OMC : la persistance de l’Algérie est troublante
Louisa Hanoune, leader du parti des travailleurs et dans un de ses meetings, avait dénoncé l’empressement du gouvernement de rejoindre le club de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) avant les élections présidentielle d’avril prochain. Le ministre du Commerce précise t-elle applique son agenda comme s’il était sûr des résultats de ce scrutin.
Il est clair que la candidate pointe du doigt la dernière réunion de Genève et à l’issue de laquelle Benada a reconnu que l’Algérie doit encore faire des efforts, soit concéder, en raison des contraintes objectives qui découlent de son statut de pays en développement et qui persistent. Il faut préciser que rien n’est fait pour lever justement ces contraintes. Bien au contraire l’accord d’association avec l’Union Européenne va encore complexifier la démarche de cette adhésion eu égard du volume des transactions commerciales que l’Algérie entretient avec cette région du monde. En plus, elle vient d’être classée 120 éme sur 138 pays analysés dans le cadre de facilitation des échanges commerciaux. En effet, The Global Enabling Trade Report 2014, qui compare les performances de 138 pays dans quatre domaines liés à l’accès aux marchés, l’administration aux frontières, les infrastructures et l’environnement opérationnel. Les initiateurs de ce type de rapports intègrent très peu, dans leur démarche, l’intérêt des pays en développement et se placent plutôt du point de vue des pays industrialisés, il n’en demeure pas moins que l’Algérie est sérieusement épinglée pour ce qui concerne le développement des infrastructures, l’accès aux marchés étrangers, la compétence logistique, la disponibilité et l’utilisation des TIC, l’environnement opérationnel, l’indice de protection de la propriété et l’administration aux frontières. Cet indice de facilitation des échanges commerciaux, utilisé dans le rapport, révèle que les grandes économies émergentes du monde rencontrent d’énormes difficultés dans leurs efforts pour faciliter les échanges et passer au stade supérieur de développement. Parmi les pays du BRIC, la Chine, principal exportateur mondial, se classe à la 54e place sur 138 économies et devance de peu l’Afrique du Sud (59e position), le Brésil (86e), l’Inde (96e) et la Fédération de Russie (105e). Parmi les obstacles usuels aux échanges dans les pays en développement et émergents figurent, selon le rapport, la bureaucratie aux frontières, la corruption, les déficits en matière d’infrastructures et les faibles niveaux de sécurité. Par ailleurs, la plupart des économies avancées appliquent, selon le rapport, de faibles droits de douane sur les importations, mais certaines, telles que la Suisse, la Norvège et les membres de l’UE conservent des régimes douaniers complexes au sein desquels il est difficile de se retrouver, notent encore les rédacteurs du rapport. En quoi consiste justement cette adhésion ? Quels en sont les enjeux ? Au state actuel des réformes, quel avantage l’Algérie devrait-elle tirer en rejoignant cette organisation ?
1-Pourquoi une OMC
Historiquement l’accession dans les organisations politiques sociales et juridique comme l’ONU, le BIT ou l’UNESCO est plus facile que celles du type commercial qui fonctionnent à la manière d’un cercle restreint où les membres doivent suivre des procédures complexes et sont acceptés au cas par cas. Ces pays sont acceptés soit pour commercer des biens (GATT), de services (GATS), de réglementation des investissements étrangers (TRIMS), de propriété intellectuelle liée au commerce (TRIPS) et de standards internationaux (OTC et SPS). L’Algérie pour des raisons tout à fait déconcertantes rêve de s’engager dans le processus d’intégration au système commercial multilatéral depuis juin 1987. Mais, en réalité, les négociations ont commencé à se concrétiser à partir de la présentation par l’Algérie de son aide-mémoire du commerce extérieur en juillet 1996 puis de la tenue de la première réunion du Groupe de travail en avril 1998. La période allant de juin 1987 à juillet 1996 ayant été marquée par un seul acte, le dépôt de la demande d’adhésion. L’ouverture tous azimut d’un pays dans la sphère du commerce international trouve son origine dans la théorie développé par David Ricardo en 1817 et qui se base sur l’avantage comparatif qu’un acteur possède soit sur ses ressources soit sur son savoir faire soit sur tout autre facteur que l’autre n’a pas et qui justifie l’échange. Donc, un pays, exportant un bien pour lequel il jouit de cet avantage comparatif, a tout intérêt à adhérer au régime commercial de l’OMC dont la logique repose sur l’accroissement des exportations dans le respect du principe de réciprocité. Ainsi, l’appartenance à l’OMC sécurise l’accès aux marchés pour les exportations d’un pays, celles-ci bénéficiant désormais des droits en vigueur au niveau multilatéral. De façon symétrique et partant du fait que l’un des effets de la procédure d’accession est la baisse des tarifs douaniers et des barrières non tarifaires, il peut en résulter une baisse du coût des importations. Le processus peut aboutir à un abaissement du coût des intrants et des biens intermédiaires importés par le pays. C’est pour cela que le requérant doit se mettre en conformité avec le régime de l’OMC, le processus comporte un biais en faveur des pays du groupe de travail qui ont l’exclusivité de la proposition. Le répondant doit prouver aux membres sa capacité à se mettre en conformité avec les dispositions de l’OMC et à réduire le niveau de protection de son économie. Par ailleurs, le régime de l’OMC constitue une garantie pour les opérateurs économiques internationaux quant au respect des droits de propriété et, plus globalement, une garantie de respect des principes et des dispositions du droit commercial international. L’adhésion à l’OMC sécurise l’espace transactionnel et contractuel des opérateurs économiques internationaux et peut apparaître comme un facteur favorable d’attractivité du territoire du requérant.
