Bouteflika a-t-il éteint le vrai-faux incendie allumé par Saadani ?
Dans le brouhaba soulevé par Amar Saadani, il y a des Algériens, jeunes, qui ne sont pas dupes.
Par Hassane Zerrouky
Ce samedi, ces jeunes impertinents, qui ne respectent rien, qui n’ont pas écouté l’intervention du président Bouteflika lu par le ministre des moudjahidine, se sont donnés rendez-vous à l’Université de Bouzareah. Ils organisent le premier rassemblement contre le quatrième mandat ! Et gageons que les "baltaguiya" seront présents pour gâcher ce rassemblement comme ils avaient tenté de le faire en février 2012 – j’étais présent – à la place du 1er Mai – lors des rassemblements organisés par la CNCD (Coordinatination nationale pour le changement et la démocratie) emmenée par Ali Yahia Abdenour.
Et qu’importe le nombre des personnes qui répondront à l’appel du collectif qui organise ce rassemblement, l’essentiel c’est de marquer les esprits, de réveiller ces "cellules dormantes de la démocratie" - car elles existent. La condamnation du caricaturiste Djamel Ghanem de la Voix d’Oranie, agressé de surcroit par des "balataguiya locaux" en plein centre d’Oran, a fait réagir de nombreux Algériens, pas seulement les journalistes. En Kabylie, la réaction de ces femmes habillées en tenue traditionnelle qui se sont rassemblées devant ce collège où une collégienne a été renvoyée parce qu’elle s’est présentée en tenue traditionnelle kabyle témoigne de cette résistance au wahabbisme rampant qui ronge la société algérienne avec l’aval de certains cercles du pouvoir. Si cette collégienne s’était présentée coiffée d’un foulard et vétue d’un hidjab, elle n’aurait sûrement pas été renvoyée.
Poursuivons. Outre le M’zab, où les Mozabites ne veulent plus faire le dos rond, ces deux exemples que je viens de citer– il en existe des dizaines dont on parle peu – adossés à ces luttes sociales qui ont cours un peu partout dans le pays dénotent de la vitalité d’une société que le pouvoir politique, imbue de lui-même, sous-estime manifestement, une société qui s’exprime avec ses mots, sans grande analyse, via la rue et les réseaux sociaux !
Venons-en au débat qui a agité – il n’est pas fini – le pays ces derniers temps. Amar Saadani a agit en bon petit soldat d’un clan au pouvoir. Cet homme – c’est lui qui l’affirme – qui n’a jamais rencontré Abdelaziz Bouteflika, qui a parlé en son nom et mobilisé l’appareil du FLN au service du quatrième mandat, a fait le boulot qui lui était demandé. En chargeant, comme un bélier des steppes algériennes, le DRS et son chef le général Mohamed Mediene, dit Toufik, sans être inquiété, il a en partie réussi. Certes, le chef du DRS n’a pas été déboulonné car c’était le but de cette attaque lancée par Saadani. Mais ce qui a fait réagir Abdelaziz Bouteflika où ceux qui ont écrit en son nom le communiqué lu par le ministre des Moudjahidine, c’est le fait que les propos de Saadani ont décrédibilisé le DRS en tant qu’institution et partant l’armée auprès des voisins de l’Algérie et de ses partenaires occidentaux. Que le chef de l’Etat ait tenté, par la suite, de corriger le tir, de prendre la défénse du DRS et de l’armée, d’incriminer la presse qui s’est fait l’écho des affirmations de Saadani, n’enlève rien au fait que le mal a été fait !
Quoi qu’il en soit, le système politique algérien est à un tournant. Un, c'est du moins ce que suggère la lecture de la double intervention de Bouteflika. Deux, la question de savoir si la violente charge d’Amar Saadani signifie le début de la fin de la toute puissance du DRS reste plus que jamais d’actualité. Trois, ce qui accrédite cette thèse, est ce long article écrit par l’ex-colonel Chafik Mesbah dans Le Soir d’Algérie de jeudi dernier dans lequel il prend la défense en règle de son ancien chef le général Mediene et qui suggére que ce dernier – c’est la lecture que j’en fais – est sur la sellette. Enfin, le mandat d’arrêt délivré par le tribunal de Blida, lequel serait un proche, selon TSA de Toufik Mediene, signifie sans doute que l’offensive contre ce département de sécurité est loin d’être terminée ou qu'elle en est qu'à ses débuts. En résumé, l’incendie allumé par Saadani est loin d'être éteint : le feu couve encore sous la braise. Et le quatrième mandat est encore d’actualité puisque le principal concerné (ou ceux qui pensent et agissent à sa place) fait comme si de rien n’était.
Pour conclure, c’est à la lumière de ces faits et d’un contexte national marqué par de fortes tensions sociales et identitaires non résolues et un contexte régional radicalement transformé, qu’il faut analyser la sortie de Mouloud Hamrouche. Et, bien sûr, ce début de réveil de la société civile, évoqué en début d’article. On y reviendra.
H.Z
Commentaires (9) | Réagir ?
merci
L’intitulé de cet article : Bouteflika a-t-il éteint le vrai-faux incendie allumé par saadani ? – m’a induit en erreure. J’ai cru lire Bouteflika s’est éteint.