Moncef Marzouki écrit en 2009 (1) : "J’ai eu récemment un débat contradictoire sur la chaine internationale Al Jazeera avec un général égyptien, ancien vice-ministre de l’Intérieur. Devant 40 millions de téléspectateurs, ce général a menacé de me couper la langue parce que j’avais «osé» affirmer que la police était au service d’un pouvoir corrompu et que sa fonction n’est pas de protéger la société contre le crime organisé mais, au contraire, de protéger le crime organisé contre la société, à savoir : la corruption financière, les meurtres politiques, la falsification systématique de la volonté populaire par la manipulation des scrutins et des urnes etc. Ce qui est le plus intéressant, c’est la manière dont les téléspectateurs ordinaires ont réagi à ce débat: sur les blogs, les sites Internet, les forums etc. La majorité des téléspectateurs d’Al Jazeera crachaient littéralement des injures à l’égard de ce général égyptien. "Tout le monde répétait à l’envi, si cet homme menace de couper la langue d’une personnalité connue et respectée devant des millions de téléspectateurs qu’est-il capable de faire à un pauvre citoyen lambda dans les sous-sols de son ministère ?" Le plus intéressant c’est que le général ne parle que de lui couper la langue, alors qu’on sait que Marzouki est plus dangereux avec sa plume qu’avec sa voix. Le célèbre opposant à Ben Ali a eu la chance de survivre au système. Président, il est devenu plus prudent même si on voit mal l’armée tunisienne lui faire subir le sort d’un Boudiaf. En toubib, il l’affirme : "la dictature est un mode d’organisation pathologique et pathogène."

Mais il y a dictature et dictature, Bourguiba n’est pas Boumediene ni Ben Ali Bouteflika. Le dosage fait le médicament et le poison. Sans pétrole, la Tunisie devance dans tous les classements l’Algérie et nombreux sont les nationaux à s’aventurer avec leurs enfants le temps des vacances malgré l’"instabilité" politique du voisin. Marzouki est un rêveur quand il parle de la majorité des téléspectateurs branchés sur le net à cracher…On se rappelle la main tendue d’un Boudiaf déconnecté, aveugle au rideau derrière lui. Le politiquement correct Alexandre Adler(2) dit de lui : "Parce qu’il était demeuré un adolescent aussi vigoureux que fiévreux, Boudiaf crut pouvoir s’émanciper trop tôt de ses partenaires militaires et autoritaires dont il aurait dû ménager les intérêts. Il en mourut, glorieusement, lamentablement…" Darwin le disait, il faut s’adapter pour survivre et on ne s’adapte pas sans cocufier un peu la nature tout en lui obéissant comme le conseillait Francis Bacon au 16e. C’est la minorité d’une minorité, une jeunesse «hybride» pas du tout ordinaire, branchée sur le net dans l’espoir de changer le monde arabe. L’autre s’en remet au virtuel pour briser une solitude une ségrégation, perpétuer l’espèce : rencontres, sexe. Heureusement que la sagesse hilalienne y veille : Israël possède plus d’internautes que toute la Grande Ouma. On en conclut que la majorité de la jeunesse musulmane n’a pas accès au virtuel et se contente du matraquage des ondes de la télé officielle et pseudo privée. Al Jazeera sort du lot en sultane diabolique, "arme de destruction massive" du Qatar, ce nain rebelle qui détrône le père au bénéfice du fils. Mais quand on a plus de 50 rejetons mâles à l’image de l’Arabie Saoudite, l’astuce c’est de laisser l’aîné grabataire mourir sur le trône frisant son centenaire, malade et maintenu artificiellement en vie grâce à la science des Infidèles. Fascinant pour l’oligarchie algérienne, hélas la copie n’est pas l’original.

