John Kerry, le DRS et le quatrième mandat : Extraits du roman La Mission

John Kerry, le DRS et le quatrième mandat : Extraits du roman La Mission

Nous donnons un extrait du roman La Mission de Mohamed Benchicou, en éclairage aux faits de l'actualité nationale. Le livre est en vente à Alger et, pour les lecteurs hors-Algérie, dans ce site lematindz.

Ce matin-là, je sortais d’une nuit exécrable.

Des hommes cagoulés avaient fait irruption dans ma chambre, à l’aube, armés jusqu’aux dents, tirant copieusement autour d’eux. Ils cherchaient des impies à abattre et, à leurs yeux, je devais nécessairement en être un. Ils fouillaient partout sans me trouver, pendant que Jordan, le jeune ingénieur de British Petroleum, une ceinture d'explosifs autour de la taille, répétait avec eux : «Allahou Akbar !» Il me fixait de ses yeux perdus, ses lèvres remuaient, je ne savais s'il priait, si c'était seulement la peur ou s’il parlait à sa fille Rosy. Puis un des preneurs d’otages était tombé sur moi, m’avait attrapé par le cou et assommé avec ma bouteille de vodka.
Je me réveillai, alors, en sursaut. Entre les mains, j’avais la bouteille de vodka. Je l’ouvris : elle était vide !
J’avais envie de boire.
Il était quatre heures du matin, et aucun pub n’était ouvert à cette heure-là.
Mon cœur battait très fort. Il battait déjà pas mal quand je m’étais mis au lit : Mary venait de me faire savoir, par un bref SMS, qu'elle s’en allait. Elle avait choisi de quitter sa maison le jour où le président algérien regagnait la sienne, après trois mois d’hospitalisation à l’hôpital du Val de Grâce à Paris. Raïs, le père d’Allaoua, en boute-en-train érudit, venait de m’en prévenir. Dans quel état était-il ? Je savais que les principaux dirigeants répétaient à qui voulaient les entendre que la maladie du chef de l’État n’avait aucun effet sur la bonne marche des affaires. «Tout est dans le sens qu'on donne au terme "affaires", m'avait dit Raïs. Je vous suggère, professeur, de prendre le mot dans son sens premier. C'est le bon sens. Gouverner, chez nous, c'est faire des affaires et vice-versa.» Il avait ajouté, quelques secondes plus tard, d’un ton espiègle : «Mais attention ! N’abusez surtout pas du bon sens, il est catégoriquement prohibé ici où, comme chacun le sait, et à l’image de l'île de Barrataria, ce fief imaginaire de Sancho Pança qui s’est toujours rêvé roi et qui s’autoproclama gouverneur de l'Ile de Barrataria, on n’a que faire du bon sens. Qu'adviendrait-il, sinon, de notre île à nous, l'ami, monde virtuel pour grands enfants coupés de la réalité, où le gouverneur se plaît en représentations, tantôt Jefferson, tantôt Napoléon, bluffant les opinions par l’art de la parodie, du pastiche et de la paraphrase, enivré par les ors du pouvoir et les contes fantasques dont il est le seul héros, ivre jusqu’à en oublier la réalité et son état de grand malade ?» Il était resté muet quelques secondes avant de poursuivre du même ton badin : «C’est pourquoi, cher ami, vous devez vous persuader de notre singularité : nous sommes un pays parfaitement gouvernable à partir d’un lit d’hôpital ! Voyez-vous, cher professeur, la question de savoir si le président peut encore gouverner ne nous concerne pas. Le gouvernement est chez vous une nécessité, mais, il faut l’admettre, mon ami, chez nous, dans nos heureuses contrées, il pourrait être un luxe onéreux et compliqué dont, Dieu merci, nous sommes épargnés. N’étant consultés ni sur l’état de santé du chef de l’État, ni sur sa désignation ni encore moins sur sa reconduction, nous sommes dispensés des tracasseries démocratiques occidentales et, en retour, le président, élu sans notre concours, règne sans rien nous devoir.»