2- Protéger sa production nationale ou opter pour le libre échange est un vieux débat
Déjà, moins d’une année avant le lancement des idées du libre échange, fortement justifié par la croissance des coopérations entre nations et l’augmentation des revenus, l’Etat américain taxait les produits importés pour protéger son économie. Cette politique protectionniste à outrance est légitimée par la protection de l’industrie locale mais aussi le découragement des importations. Ce protectionnisme a connu son apogée après la crise financière de 1929, qui a éclaté à la Bourse de New York aux Etats-Unis, s’est étalée au secteur bancaire puis à toute l’économie. Face à cette crise, le Congrès sous l’Administration du président Herbert Hoover (1929 – 1933), a recouru à des mesures protectionnistes, mettant en place la loi Hawley Smoot en 1930.En réponse à la politique protectionniste des Américains, d’autres pays augmentèrent à leur tour leurs droits de douane, mettant en très mauvaise posture les sociétés américaines qui vivaient de l’exportation. Cela conduisit à une suite d’augmentations des droits de douane qui fragmenta l’économie mondiale. La mise en place du programme «New Deal» par le président Roosevelt en 1933, n’a pas donné les effets escomptés, et ce n’est qu’après la Seconde guerre mondiale que l’économie américaine a retrouvé sa force économique et industrielle. Sortant vainqueur de la Deuxième Guerre mondiale et possédant une technologie de pointe et une solide industrie, l’Etat américain devait garantir des débouchés pour ses produits. A cet effet et pour contourner la progression du communisme de l’URSS, l’Administration américaine d’Harry S. Truman a mis en place le plan Marshall afin d’aider les pays européens à reconstruire leurs économies dévastées par la guerre. C’est dans ces circonstances que le GATT (General Agreement en Tariffs and Trade) voit le jour en 1947, ratifié par 23 pays. Son objectif principal étant la liberté des échanges par l’abaissement des droits de douane et la réduction des restrictions quantitatives ou qualitatives aux échanges.
Les principales règles du GATT étant : élimination de toutes les barrières non tarifaires et consolidation des tarifs douaniers ; non-discrimination ente les exportateurs étrangers et les producteurs nationaux ; l’accord d’un avantage commercial à un pays doit être étendu à tous les pays signataires du GATT ; interdiction des restrictions quantitatives sur les importations et sur les exportations ; l’interdiction du dumping et des subventions à l’exportation. La GATT s’organise sous forme de round ou de cycles qui prennent le nom de la ville où ils ont été ouverts, par le pays auquel appartient cette ville, ou par des noms de responsables politiques .Le dernier round à juste titre du GATT a donné naissance à l’OMC qui a vu le jour en 1995. A la différence du GATT, l’OMC s’est vu doter d’un organe de règlement des différends. Ses champs d’application ont été étendus aux services, aux investissements étrangers, à la propriété intellectuelle, à la santé et à l’environnement comme indiqué plus haut.
3- La ligne de l’OMC est totalement contradictoire avec la démarche algérienne
Il ne suffit pas de reconfigurer et clarifier son dispositif législatif et réglementaire ou tenter de le mettre artificiellement en conformité avec un régime fictif de commerce, comme le laissent entendre les responsables pour jouer dans la cours des grands. Ce sont désormais les réalités économiques qui en déterminent les critères. Quelles sont justement ces réalités qui sous-tendent le développement du modèle économique algérien ? Dès les premières années de son indépendance, l’Algérie devait opter pour un modèle de développement basé sur la mécanisation des moyens de production. Son objectif est d’aboutir à un tissu industriel qui créera le maximum d’emplois. Son premier plan triennal 1967-1970 prévoyait l’emploi de "toute la population masculine". Il s’agissait d’œuvrer pour l’épanouissement du citoyen qui n’a que trop souffert de l’indigénat. Cela paraissait cohérent en dépit des insuffisances constatées, en tous les cas un large consensus se dégageait autour de ce modèle de développement. Il a été confirmé par une approche théorique qui consistait de créer un tissu industriel formé de puissantes sociétés qui auront la mission de capitaliser, consolider et surtout fertiliser le savoir et le savoir-faire afin de prendre plus tard la relève des hydrocarbures. Cette ressource justement s’échangeait pour assurer le financement de cette démarche.
