue du commerce concernant la maitrise des prix des produits agricoles notamment.
- Ou enfin, l’ex-ministre chargé de la réforme du service public, ministère transversal nous a-t-on affirmé à l’époque où on nous parlait de «bonne gouvernance» ; espérons que le ministère de la jeunesse ne connaitra pas le même sort, car lui, il sera, vraiment, transversal dans la mesure où tous les départements ministériels auront à prendre en charge les besoins des jeunes (emploi, habitat, éducation, santé, sport, loisirs et)
Concernant l’inamovible ministre de la culture Khalida Toumi, son départ du gouvernement a étonné «Gorgone» qui n’en finit pas de grimacer sous son masque, à la nouvelle ! Les syndicats et l’administration, eux, luttent pour maintenir leurs privilèges. A croire que ni les uns ni les autres ne veillent réellement aux intérêts des citoyens, même s’ils n’ont aucun scrupule à ce que ces derniers les fassent vivre grâce à l’argent de leurs impôts.
Et les citoyens ont en marre ! Car ils ont l’impression qu’ils payent pour leur protection, mais personne ne les protège de leurs prétendus protecteurs. Et les grèves ne tarderont pas à se transformer en fronde, surtout quand on vient à dire à ceux d’en bas que «l’Etat providence, c’est fini !».
Cherif Ali
Commentaires (3) | Réagir ?
Gouvernement? Bizarre depuis quand l'algérie a été gouvernée ou avait une gouverne, franchement un ramassis régionaliste et tribal de Bouteflika travesti en gouvernement technocrate et féministe: Est ce qu'on appelle gouvernement Sellal.
Ne nous attardons pas là dessus, c'est la nouvelle algérie qu'on attend pas un semblant de "gouvernement" Boutéflikiste.
Ils peuvent continuer à partager entre eux les richesses de ce pays, pas plus, si ce n'est d'acheter d'autres biens immobiliers ailleurs, d'ailleurs certains ont commencé il y a longtemps quand ils étaient Walis, quelle écurie d'Augias est devenue l'Algérie.
Aoujourd'hui le pouvoir a les moyens (ARGENT, POLICE, GENDARMERIE, DRS, MOUSSANIDOUNE)
pour controler cette societé, mais dans 10 à 20 ans quand la démographie montera et les ressources deviennent rares parce qu'on sait rien faire à part signer des contrats avec des étrangers, ce jour là L'algérie se divisera toute seule c'est la loi de la nature et chaque région choisira son DEY et sa culture et son école.