Pourquoi avais-je découvert tout cela, Tigantourine, les plans des puissants sur le dos des faibles, les calculs macabres, tout ce qui a bouleversé ma vie ? Pourquoi avais-je compris que Tigantourine, c'est, en fin de compte, un des ces mauvais cauchemars par lesquels se réalisent les rêves des loups : annexer de riches territoires souverains ! Il ne manque jamais de bons prétextes pour ce genre de besognes. On s’installe chez les autres pour toutes sortes de nobles raisons : endiguer les terrorismes, assurer la survie des démocraties, éradiquer les fondamentalismes…Je parle en connaissance de cause. De l’avis général, cette mission d’Alger était taillée pour moi. J’apparaissais incontestablement comme le plus qualifié pour ce travail tant il était de notoriété publique que je figurais parmi les plus grands spécialistes mondiaux de la sécurité des ressources énergétiques, l’un des premiers est à avoir saisi l’évolution du terrorisme et son interaction avec les métamorphoses sociales. Combien de fois ai-je réécouté Léon Panetta, le secrétaire américain à la Défense, que je connais bien, suggérer, avec des mots à peine voilés, que le prochain État à annexer, domestiquer pourrait être l'Algérie ?

Je sais décoder les langages diplomatiques et saisir les déclarations de guerre à peine voilées. Je suis considéré comme l’homme qui a placé le Department of War Studies du King’s College de Londres, cet établissement unique au monde, le seul qui propose l’étude de la guerre et des conflits contemporains et dont Londres est fière autant qu’elle l’est de Big Ben ou des magasins Harrods, au cœur de la question du terrorisme. Le résultat en fut qu’il quadrupla ses capacités d’accueil au profit d’étudiants de toutes nationalités auxquels j’enseignais des choses aussi divertissantes que l'histoire de la guerre et des conflits contemporains, les changements géopolitiques entraînés par la Guerre froide ou l'impact de la montée du fondamentalisme religieux et du terrorisme sur la démocratie.

Aux dires de Tante Meredith qui eut à s'occuper de moi dès l’âge de trois ans, après la mort accidentelle de mes parents, cette disposition pour des sujets aussi barbants me serait venue très tôt. Haut comme trois pommes, racontait-elle, je me projetais dans la légende de Robin des Bois, l'homme qui enlevait aux riches pour donner aux pauvres.

E.M. m’avait convié à une rencontre dans son bureau, ce qui, pour le monde universitaire anglais, était une nouvelle aussi réjouissante que si l’on apprenait que sa femme était partie avec le jardinier. La dame est en effet connue pour son redoutable et légendaire bavardage devant lequel des générations de professeurs et d'étudiants ont dû abdiquer. E.M. n’arrête son débit verbeux qu’une fois acquise votre capitulation. La stratégie est à ce point infaillible que sa renommée avait fait le tour des campus, et il ne se trouve nul professeur ni étudiant en Grande-Bretagne, de Birmingham jusqu'à l'université Jawaharlal-Nehru de Delhi, en passant par Oxford, l'Université Queen's de Belfast ou l'Université calédonienne de Glasgow, qui ne redoute le malheur indéfinissable de se trouver face à E.M.
«Ah, Thompson, avait-elle minaudé en prélude de son assaut, je vous ai enfin en face de moi ! Quel privilège de parler à notre plus brillant professeur !»
Elle avait opté pour l'éloge, ce qui, généralement, augurait d'une attaque imminente.
Une fois les salamalecs expédiés, elle m’avait fixé de son impressionnant regard scrutateur : vous avez suivi, évidemment, mon cher Thompson, cette terrible prise d'otages dans cette base gazière du sud de l’Algérie et qui a coûté la vie à plusieurs de nos compatriotes de la British Petroleum… Tigantourine, si je ne m'abuse... Oui, c'est ça, Tigantourine ! Lui ayant appris que j’avais confectionné tout un dossier sur cet étrange événement, la dame répondit par ce sourire cynique et solennel qui lui transfigurait le visage et au moyen duquel elle exprimait généralement sa satisfaction : «Downing Street et le Foreign office ont sans doute des raisons de penser que nous sommes en face d’un coup monté. Songez, Thompson, que cette agression si sauvage a suivi, fort curieusement, l’annonce publique par le Premier ministre David Cameron d’un projet de partenariat global avec l’Algérie qui, comme vous ne devez pas l’ignorer, est l’un de ces nouveaux pays à forte croissance que nous avons négligés jusqu’ici. Cameron s’emploie à mettre fin à nos impardonnables absences dans ces parties du monde, parmi les plus prometteuses, où nous avons laissé faire. Il vient de nommer des envoyés spéciaux pour chacun de ces territoires qui nous demeurent étrangers, dont un pour l’Algérie, un parlementaire que vous gagneriez à connaître, Lord Richard Lespy. Tenez, prenez ceci, c'est un article de Lord Lespy publié dans un bulletin du Parti conservateur, à son retour d'un premier voyage à Alger. Le titre est plutôt charmant, vous ne trouvez pas ? «Alger, notre surprenante nouvelle amie !» Un lord qui a de l'humour, c'est prometteur…Qu'en pensez-vous, Thompson ?» Je m’étais borné à lui répondre qu'à partir d'un certain nombre de milliards de dollars de recettes d'exportation, un pays devient forcément l'ami des plus grands. Elle a fait semblant de ne pas relever, mais son visage s'était assombri. «Il faut élucider cette triste affaire de Tigantourine. Il y a des choses qui nous échappent et il faut les identifier. Vous êtes le plus qualifié pour cela. Il nous faut trouver dans les réalités algériennes les motifs de croire à l’ambitieux projet de notre gouvernement. Qui veut nous empêcher de travailler avec l’Algérie ? Qui veut chasser British Petroleum de ce pays prometteur ? Nous sommes peut-être devant une conspiration non-encore identifiée.»

