Nous avons vécu ces derniers mois l’arrivée sur la scène politique d’un nombre incalculable de candidats à la magistrature suprême, 132 au dernier décompte dont on se demande pour certains s’ils ne sont pas à interner et pour d’autres s’ils ont le moindre sens de la mesure et du ridicule. C’est vous dire la légèreté de beaucoup face à cette lourde responsabilité, c’est vous dire la banalisation de la fonction même et c’est vous dire surtout la clochardisation de notre société.

Dans ce méli-mélo outrancier et sans lucidité, l’essentiel est occulté : au-delà d’une personne, le projet de société à élire, la nécessité d’un candidat du consensus démocratique pour faire barrage "au système" d’un éventuel quatrième mandat, à la résurgence d’un islamisme radical de plus en plus banalisé et assimilé par notre société et par la sphère politique et enfin, pour éviter les  conséquences désastreuses d’une guerre des clans risquant de faire basculer le pays dans un inconnu abyssal.

De quoi réveiller les morts qui ont eu plus d’ambition que nous en avons pour nous-mêmes et qui pour cela n’ont pas hésité à s’offrir un destin tragique pour épargner le nôtre.

L’histoire est là pour être source d’enseignements, mais hélas, chez nous, elle ne fait que se répéter. Souvenons-nous de la première élection du président Bouteflika. A la confirmation de sa candidature, tous les autres se sont retirés et aucun n'a eu la sagesse d'appeler à élire parmi eux un candidat unique non pas pour être assuré d’une victoire mais pour impulser une véritable dynamique démocratique quels que soient les verrouillages réels ou supposés. D’où nous vient cette culture du forfait ?

Je suis personnellement scandalisée de voir les appels au boycott de ces élections et de toutes les élections. Mesdames, Messieurs, une démocratie s’arrache au coude à coude et pour cela il faut être présent, il faut avoir une visibilité, il faut aller vers la construction du débat et vers la déconstruction du discours de l'autre avec des arguments et un langage accessible à tous. C’est la seule façon de conscientiser une société désabusée (à raison) et de construire la responsabilité citoyenne, la veille et l’éveil citoyens.

Est-il vraiment courageux, est-il vraiment responsable de déserter, encore une fois, face à la candidature d’un seul homme ? Comment voulez-vous être crédibles vis-à-vis de vos futurs électeurs et face à vos militants ? Pourquoi est-il plus facile à l’opposition d’appeler a un front du boycott alors qu’elle devrait appeler à un front d’union des démocrates. Il y a plus d’honneur à perdre une bataille que de battre en retraite.

Devant l’urgence et la gravité des échéances,  n’est-il pas nécessaire de faire preuve de maturité, d’humilité et de s’accorder sur une plateforme démocratique et cristalliser les efforts autour d’un seul candidat qui serait le candidat d’un projet de société à la mesure de nos attentes et digne de ce pays, digne de nos martyres?

Aux forces vives de l’Algérie, aux dignes héritiers de Abane Ramdane, à ceux qui n’ont pas perdu espoir malgré les turpitudes de l’histoire, il n'y a pas d’homme faiseur de miracle car le miracle c’est NOUS.   

Dr Sabrina Rahmani