Algérie : multiples questions sur Bouteflika et un 4e mandat
A 45 jours de la présidentielle en Algérie, Abdelaziz Bouteflika, qui brigue un 4e mandat, a appelé dans un message à une participation "massive", sans parvenir à faire taire les critiques croissantes sur sa capacité à gouverner.
Le président a fêté dimanche ses 77 ans, dont 15 passés au pouvoir, très affaibli par un AVC qui l'a immobilisé 80 jours en France, d'où il est rentré le 16 juillet dernier. A la veille du dépôt des candidatures devant le Conseil constitutionnel, on ignore toujours si M. Bouteflika présentera en personne son dossier, comme de coutume, lui qui n’a pas parlé en public depuis son discours de Setif en mai 2012, laissant présager la possibilité d'une "candidature par procuration", selon plusieurs journaux.
Dimanche, c'est son ministre de la Justice, Tayeb Louh, qui a lu le message du président pressant "tous les citoyens à participer massivement" à la présidentielle. Car la grande question soulevée par les observateurs en Algérie ne porte pas tant sur la victoire de M. Bouteflika, que sur le taux de participation.
La perspective d'un 4e mandat du président a généré des manifestations à travers le pays, dont une réprimée violemment samedi à Alger, et donné naissance à un mouvement, baptisé "Barakat", uniquement dédié à lutter contre cette candidature. Et les questions sur ses capacités se posent de plus en plus ouvertement.
L'ancien général à la retraite Hocine Benhadid déclarait ainsi récemment au quotidien El-Watan qu'un nouveau mandat lui paraissait "impossible" puisque "Bouteflika ne peut ni parler ni se mettre debout". Le militant des droits de l'Homme, Ali Yahia Abdenour, cité par Liberté, a lui demandé que le président soumette un certificat médical au Conseil constitutionnel attestant "que son état physique lui permet d'assurer sa fonction".
Les candidats ont jusqu'au 4 mars à minuit pour déposer leur candidature, puis le Conseil Constitutionnel aura dix jours pour annoncer la liste des candidats retenus, et la campagne officielle s'ouvrira le 23 mars. L'ancien chef du gouvernement Ali Benflis, considéré comme le principal adversaire de Bouteflika, doit déposer mardi matin sa candidature.
Appel à faire tomber le régime "dans le calme"
Un autre ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, a de son côté appelé à faire tomber le régime de Bouteflika "dans le calme", avec l'aide de l'armée, estimant, lui aussi, qu'il n'était plus en mesure de diriger le pays. Abdelaziz Bouteflika n'a reçu que quelques hôtes étrangers depuis mai 2012 et tenu deux Conseils des ministres en septembre, puis en décembre. Il ne s'est pas déplacé pour déposer sa candidature, et c'est son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a officiellement annoncé sa candidature.
Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des Travailleurs, elle-même candidate, a reproché à M. Sellal d'avoir annoncé la candidature du président, ce qui est "anormal", a-t-elle dit à sa sortie du Conseil constitutionnel dimanche. "Sellal n'avait pas le droit de faire ça, c'est une déviation", a-t-elle asséné, rappelant qu'il était Premier ministre et président de la commission de préparation de l'élection.
Opposant et ancien secrétaire général du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, centre-gauche) Saïd Sadi, a affirmé ironiquement que cette candidature ne le gênait pas "puisqu'on a levé la limitation des mandats", rappelant l'amendement à la Constitution voté en 2008 pour permettre à Bouteflika de passer outre la limitation à deux mandats et se faire réélire en 2009.
Le RCD et les deux mouvements islamistes Mouvement pour la société et la paix (MSP) et Ennahda, ont appelé les candidats déclarés à "se retirer de cette tromperie électorale". Le candidat à la candidature Ahmed Benbitour, ancien Premier ministre, a annoncé lundi son "retrait", dans une déclaration écrite transmise à l'AFP. "En réalité, les urnes ne seront qu'un leurre et une piraterie légalement soutenue. Une fois de plus, en Algérie, les forces de la fraude auront pris le dessus sur l’argumentation convaincante", a-t-il justifié. Dans le camp présidentiel, l'atmosphère est à l'assurance sur l'état de santé, de M. Bouteflika, M. Sellal et d'autres proches répétant à l'envie qu'il "va bien".
Le Premier ministre l'a réitéré lundi, rappelant que la campagne "débutera dans les délais fixés par la loi", le 23 mars avec "des surprises", cité par l'agence APS. Amara Benyounes, président du Mouvement populaire algérien et ministre de l'Industrie, a tenu samedi un rassemblement à Alger au cours duquel il a affirmé que "c'est avec sa tête qu'il va gérer et non avec ses pieds".
AFP
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