Conformément à sa stratégie d’usure, E.M. alternait avec adresse entre la flatterie et la diversion. «Vous êtes le plus apte à éclairer la lanterne du gouvernement, sir William… Vous seul saurez nous dire ce qu’il y a derrière l’attaque de Tiga...Tinan… Je ne me rappelle plus. Oh, my god ! La vieillesse est bien une tragédie. Vous ne savez pas la tristesse de chercher ses lunettes pendant trois heures alors qu'elles sont sur votre nez ou celle de confondre le prénom de votre petit-fils avec le nom du chien de la voisine. Vous êtes encore jeune et beau, vous avez le temps de profiter de l’existence. Vous avez quarante et un ans ? Ne le répétez plus, personne ne vous croirait. Et vous décevriez bien de jolies dames ! Croyez-en le regard éprouvé d’une femme expérimentée. Ah ! Thompson, vous me faites penser à mon premier amour…»

Et la dame partit d’un énième récit sur le coup de foudre que ressentit pour elle un Gallois du nom de Kent Hamilton, bookmaker de son état et qui fit fortune en prenant les paris sur tout et notamment sur les combats de chiens. Rien de ce qui concernait Kent Hamilton ne m’était inconnu. Pour avoir entendu cette histoire des dizaines de fois, j’avais fini par tout savoir sur le premier amour d’E.M., sur ses premières vacances en couple dans de Jersey, sur ses folles nuits dans le quartier de Soho et, bien entendu, sur le jour de la rupture. En fait, sur les deux ruptures puisque E.M. se sépara une première fois de son amoureux après avoir appris qu’il droguait les chiens à l’aide d’une substance dangereuse. Ce type de forfaiture, même pour un jeune couple d’amants encore régi par la flamme de la passion, était totalement impardonnable dans un pays qui reste, en dépit de tout, moins celui du I love you que du Love me, love my dog. La seconde séparation fut toutefois sans appel après qu’E.M. eût découvert que le scabreux personnage avait ouvert les paris sur la guerre des Malouines et misé gros sur une victoire de l’armée argentine.