En Arabie, les authentiques Arabes règnent sur leurs semblables, l’histoire amputée reste vraie et la Kaaba en est le meilleur témoin. En Algérie, on ne sait pas d’où on vient où on va et qui sont nos compagnons de route. La Syrie n’est pas tombée parce qu’elle a des amis sûrs et il suffit aux USA de s’entendre avec l’Iran pour qu’elle renaisse de ses centres, c’est en voie. Quels sont les amis de l’Algérie ? Quel pays arabe, musulman, européen, asiatique africain et même maghrébin viendra à son aide si un jour … ? Le seul projet réussi : la chute qui n’en finit pas. Au lieu de partir avec le magot, ils s’acharnent telles des hyènes névrosées sur des os desséchés quitte à prendre le risque de s’étouffer avec. Leur cible, les jeunes manipulables à souhait, chair à canon ou canon tout court. Quant aux adultes, c’est déjà vieux, on voit ce qu’un A.V.C peut faire au Père de la Nation avec tout le Val de Grace et la rente mirifique. Que dire quand on sait que ce mal touche des milliers sur un million de personnes chaque année s’acharnant additionné ou en concurrence avec d’autres maladies qui frappent la populace dans un système de santé qui ne fait le bonheur que de la maffia et les petits bobos des je-m’en-foutistes … Leur cible prioritaire : démolir la «puce» Facebook. Grâce aux experts américains, ils sont en mesure de surveiller ralentir stopper le fatras virtuel. Beaucoup d’inconscients ont laissé leurs doigts parfois la vie en tapant imprudemment sur leur clavier malgré le pseudo. Et dire que ce site a été crée par un étudiant en organisant un concours de beauté à l’université, il a remarqué que ses camarades votaient plus pour la fille qu’ils connaissent que pour son sex-appeal. À Paris, en mission pour le 4e mandat, les deux compères Amar Ghoul et Amara Benyounès inventent comment défoncer les portes qui n’existent pas : "Bouteflika vous offre tout…une aide de 100 000 euros par projet et par personne…", clame le premier tandis que le second ironise : "Restez calmes, c’est la minute Facebook… Nous en avons fini avec la rue… Ils ne sont pas plus de dix personnes dans les meetings, leur seule manière d’exister, c’est de venir dans nos meetings pour les perturber. On verra le 17 avril." Le multimilliardaire fossoyeur de l’autoroute Est-Ouest, ajoute «des privilèges exceptionnels pour les médecins,… aides aux familles démunies… logements… bourses et stages en Algérie aux enfants d’émigrés etc.» Le "Loup" ne précise pas comment remplir la hotte Papa Noël, est-ce avec le flot du pétrole qui fait ses caprices, le gaz de schiste qui vient en Terminator ou les "économies" faites sur le projet "pharaonique" qu’il a supervisé et qui a au moins l’avantage d’équilibrer la natalité à la mortalité routière ?

Quant aux privilèges exceptionnels des toubibs, ces petits génies d’hier qui décrochent le Bac avec mention qui font médecine et atterrissent dare-dare chez «França», on estime leur nombre par milliers à Paris malgré le diplôme national qui remet automatiquement le compteur à zéro de leurs connaissances. S’est-il au moins demandé pourquoi ils partent alors qu’ils sont mieux lotis que tous les autres diplômés et que dans leur domaine la demande nationale est abyssale. Quant aux bourses pour étudier au bled, c’est une blague, on l’aura comprise. Pour les logements, aides pour familles, on a l’impression d’entendre le maire de Paris ou carrément le Ministre de l’Intérieur français. On n’imagine pas que le staff présidentiel s’adresse aux sans-papiers aux harragas, mais il a l’étalon-roi, l’argent et la capitale de Voltaire en manque cruellement au point de faire d’Alger la priorité de Hollande à peine élu. Pour le reste, tous les meetings se sont déroulés comme au bled avec une revendication surprise et absente des promesses bouteflikiennes : «Billets ! Billets !» À Alger on traduit : Visa ! Visa ! Il fallait illico baisser le prix des billets d’Air Algérie quitte à rectifier plus tard comme toujours. Nos émigrés seraient tombés comme des mouches et si on élargissait la Repentance aux harkis, c’est toute la France qui se mettrait à l’heure Bouteflika. À l’expression «bœufs-tigres» on ajouterait en carton, 15 ans de règne absolu avec Ali Baba au service de la Grotte et ne trouver que de tels ploucs pour mener une campagne acquise dans un fauteuil roulant ou au fond d’un cercueil. Quant à la «minute Facebook» c’est trop d’honneur, on aurait dit microseconde avec générosité. Dix face à des milliers qui arrivent à perturber le meeting avec pas un clou rien à donner que de la sueur et du sang dira Churchill qui avait les Alliés les joyaux de la Couronne et Einstein en prime. Si au moins on pouvait les corrompre, les infiltrer et encore, il faut trouver leurs pareils en QI, ce n’est pas facile, l’école algérienne a trop bien fait le boulot. Ces têtes brûlées sont nées dans l’opposition dans le refus dans la tourmente des familles agitées inutilement plus près du cimetière et de l’exil, ouf ! On dit que les souffrances provoquent la noyade ou ramènent au rivage. Mais aujourd’hui qui va se noyer qui va être sauvé, personne ne le sait, mais tous sont conscients du non-retour depuis 1962 et du virage imminent à l’intérieur du virage mondial. Un trou noir dans le Trou noir. Avant, on pouvait «s’extasier dans le désert, sans se demander comment y vivre, comment y mourir, sans se poser la question de savoir comment jouir du temps et de sa perte. C’est le lieu même de l’inespérance"(2).

