Face au pouvoir, choisir le terrain de confrontation
Mezdad Meziane, originaire du village Ait Anane de la Commune des Ait Zmenzer, tenu pour être l’auteur de la vidéo qui a amené le patron de la police à diligenter une enquête sur le comportement des policiers à Tizi-Ouzou, se trouve en détention depuis le 21 avril. L’information divulguée aujourd’hui a de quoi inquiéter. Qu’est-ce qui peut justifier l’interpellation de ce citoyen, dont la vidéo témoignage a été corroborée par deux autres documents.
Cette incompréhensible interpellation renforce les craintes exprimées par de nombreux militants qui alertent sur des manœuvres occultes qui cherchent à l’embrasement de la région.
Que vont-ils reprocher à cet Algérien ? Son témoignage sur des exactions avérées que même le communique de la DGSN réprouve ? Quel chef d'inculpation vont-ils lui signifier ? "D’exposer et de porter atteinte à la sureté de ripoux" ? Vont-ils le tenir pour responsable du réflexe de défense adopté par des citoyens qui mettent à l’index les sbires qui s'érigent en public en tortionnaires et en barbouzes ? L’exigence d’identification de ces mercenaires est un acte de salubrité publique.
La vidéo de Mezdad Meziane, corroborée par d’autres, dévoile au grand jour le déshonneur dans lequel périclitent les institutions nationales. Il reste que ce n’est pas une première en la matière[1]. Déjà, les événements de Taghardayt avaient attesté de graves dérives dans les pratiques répressives. Le jeune Hadj Saïd Khaled a rendu l'âme dans des conditions non encore élucidées qui incriminent fortement les forces de police. Comme c’est le cas à de Tizi-Ouzou, la vérité a éclaté par le biais de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. L’autre similitude est que le DGSN a dépêché une commission d’enquête. Celle-ci a, en bout de compte, arrêté des mesures disciplinaires totalement en deçà de la gravité des faits.
Sur cette question de la répression policière, il faut dire que contrairement à ce qu'a avancé Mohamed Chafik Mesbah au micro d’El Kadi Ihsane, sur le plateau de radioM [2], dans le cas où le peuple descend dans la rue, ce n'est pas à l'armée qu’il aura à faire. Elle est bien trop disséminée, fixée et mobilisée aux frontières. Il est d'ailleurs à se demander si le véritable objectif de la pseudodoctrine de sécurité nationale ne vise pas plutôt la neutralisation de l'ANP que la neutralisation des dangers qu'encourt la nation. Cette doctrine aboutit à une dissémination handicapante des unités de l’ANP. Pour que celle-ci puisse s'interposer entre la population et les appareils répressifs – exemple tunisien et égyptien (?)- il faudrait qu’elle s'invente d'autres effectifs que ceux qui sont immobilisés, aux quatre points cardinaux, par la « lumineuse » doctrine de défense bouteflikienne.
Il est tout aussi faux de considérer, comme le fait l’invité d’El Kadi Ihsen, que l’extraction populaire des personnels de la police et de la gendarmerie parerait à une répression sanglante.
M. Mesbah semble vouloir encourager la population à investir la rue, de là s’impose une interrogation : cet encouragement découle-t-il seulement de ses analyses, ou bien traduit-il les vœux secrets de ceux qui sont dans le collimateur d’Abdelaziz Bouteflika et qui n’ont pas su, ou voulu, mobiliser les dispositions de l’article 88 de l’actuelle constitution ?
Le constat est là, les appareils sécuritaires sont dans une attitude de défiance à l’égard de la société. Le 6 avril passé, à l’occasion du meeting d’Abdelmalek Sellal à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri, ils avaient procédé à des dizaines d’interpellations «préventives»[3]. La provocation policière à l’endroit des marches du 20 Avril ne fait que confirmer cette défiance. Pour autant, et quels que soient les mécanismes occultes en œuvre, la responsabilité du wali et du procureur général est engagée. Si, tel que le suppose le politologue Mohamed Chafik Mesbah, le wali subit des pressions pour durcir sa poigne, la seule sortie honorable qui lui est offerte est celle de la démission. À défaut, et s’il ne consent pas à embraser la région ou à soumettre la région, il est à parier qu’il figurera parmi les victimes de « la réunion de juin » annoncée depuis des mois par M. Tayeb Belaïz.
Que faire dans ces circonstances ? Que faire face à la provocation ?
La raison veut qu’en pareilles circonstances, l’impératif qui s’impose soit celui de l’union qu’il faut de la manière la plus large entre les forces démocratiques. Une union qu’il faut consolider dans l’action. Aucune force, dans ces conditions concrètes, ne peut faire cavalier seul sans conforter les plans du pouvoir. Soyons clairs. La question n'est pas d'éviter la confrontation avec le système et le pouvoir qui l’incarne. Elle est de la refuser dans les conditions qu’il veut imposer. Il faut réussir à déplacer le terrain de confrontation de là où il lui est le plus favorable - la violence – pour le situer là où il lui est le plus défavorable - le politique et la mobilisation populaire. Le communique du wali alléguait de risques de confrontations entre les acteurs du Mouvement culturel, il faut démentir cette affabulation et afficher l'union sacrée qui lie les acteurs du MCB.
Qui parmi eux va avoir la suicidaire attitude d'être le faire-valoir du bouteflikisme qui cherche l’embrasement général pour imposer ses solutions honteuses ? Qui va prêter le flanc à l'escalade dommageable à toutes les forces populaires ? Les réponses sont à trouver dans les quelques prochains jours.
Mohand Bakir
Renvois
[1] L’assassinat de Hadj Said Khaled à Taghardayt est un grave précédent. http://goo.gl/ZnEBuH
[2] http://goo.gl/Sk7YpZ
[3] http://goo.gl/4tPbEn
Commentaires (3) | Réagir ?
On ne comprend rien à ces mouvement de ceci de cela qui naissent comme des champignons...
Que s'est-il passé avec mouvement BARAKAT ? même pas un souffle depuis que Boutez est réélu...
A chaque arrestation il faut organiser une marche pour la liberation immediate. les marches les ennervent, et à force ils vont ceder.
Juste une derniere chose, contre ces violences barbares n'allez pas supporter l'equipe nationale de football.