Arrivée à ce chapitre saisissant de sa jeunesse, la rupture avec Hamilton, E.M. avait feint d’écraser une larme pour repartir aussitôt à l’attaque : David Cameron a déjà pris son bâton de pèlerin, m’annonce-t-elle, d’un ton ragaillardi. Devinez par quel pays il a inauguré son périple ? «Par l’Algérie !» avais-je répondu d’un ton à la fois ironique et désabusé. E.M., tout heureuse de constater mon intérêt pour son récit, s’enthousiasma de plus belle : «Vous avez tout compris, Thompson ! Il y est allé deux semaines à peine après la prise d’otages. Pour vous situer l'importance de cette visite, cher Thompson, je vous dirais simplement qu’elle est la première d'un chef du gouvernement britannique dans ce territoire prometteur, à forte croissance, auquel nous avons jusque-là tourné le dos. Vous réalisez ?»

Je ne réalisais rien, en fait. Ni le numéro théâtral que me jouait E.M. avec ses propos émouvants et indignés dont il n’était pas difficile, pourtant, de remarquer qu’ils étaient surfaits, ni la grosse manœuvre dans laquelle j’allais tomber.

Qui pouvait deviner à ce moment-là qu’E.M. allait m’expédier au cœur du mensonge et des duplicités d’États ? Notre directrice des études savait que British Petroleum, dont elle s’angoissait de savoir qui voulait la faire partir d’Algérie, avait, en vérité, songé, d'elle-même, à rendre sa licence, à vendre ses actifs algériens – parmi lesquels le site de Tigantourine – et à quitter ce territoire. La firme avait un urgent besoin de liquidités. Elle venait, en effet, d’être condamnée par un juge américain à régler une amende record pour sa responsabilité, en avril 2010, dans la marée noire du golfe du Mexique.

Elle savait aussi que l’Algérie, «notre surprenante nouvelle amie», n’est, en fait, qu’un vaste territoire habité par une jeune population et dirigé, depuis cinquante ans, par un vieux pouvoir grabataire. La vieille oligarchie s’était fait investir par la force des baïonnettes à l'indépendance de ce pays et, depuis, sous l’effet de l’âge sans doute, a oublié de rendre le pouvoir au peuple. E.M. savait que ce pays «prometteur, dynamique et à forte croissance», dont la Grande-Bretagne comptait faire le «nouvel ami», n’est qu’une chimère de diplomate, une lubie de politicien. Les vieux oligarques gouvernent par délégation de pouvoir, confiant les affaires de la nation à un président élu selon la bonne vieille méthode qui consiste à faire ratifier par référendum populaire un choix préalablement fait en état-major.

«Mais tout cela, cher professeur, est notre secret d'Alger dont, pour tout vous dire, nous sommes très jaloux, m’avait dit Raïs, avec le même ton sarcastique. Alger est la patrie de la pantomime. On y fait mine de jouer un rôle dans la désignation des dirigeants qui, en retour, simulent de gouverner pour le bien de tous. Le jour du vote c’est Mardi gras chez nous : on met notre plus beau costume d’électeur, les journalistes s’habillent en reporters de guerre, les ministres se fardent en officiels taraudés par le suspense … On reçoit plein de journalistes étrangers qui nous accompagnent dans ce grand moment de théâtre et il se dit même que de vénérables personnalités européennes viennent attester du bon déroulement de la chose. Le soir, le préposé au dépouillement se dote d’une vraie calculatrice et toute la nation, accrochée à ses lèvres, se laissera plonger dans une angoisse insoutenable jusqu’à la minute où le présentateur de la télévision, avec un air solennel, vient nous délivrer en nous annonçant que, contrairement aux prévisions des ennemis de la nation, il n’y a pas eu de surprise cette fois-ci non plus, et que le vainqueur est bien celui auquel on a tous pensé. Alors, les voitures et les troupes, préparées à la liesse depuis plusieurs semaines déjà, sortiront spontanément pour des cortèges de joie pendant que, petits et grands, partisans ou opposants, journalistes ou simples quidams, nous camperons, chacun de son côté, l’ultime rôle de la parodie. Vous entendrez les troupes exulter et les opposants, dont la mauvaise humeur est absolument indispensable au bon déroulement de la comédie, hurler à la fraude électorale pendant que le président élu, le visage grave, nous fera la même promesse que la fois précédente, celle de gouverner pour notre bien, et nous irons dormir en faisant mine d’avoir oublié qu’il ne fait que répéter son dernier mensonge…»

À dire vrai, E.M. avait un «projet» pour moi.
Je devais suivre la symphonie des pleureuses, m’apitoyer sur le sort d’une firme qui n’avait plus de britannique que le nom et apporter ma part d’indignation et d’absolution.