Aujourd’hui, notre magnifique Sud est devenu le lieu même de notre trépas. Alimentant le bulldozer du pouvoir qui à force de broyer sans relâche a pris conscience qu’un microscopique grain de sable peut faire peur. Offrir le billet gagnant de la loterie française aux jeunes des cités va-t-il suffire à terrasser la "puce" Facebook. C’est bien de suivre les conseils des frères qataris et saoudiens qui vous ont devancés et vous ont sauvés du printemps arabe grâce aux djihadistes à la double nationalité. Béni soient le terrorisme de l’Ouma et la Suisse des Infidèles. ! Sur Bouteflika, Adler écrit : "Il revint d’un long exil dans les Emirats, pleinement réconcilié avec l’Amérique. Ce libéralisme politico-économique nouveau faisait néanmoins bon marché de la laïcité et de la reconnaissance du berbérisme, fort qu’il était d’une alliance extérieure saoudo-américaine…" Sur le roi Abdallah, il ajoute : "A Langley, siège de la CIA, on préférait la faction de ses demi-frères les Soudaîri, qui subventionnaient l’intégrisme à coups de pétrodollars en Algérie, en Egypte, au Yémen…et bien sûr en Afghanistan, mais garantissaient le maintien dans son splendide isolement, de l’Arabie Saoudite"… Sans oublier les promesses du marabout Sellal avec sa caisse spéciale pour divorcées à l’égalité des femmes et des hommes en passant par le miracle, Mascara se muant en Californie rien de moins. Et l’autre lièvre-candidat-âne qui réplique qu’aider financièrement les femmes divorcées c’est encourager les divorces. L’égalité, c’est dépassé, personne n’y pense personne n’y croit ni les pros ni les antis ni les zombis. Pour que Mascara devienne la Californie, il faut faire appel à nos Saints patrons appeler les sorciers africains en renfort et pourquoi pas y ajouter le culte du vaudou. Malheureusement les frères wahhabbis ont détruit tous les mausolées, rasé les vestiges du passé, liquidé tous les illuminés qui n’ont pas l’aval du Réseau qui seul relie la terre au ciel. Quand on tape Google Mascara, on lit : un seul aéroport fermé, des vestiges humains datant de 400000, In Khaldoun a commencé là ses Mokadema, des vins primés en 1858, riche en maquis du FLN puis du GIA, en 1994 le séisme de 5,6 tue 171 personnes. Pour Google Californie pêle-mêle : 1e PIB des USA, 1e pour l’agriculture, 40% de son territoire recouvert d’arbres, universités prestigieuses, pôles de technologie de pointes fournissant ¼ des brevets américains, pétrole, or, minerais ; 13,4 millions de touristes par an, la plus grande concentration d’éoliennes au monde, la plus grande installation solaire au monde, 2e état exportateur des USA après le Texas etc. Au niveau national ce géant n’est représenté que par deux sénateurs et 5 députés. On ne sait pas combien de députés et sénateurs représentent Mascara, mais qu’importe, on sait qu’ils sont bien payés pour figurer consolés sur la liste des "ruines". Cette campagne a au moins le mérite de révéler l’ampleur du désastre de la classe dirigeante à la verticale et l’horizontale. On dit que les USA ont pris de la distance avec l’Arabie Saoudite non pas à cause du 11 septembre ni du fiasco syrien, mais bien à la suite de l’espionnage de la NSA, National Security Agency (l’agence nationale de la sécurité) qui leur a révélé les graves conflits à l’intérieur de la famille royale et la corruption endémique. Bien sûr, ils savaient. Dès le début, Ibn Saoud lui-même se plaignait aux Anglais du manque d’argent qui ne lui permettait de prendre que deux nouvelles épouses par an alors que la tribu crevait de faim. Mais aujourd’hui, on a beau tricher sur ses réserves, on ne trompe pas les scientifiques, le pétrole s’épuise même sous les Lieux Saints et le pèlerinage coûte cher.

