Syrie: fragile unanimité du Conseil de sécurité de l'ONU
Le Conseil de sécurité de l'ONU a fait preuve samedi d'une rare unanimité pour adopter une résolution humanitaire sur la Syrie, mais plusieurs diplomates ont exprimé leurs doutes quant à son efficacité en raison de l'absence de sanctions automatiques.
L'adoption de ce texte -auquel s'est finalement rallié la Russie, qui avait un temps fait peser la menace d'un veto- a eu lieu alors que sur le terrain l'armée de l'air syrienne a mené de nouveaux raids dans la région de Yabroud, une importante ville rebelle au nord de Damas, et que d'importants combats faisaient rage à la périphérie de la capitale.
Le texte -présentée par l'Australie, le Luxembourg et la Jordanie, et soutenue par Londres, Washington et Paris-- appelle toutes les parties au conflit à lever immédiatement les sièges des zones peuplées et réclame la fin des attaques contre les civils. En outre, il "exige que toutes les parties, et en particulier les autorités syriennes, autorisent sans délai un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave".
L'ambassadeur français Gérard Araud a estimé que le Conseil avait "évité le déshonneur du silence" mais il a reconnu que Paris aurait souhaité "un texte beaucoup plus fort" et que son application "dépendait de la bonne volonté du régime syrien et de l'opposition".
"Faire pression"
La France, a-t-il affirmé, "proposera au Conseil de nouvelles mesures" si Damas traîne les pieds: cette décision "ne va pas bouleverser du jour au lendemain la situation sur le terrain (...) c'est un premier pas".
"C'est la mise en oeuvre qui compte", a aussi souligné l'ambassadrice américaine Samantha Power, appelant "tous les pays membres de faire pression sur Damas" afin d'appliquer d'urgence cette résolution.
Un avis partagé par le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague: "Nous n'hésiterons pas à retourner devant le Conseil de sécurité si le régime Assad ne respecte pas ce qui est demandé dans cette résolution", prévient-il dans un communiqué. Son homologue français Laurent Fabius a lui aussi dit espérer que les demandes du Conseil soient "suivies d'effets".
L'ambassadeur russe Vitali Tchourkine a pour sa part estimé que les amendements imposés par Moscou avait permis d'aboutir à "un texte équilibré". "La souveraineté de la Syrie doit être respectée et l'avis de son gouvernement pris en compte" lors d'opérations humanitaires, a de son côté rappelé un porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Loukachevitch.
Dénonçant une politisation du dossier humanitaire, l'ambassadeur syrien Bachar Jaafari a quant à lui assuré que le gouvernement de Damas s'était efforcé "d'améliorer la situation humanitaire".
La résolution -âprement négociée avec Moscou- ne prévoit pas de sanctions automatiques mais laisse ouverte la possibilité d'agir ultérieurement contre les récalcitrants. Il faudra alors toutefois une nouvelle décision du Conseil, que la Russie bloquerait à coup sûr.
Barils d'explosifs
Depuis le début de la crise syrienne en mars 2011, la Russie et la Chine ont bloqué à trois reprises des résolutions occidentales visant à faire pression sur le régime syrien. Le Conseil avait déjà adopté le 2 octobre 2013 une déclaration réclament un meilleur accès humanitaire en Syrie mais elle était restée lettre morte. Depuis, la situation s'est détériorée, avec plus de 140.000 morts en trois ans, selon des ONG, et des millions de Syriens déplacés ou exilés.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a espéré que la résolution "puisse atténuer une partie des souffrances de la population syrienne", soulignant que des millions de Syriens étaient "hors de portée" des agences humanitaires: selon l'ONU, 200.000 personnes sont assiégées dans les zones contrôlées par le gouvernement et 45.000 dans celles contrôlées par l'opposition.
Sur le terrain, dans et autour de Yabroud, des bombardements ont à nouveau eu lieu samedi, y compris par voie aérienne. Les troupes du régime de Bachar al-Assad ont lancé une offensive il y a deux semaines pour reprendre cette ville, située dans la région montagneuse du Qalamoun, près de la frontière libanaise.
Sur un autre front, des combattants kurdes ont pris la ville de Tal Barak (nord-est), jusqu'alors tenue par le groupe jihadiste de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.
A Alep (nord) et Al-Naimeh, un village de la province de Daraa (sud) des hélicoptères de l'armée ont lancé des barils d'explosifs sur des quartiers tenus par les rebelles.
AFP
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