Tel était le dessein caché d’E.M. qui m'avait envoyé à Alger en «idiot utile» chargé de faire cautionner par ma notoriété, la thèse du complot contre notre firme fétiche et bénir une relation équivoque entre la plus vieille démocratie au monde et une autocratie maghrébine qui se reconduit à la tête d'un peuple condamné, lui, au mutisme.

Je devais bénir, en quelque sorte, une opération néocoloniale qui ne disait pas son nom : l’abdication de la souveraineté algérienne au profit des compagnies américaines ; la mise sous la tutelle de la CIA et du MI 6, des forces armées algériennes. Je devais, à mon insu, contribuer au retour au système de concessions dans lequel les compagnies pétrolières fixaient elles-mêmes les conditions dans lesquelles elles exploiteraient les ressources en hydrocarbures des pays du tiers monde. (...)

Il s’entrechoquait dans ma tête les images de ma patrie, la plus ancienne démocratie parlementaire du monde, celle que j'étais fier de servir et dont je m'honorais d'être à la fois le zélé émissaire et le parfait porte-parole, et que j’avais surprise dans une triste posture, en train de blanchir une autocratie archaïque pour se faire une place autour des généreuses mamelles algériennes, entre les mafias, et arracher ainsi son écot du butin.
«Oui, sir William, avait repris Lord Lespy en humant un cigare, il n'y a aucune raison de laisser cette mine d'or à nos voisins français sous prétexte qu'ils en ont été les colonisateurs. Depuis cinquante ans, nous les confortons dans cette chimère qui voudrait que l’Algérie est la profondeur stratégique de la France, comme le disait le brave Alexandre de Marenches. L'heure est venue de faire sonner la trompette ! Notre objectif, Monsieur Thompson, n'est pas seulement de faire en sorte que l'Algérie devienne notre amie, nous qui n'avons d'amis que des nations en faillite ou en voie de l'être, mais que la Grande-Bretagne soit sa meilleure amie en Europe ! Nous avons proposé aux Algériens d'élever notre coopération au niveau d’un partenariat stratégique. Oui, vous avez bien compris, nous voulons déloger les Français !»
J’avais parfaitement saisi le message : l’Algérie devait être asservie à l’empire anglo-américain ! J'avais écouté Lord Lespy avec le sentiment confus de vivre une heure de cynisme qui donnait raison à Cioran : les Anglais sont un peuple de pirates qui, après avoir pillé le monde, ont commencé à s'ennuyer.

Comme prévu, le président algérien, très malade, agissant sous la dictée des puissances occidentales, a limogé les chefs militaires des services secrets et décapité ces derniers avant de se déclarer candidat pour un quatrième mandat de cinq années. L’on ne sait sous quelle tutelle l’Algérie vient d’être placée.