Les technocrates qui avaient pris la gestion du pays après la mort de Boumediene, fortement impressionné par le modèle américain, pays où ils étaient formés ont procédé à une réorientation de l’économie nationale en commençant par un désengagement de l’Etat sans aucune transition consensuelle. La conséquence immédiate á été un déficit de confiance entre l’Etat et le citoyen qui se retrouve sans référence ni marqueur après plus d’une décennie d’effort et de privation qui semblent partir en fumée. Depuis, tout ce qui se mettait en place par les différents gouvernements qui se sont succédés ne donnait aucun résultat tangible sinon d’enfoncer plus le pays vers un avenir inconnu. Deux événements ont montré la vulnérabilité de cette réorientation. Le premier est le contre choc pétrolier de l’été 1985 qui a ramené le prix du baril à moins de 10 dollars suivi juste après de la chute du court du dollars, ont mis à nu la fragilité de l’économie algérienne et sa soumission à des facteurs exogènes et qui échappent totalement aux décideurs. Le deuxième est venu avec le redressement des prix du baril de pétrole et la constitution de la fameuse manne financière. La croissance qui s’en est suivie n’a pas abouti au développent économique de l’Algérie mais plutôt aux partenaires étrangers.
En effet, cette manne se trouve à l’étranger et sert au développement des pays où ces capitaux sont placés. Avec près de 65,75 milliards de dollars d’importation, ce sont les fournisseurs des biens importés qui font activer leurs économies et certainement pas l’Algérie. Globalement, on peut qualifier la situation économique algérienne de tout sauf de compétitive et diversifiée. Or, la compétitivité et la diversification sont l’essence même de la démarche de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Que peuvent contenir les accords déjà passés avec l’Argentine et l’Indonésie, Cuba, l’Uruguay, le Brésil, le Venezuela et la Suisse ? Ensuite de quoi discute-t-on avec les Américains, l’Equateur,le Japon,le Salvador, l’Australie, la Corée du Sud,le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Turquie ? Cela fait trop de rounds pour trop de dépenses pour aucun résultat. Entre 2013 et 2014 il y a eu de la part des membres de l’OMC 170 questions qui s’ajoutent aux 1933 déjà traitées depuis son intention d’y adhérer. Pourtant deux à trois grandes questions suffisent pour que les Algériens sachent que cette histoire de rejoindre ce n’est qu’utopie. En effet, au stade actuel l’Algérie peut-elle abandonner sa politique de soutien des prix ? Lorsqu’on sait qu’une simple tentative de formaliser les transactions par des factures devait embraser le pays le 11 janvier 2011. Son impuissance d’éradiquer totalement le marché informel favorise la spéculation et donc la non-maîtrise d’une inflation à deux chiffres. Peut-elle se permettre d’ouvrir ses frontières aux produits étrangers face à un secteur public à terre et un secteur privé non encore créatif ? Que deviendront les emplois ? L’Algérie attend en 2014 plus d’un million de naissances qui nécessiteront de la santé, de l’éducation et de l’emploi. La croissance interne d’énergie augmente au rythme de 10% chaque année pour atteindre d’ici 2030 près 100 millions de tonnes équivalent pétrole et exigera des pouvoirs publics d’importer pour combler le déficit énergétique et se posera dès lors la question avec quoi et comment financer le développent national ? L’Algérie qui a l’habitude d’entretenir une paix sociale en puisant sur la rente, comment peut-elle faire face à la grogne de la population qui ne va pas supporter l’inflation due à l’ouverture aux produits extérieurs sans aucun doute trop chers ?
En conclusion, ce sont aux questions internes que les pouvoirs publics doivent répondre avant d’entraîner le pays dans une démarche qui paralysera ce qui reste du tissu industriel, détruira l’emploi, accentuera la pauvreté et peut-être conduira à une révolte. Donc l’inquiétude de la candidate au présidentielle 2014 est amplement justifiée.
Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier
Commentaires (7) | Réagir ?
merci
l'EMIR ABDEL KADER : le premier des HARKIS !
Messagepar zizou » 05 Oct 2007, 09:11
Pourquoi alors Abd el Kader, une fois libéré et invité à Paris par Napoléon III, alla prier à Notre-Dame dans un geste pacifique, reconnaissant que la France avait respecté la culture des autochtones et tout particulièrement l’islam ?
Abd el Kader serait-il un traître pour Mr Bouteflika comme tous les Algériens qui se sont enrolés dès 1830 dans l'armée coloniale pour pacifié l'Algérie et favorisé la colonisation de ce territoire par la FRANCE ?
Aussi, le père du nationalisme Algérien, Ferhat Abbas, reconnaissait que l’identité Algérienne ne fut qu’un mythe, car jamais l’Algérie n’existât en tant qu’entité étatique spécifique. En 1936, il exprima : « Je ne mourrai pas pour la patrie algérienne, parce que cette patrie n’existe pas. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé les vivants et les morts. J’ai visité les cimetières. Personnes ne m’en a parlé. »