On le constate avec l’alerte lancée par le FMI sans attendre l’après-vote pour conseiller aux Algériens plus de modération question gaz et électricité. Il conseille à l’Etat de réduire ses subventions à l’énergie. En un mot on va payer plus cher les trésors du sous-sol dont la rente n’a jamais été ni redistribuée ni investie ni préservée tout juste dérobée. Voilà qu’on nous rappelle à une citoyenneté raisonnable sauf qu’on n’est pas en Europe. En Algérie indépendante, de mémoire d’homme, il n’y a eu que des sujets livrés à la jungle de la débrouille, il faut aller chez les ex-colons pour savoir ce que le social veut dire. Jusqu’au 17 avril, le temps est suspendu, pourtant ce n’est pas les problèmes qui nous manquent ni les peurs qui nous hantent et qui n’effleurent aucun responsable aucun candidat aucun supporter aucun «élu» aucun chaouch : le cancer qui frappe chaque année des dizaines de milliers de nouvelles victimes, ces épidémies qui se multiplient et avancent inexorablement, aux changements du climat, au nombre hallucinant de voitures tournant en rond sur des routes sabotées ou en chantier, à la sécurité des enfants qui transforme les parents en garde-corps, aux pénuries cycliques, aux prix qui augmentent en catimini, au niveau zéro des loisirs de la verdure au matraquage de l’Unique et ses avatars et aux poubelles qui rétrécissent. Sont-elles étudiées pour qu’on avale l’excédent ? Sans parler de ces déséquilibrés qu’on manie telle une pâte déjà modelée, grise sans intérêt, mais ô combien dangereuse pour la masse. Voir un match de foot et mourir le mégot à la bouche, rêver de houris le cœur entre mosquée et parabole, se jeter à la mer ou participer à la curée en piétinant père et mère. "Eveillés, ils dorment",disait Héraclite et Camus précise : "Que la vie soit libre pour chacun et juste pour tous." Nous n’avons jamais été éveillés, jamais été libres encore moins dans une société juste, nos magistrats vous certifieront le contraire la main sur le Livre, les deux s’ils sont faussaires.

Jusqu’au 17 avril, les Engraissés jusqu’aux neurones vont nous gaver de promesses. Que pèse la minute Facebook face à l’éternité accordée au Raïs par ses pairs ses serviteurs et adorateurs ? Sérieusement quand le gourou dit Bouteflika vous a tout donné, ingrats que nous sommes on veut des précisions sur les cadeaux de son règne à part les honteux classements internationaux. Mais si c’est sa Majesté qui l’affirme, n’oubliez pas c’est une victime de l’A.V.C, Dieu nous en protège, les docteurs parlent d’amnésie, de démence, de paralysie et autres calamités. Si par contre, on aborde la victoire sur le terrorisme, c’est vrai. Quel héroïsme pour le stopper, il a suffi aux gérontocraties-amies de fermer leur bourse et s’assurer du nouveau calife pour "panser" les plaies et constater les résultats sur place. On se demande combien tiendra un pays comme les USA si la Russie ou pourquoi pas l’Arabie Saoudite en un acte désespéré endoctrinerait et financerait tous les serials killers les dingues les exclus pour y mettre le feu. Il a suffit quelques couteaux de cuisine pour faire le 11 septembre… Le système algérien a de la chance de régner sur une populace bâtardisée obsédée de plaire au sérail. Elle est née avec le dos courbé par les déboires de son passé ne souhaitant qu’une survie avec un minimum de souffrance. Elle s’est laissé saigner par ses propres enfants reprogrammés par des prêches-kalachnikov pendant que la ruée vers l’or faisait d’une enjambée mille. En Egypte où ils sont trois fois plus nombreux avec trois fois moins de pétrole, pays des Frères musulmans, il y a une violence d’hommes clairement affirmée pour le pouvoir, pas de spécimens qui se faufilent la nuit pour massacrer enfants femmes vieillards par centaines. Bentalha n’existe qu’en Algérie. Depuis plus d’un siècle, on subit l’insupportable sans réagir : nos vrais moudjahidines remplacés par des faux, nos héros assassinés ridiculisés, nos martyrs déterrés à tout-va par des vampires, notre jeunesse étouffée, expulsée, remplacée par de la graine périmée assassine.

Et en sus, c’est le loup qui crie au loup, à la fin du monde, au réveil du dragon psychopathe qui sommeille dans le troupeau s’il dédaigne le Sacre du Lion. La Fontaine raconte la fable, celle du renard qu’une poule aurait pris. Notre mal est trop profond et votre folie est sans limite. Vous voulez notre bien malgré nous, on espère que vous partirez malgré vous. Le bon sens le dicte avant que la situation ne nous échappe à tous les deux si elle peut vous échapper quand on lit que pour la seule année 2013, vous avez devancé Israël pour l’achat des armements. Vous avez pensé à tout, alors il faut conclure comme la chanson du déserteur : "Vous pouvez tirer, on n’a pas d’armes."

Mimi Massiva

Renvois

(1) Dictateurs en Sursis (Moncef Marzouki)

(2) Le Jour où l’Histoire a Recommencé (Alexandre Adler)

(3) El Watan 7 avril 2014

(4) Yves Simon