Cette décapitation de l'armée algérienne s’était réalisée dans l'indifférence de la population. «Ils veulent enlever le chef des services secrets, surnommé "le Dieu d'Alger", mais qu’y peut-on ?», avait commenté Raïs en simulant le chagrin. «Vous savez, professeur, des Dieux comme ceux-là, ça vous encourage à l'athéisme. Un vrai Dieu, voit tout, entend tout. Celui-là ne s'est aperçu de rien, ni de la corruption ni du pillage de la nation. Il se raconte le futur chef du FLN, un ex- président de l’Assemblée nationale populaire, a été désigné dans la villa d’un de ces milliardaires nouvellement enrichis. Dieu a-t-il donné son aval ? C'est que le nouvel homme fort du FLN est poursuivi par la justice algérienne pour détournement de fonds publics à l’aide de sociétés écrans et un Dieu, ma foi, cet Être appartenant au monde supérieur, doué de qualités de transcendance dont on attend qu’il oriente les existences, Dieu juste , Dieu Tout Puissant, un Dieu saurait-il accepter qu’on outrage sa maison ? Parce qu’enfin, le FLN, c'est quand même la chapelle Sixtine de la politique algérienne : le candidat qui y est adoubé devient forcément premier magistrat du pays. Mais pour la Tentacule, l’avis de Dieu comme les moeurs délinquantes du nouveau chef du FLN importent peu. C'est même pour ça qu'il a été choisi. L'homme dont il est question est un kleptocrate avéré qui saura exécuter les consignes de la Tentacule : porter la candidature de Bouteflika pour 2014. Et puis, ce qui ne gâche rien, il est l’ancien président du comité national de soutien au candidat Bouteflika.» Je glisse alors une question qui se voulait innocente : «Existe-t-il au moins, ce Dieu d'Alger, lui dont on n’a jamais vu le visage ni entendu la voix ?» Raïs plisse le front avant de s'exclamer : «Mais ça, c’est la preuve qu’il existe, professeur ! Vous le savez mieux que moi, l’aphonie et l’invisibilité sont les prestiges et les symboles des divinités. Il ne parle jamais ? Logique ! Dans la mythologie gréco-romaine les dieux pressentis par les poètes sont muets. Il n'y a pas de photos de lui ? Rien de plus normal. Reb Dzayer, comme les dieux en Égypte, ne se donne pas en spectacle aux paparazzis. Le soin de figurer les images et les statues des dieux en Égypte n'était pas laissé aux artistes ordinaires. Cette prestigieuse besogne était dévolue aux prêtres qui en donnaient les dessins, et, comme chacun le sait, les prêtres chez nous ne se dévoilent pas, sous peine de prison, C'est pourquoi, chez nous, plus qu’ailleurs, Dieu se prête aux fantasmes, chacun peut l'imaginer Reb Dzayer, le Dieu d’Alger, comme bon lui semble, et c’est tant mieux pour la mythomanie nationale.»

Aujourd’hui encore, je pense à Rais et à tous ceux que nous avons livrés à l'autocratie. Sous la pluie de Guildford, il me revient les paroles dignes et exaspérées de cet homme qui riait de sa condition pour ne pas en pleurer. À l’heure où la science cherche à rallonger la vie, nous leur avons appris à en appeler à la mort. «Allaoua, je lui aurais bien prêté ma jeunesse, mais elle est partie avec le théâtre d’Alger…Être ou ne pas être ! Hamlet, Othello et le dernier verre d'anisette au Tantonville. Le théâtre d'Alger ! Vous savez ce qu'il en reste ? Les cloches de Cornville ! Ça, écoutez : Ding ding ding dong ! Sonne, sonne, sonne joyeux carillon ! Mais aujourd'hui plus rien ne sonne, même pas nos dernières heures ! Bientôt on nous exhibera comme des créatures d'une ancienne vie d'Alger. Savez-vous, Monsieur Thompson, qu'à Alger, au début du 20è siècle, à quelques mètres du théâtre, on exposait des Esquimaux pour divertir le public ? Mais bientôt, les Esquimaux, ce sera nous, professeur. Voyez, même nos dirigeants ont la longévité indécente. Des vestiges préhistoriques aux grandes dents ! Des Carcharodon megalodon ! Comment ? Vous ne connaissez pas le mégalodon, nom d'un chien, le requin préhistorique dont on dit que certains spécimens seraient toujours en vie et qui a inspiré Spielberg pour le film Les dents de la mer... Ah, à propos de cinéma… Chez nous, c’est bientôt le vote pour réélire le nouveau président ! On va beaucoup parler dans les salles de cinéma, beaucoup promettre, beaucoup, oui beaucoup gesticuler. Je ne rate aucun meeting organisé dans la salle du quartier. Une salle où l'on ne projette plus aucun film ! Papa, tu vas perdre ton temps, me disent les enfants. Mais non ! Bien au contraire, j'allais le retrouver, le temps, le bon temps de Gabin, de Marlène Dietrich et de Mahmoud Yassine, j'allais le retrouver en écoutant ces politiciens haranguer les foules avec leurs boniments et enfin rendre, le temps d'un meeting, nos salles de spectacle à leur vocation première : le cinéma !

