Ukraine : la Crimée se recherche un avenir
La Crimée, une presqu’île au sud de l'Ukraine qui s'avance dans la mer Noire, a vu de nombreux colonisateurs dès le VII e s. av. J.-C. se succéder sur son sol. Elle sera annexée par la Russie en 1783. Et en 1954 elle se voit rattachée à l'Ukraine par l'URSS, jouissant tout de même d'un statut d'une République autonome. La population étant de majorité russophone est restée méfiante vis-à-vis du pouvoir central de Kiev.
Il n'est donc pas étonnant que des velléités sécessionnistes subsistent au sein de la population de la Crimée. Et les derniers événements ne font que nous rappeler cette réalité en sommeil depuis si longtemps.
La volonté affichée par le Parlement régional de Crimée de faire sécession et de demander son rattachement à la Russie n'est pas sans fondement historique, voire même juridique. On est au cœur même du droit à l'autodétermination (droit des peuples à disposer d'eux-mêmes).
Quelle est en réalité la part de l’intimidation exercée par le président russe Vladimir Poutine ?
Cela dit, aussi légitime soit-elle, une telle revendication ne sera pas sans conséquences lourdes sur l'avenir de la péninsule. La question que posera le Parlement régional, par voie de référendum le dimanche 16 mars, reflète-t-elle la volonté profonde des populations concernées ? Et quelle est en réalité la part de l’intimidation exercée par le président russe Vladimir Poutine ?
Sans doute, il existe une réelle aspiration populaire d'autodétermination en Crimée, mais il est vrai aussi que cette volonté est influencée et dopée par une Russie qui se veut sans concession quant à la défense de ses intérêts dans la région. Le nouveau gouvernement ukrainien, quant à lui, se voit confronté, à son tour, à l'expression d'une volonté populaire des habitants de la Crimée, considérés encore jusqu'à présent comme ses citoyens.
...et illégaux au regard du droit international, à savoir la violation des frontières d'un État souverain (l’Ukraine)...
Face à une Union européenne en déficit d'une vraie politique étrangère commune, qui a pris trop de temps pour réagir efficacement et un Barack Obama pragmatique et défendant avant tout une vision américaine du conflit, la Russie a agi vite et s'est positionnée comme un interlocuteur indispensable pour une issue diplomatique du conflit. Pour se faire entendre Vladimir Poutine n'a pas hésité à recourir à tous les moyens légaux, notamment de par sa position au Conseil de sécurité des Nations Unies (droit de veto), et illégaux au regard du droit international, à savoir la violation des frontières d'un État souverain (l’Ukraine).
La Crimée se retrouve d'emblée piégée entre deux puissances en surenchère : d'un côté la Russie de Poutine déterminée à sauvegarder son influence, même si elle est prête à faire des concessions, et de l'autre l'Occident - États-Unis et Union Européenne - qui donne des signes variés et parfois contradictoires, entre sanctions mesurées contre la Russie et un soutien affiché pour l'Ukraine. Ces derniers jours des rencontres aux allures de guerre froide, se sont multipliées entre le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov afin de trouver une issue favorable pour l'ensemble des parties au conflit.
Le référendum, s’il est maintenu, proposerait aux populations de Crimée le choix d'un nouveau statut pour leur région : une plus large autonomie ou un rattachement à la Russie...
Finalement, le dénouement de la crise ukrainienne se trouve conditionné par la solution qui sera admise par les Russes et les Occidentaux quant au nouveau statut de la Crimée. Cette dernière risque d'être l'objet de tractations entre les différentes puissances en mouvement et pourrait par conséquent voir ses propres intérêts mis au service d'autres intérêts. Le référendum, s’il est maintenu, proposerait aux populations de Crimée le choix d'un nouveau statut pour leur région : une plus large autonomie ou un rattachement à la Russie. On est dans un cas de figure de l'exercice du droit à l'autodétermination, certes imposé par les Russes mais répond néanmoins à une certaine aspiration d'émancipation populaire dans la région de Crimée.
A notre sens les Criméens devraient peser le pour et le contre, si le choix leur était donné, sur leur futur en tant que peuple libre. Et l'option d'une large autonomie ou d'un Etat indépendant (sans rattachement) serait le gage d'un avenir meilleur.
Nassim Saïd,
Doctorant en droit international
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