La mission, édition Koukou - Alger -2014

Le livre est en vente à Alger et, pour les lecteurs hors-Algérie, dans ce site lematindz.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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khelaf hellal

D'Alger plaque tournante des révolutionnaires, ils ont en fait Alger à la solde et à la merci de l'Oncle Sam qui vient tirer ses ficelles en pleine campagne électorale. Le régime d'Alger vient de sceller son alliance transatlantique avec les dictatures fantoches d'Amérique latine et les monarchies du Golf sous le protectorat de l' impérialisme américain.

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Cha3vane Cha3vane

Il pleuvait des hallebardes aurait écrit des gens plus érudits que mézig avec un brin de poésie. Mais il pleuvait tout juste ce jour là rien que pour me niquer mon humeur exécrable qui n’avait pas besoin qu’on la snobe d’aussi bas et ma muse est moins inspirée pour faire dans la broderie. Et puis, ce n’était qu’un orage bref et inutile du genre à vous niquer les dernières figues qui glandouillent tardivement sur des figuiers persistants comme des vielle filles qui attendent le Roméo téméraire qui va les cueillir comme du zbib oublié sur la treille, qui se découvre à la tombée des feuilles en automne. Ce jour que Dieu semblait avoir bidouillé avec des restes de jours ratés avait tout ce qu’il lui fallait pour être exécrable. J’aurais pu me recoucher si j’avais été avisé, mais le soleil qui allait en faire autant m’en dissuada. Je n’ai pas l’habitude de passer mes nuits blanches dans mon lit.

La bourse d’Alger avait clôturé à la baisse et mon humeur à peu près au même niveau, sauf que moi je vis à Paris et que je n’avais aucune action pour me faire du mouron à cause de ces fluctuations. Et, de toute façon, fluctuat nec mergirur !

J’avais compris depuis belle lurette que j’étais loin d’être un héros. Tout juste un Ché Guevara de pacotille qui jouait les taupes pour le compte de services qui se servaient de moi comme un leurre pour tromper l’ennemi. Mais en matière de tromperie j’avais décidé de tromper tout le monde en révélant à toutes les parties pour qui je travaillais, ce qui faisait de moi un mec réglo.

Donc ponctuel comme une horloge suisse à l’heure algérienne, je me réveille comme d’habitude en retard pour un rendez-vous du coté du Marais ou je devais rencontrer un agent double du Mossad qui travaillait aussi, à l’occasion, pour la DRS et vice versa.

Je rentre dans le bar kabyle, je demande un café et Lwenes. Michel le barman kabyle m’indiqua avec le menton la table du fond où l’agent double jouait au double blanc, contre un journaliste et un ancien de l’amicale.

Au moment ou je me demandais si j’allais arroser de calva mon café ou de rhum, Vel3id un ancien ministre, entra dans le bar et me salua avant d’aller serrer la pluche de tout ceux qui se trouvaient dans le bar. Il revint quelques instants pus tard commanda un café cognac et me fit à Maurice, le barman : awid kane labelout enni.

En vérité, tout ce simulacre ne servait à rien car nos boissons étaient toujours payées par les joueurs qui savaient pour qui on bossait en vérité. Certains se disaient que c’est pour le pouvoir, d’autres pour la CIA alors que d’autres plus sceptiques pensaient qu’on était tous juste des faux derches qui se la jouaient, sans se douter qu’ils n’avaient tous qu’à moitié raison.

Seuls, moi, Vel3id, et Lwenes, savions qui nous a missionnés, et pourquoi. Et c’est au moment où j’allais lui prendre son quatorze de trèfle, que Vel3id s’approcha de moi pour me susurrer à l’oreille: Adfel yewthen gjarjar essemis yewedh azaghar. Ce qui voulait dire que le SDEC est au courant de l’entourloupe. C’est à ce moment que Lwenes, l’agent double, vint se joindre à nous, pour une belotte du comptoir à trois, en apparence, mais en vérité parce que akham yargha, y’a le feu au lac, quoi !

Ces mots suffirent pour ajouter de l’inquiétude à une ambiance plombée par l’incertitude de ce qui se tramait de l’autre coté de la méditerranée.

C’est à ce moment précis que tous les trois nous reçûmes un S. M. S, ou est-ce l’inverse ?