Vae Victis : malheur aux vaincus de la présidentielle !

L'élection présidentielle comporte plusieurs inconnues.
L'élection présidentielle comporte plusieurs inconnues.

Il n’y a pas à dire, les expressions latines font toujours leur petit effet. Parmi elles, "Vae Victis" et sa traduction "malheur aux vaincus", sonnent particulièrement bien à l’approche des élections présidentielles d’avril 2014.

L’expression s’emploie encore de nos jours et signifie que le vaincu est à la merci du vainqueur. A quelques encablures des prochaines élections, les dirigeants politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, prennent conscience de la fragilité de leur situation, entre le peuple mécontent et insatisfait, l’occident exportateur du «printemps arabe», et l’animosité affichée, aux frontières, par les pays dits "frères" dénués de scrupules et souvent mus par des visées criminelles, si l’on se réfère aux énormes cargaisons de drogue, délibérément déversées dans notre pays, à des fins de déstabilisation. Ajoutons à ce décor, la tentative d’espionnage à laquelle s’est livré un ressortissant marocain, pour nuire à notre pays et le présenter comme un pays révolté et instable.

Tout ce monde se retrouve entre le marteau et l’enclume ; les politiques et le pays avec, se cherchent dans la grisaille en attendant que tous les protagonistes du jeu électoral, les vrais, soient connus. Il y a, déjà, une génération qui n’a pas su partir à temps, qui a peur du néant et de la fin de l’histoire. Elle est accompagnée d’une classe de hauts fonctionnaires serviles, égoïstes, sans sens de l’Etat, mais souvent, régionalistes ou peureux et angoissés par la perspective de la disgrâce (1). Ils ont commencé à y goûter, pour un certain nombre, eux qui étaient, hier, Secrétaires Généraux ministrables et Directeurs Généraux impitoyables, faiseurs et défaiseurs de carrières. Leur téléphone, symbole de leur puissance perdue, ne sonne et ne sonnera plus. Vae Victis, malheur aux vaincus ! 

Ceux qui sont encore en poste, doivent-ils abandonner l’attelage, maintenant qu’il se murmure l’hypothèse que le président ne se portera pas candidat à un quatrième mandat ? Doivent-ils changer de braquet et aller voir, opportunistes qu’ils sont, du côté d’Ali Benflis, qui, semble-t-il tiendrait la corde, et faire repentance ? Ils pourront tout perdre à cause de leur manque de courage et de leur opportunisme. Vae Victis, malheur aux vaincus ! Doivent-ils rester, s’assumer et accepter «la défaite», leur retrait du pouvoir et la fin de leurs privilèges, maintenant «que la campagne en faveur d’un quatrième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, s’est faite moins assourdissante et que même Amar Saâdani a baissé d’un ton, même s’il persiste à s’accrocher à la perspective d’un quatrième mandat synonyme pour lui d’une place de Premier Ministre.

Ce dernier, tout comme son prédécesseur à la tête du FLN est, de plus, soupçonné par ses détracteurs de nourrir des ambitions présidentielles au cas où le président en exercice renoncerait à se représenter. Ceci lui vaut, bien sûr, l’animosité et les critiques féroces de Belayat et Consorts ; d’ici avril 2014, l’un ou les autres laisseront des plumes et verront leurs carrières politiques stoppées net. Malheur aux vaincus ! Saâdani pour sa part joue gros, car son insistance risque de lui être fatale dans la mesure où, comme l’a fait remarqué un chroniqueur «le casting sur lequel il mise sa carrière n’est pas du 100% acquis».

Kamel Daoud, pour sa part, pense qu’Abdelmalek Sellal, dans l’option où le président ne postulerait pas pour un quatrième mandat, serait «l’homme du consensus et de la continuité et qu’il a sa chance parce qu’il n’est l’ennemi de personne, pas même l’ennemi de lui-même comme certains ministres».

Lui-même s’en défend, mais, semble-t-il, beaucoup commencent à parier sur lui, au moins comme "vice-président". Il a eu, au moins, à clarifier sa position lors de sa visite dans la wilaya de Blida : "il est pour Bouteflika et rien, sauf la mort, ne lui fera changer d’avis"», a-t-il dit, à en croire Ennahar TV qui a rapporté l’information.

En définitive, tous ces réseaux politiciens ne savent plus sur quel pied danser. A trop temporiser, à s’entêter à garder un pied dans chaque camp et la tête à l’étranger pour un certain nombre, ils risquent de tout perdre. Vae Victis, malheur aux vaincus ! Vous l’aurez compris je parle de tous ces opportunistes qui s’accrochent aux basques des « présidentiables » et notamment le plus «banquable» d’entre eux, je veux dire le président de la République. Gageons qu’ils attendront le dernier moment pour se positionner et prendre le train en marche, eux-mêmes et la clientèle des fils de et de la sœur de.

Pendant ce temps-là, «les Brutus» affûtent leurs armes. Rappelons que Brutus, c’est celui qui voulait tuer le père, César en l’occurrence; il est peut-être embusqué au FLN, au MPA ou très probablement dans le TAJ. Pour le chef du FLN, les opposants à la révision de la constitution avant la Présidentielle, sont aussi opposés à la candidature de Bouteflika pour un quatrième mandat ; en disant cela, Saâdani ne vise pas uniquement les partis d’opposition ou le groupe dit des quinze qui comprend notamment le MSP, le RCD, des personnalités proches d’Ali Benflis et de Benbitour, mais aussi des opposants de son propre camp, affichés redresseurs comme Belayat, ou qui sont dans le pouvoir au sein même du gouvernement comme le ministre du développement industriel ou Amar Ghoul.

Amara Benyounes, réputé, pourtant, proche du Premier ministre, a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’y aura pas de révision de la constitution avant les présidentielles ! Après l’accrochage verbal entre Sellal et Saâdani sur les changements au sein du DRS, les intentions et peut-être même les ambitions des uns et des autres sont, semble-t-il, désormais claires. Et l’enjeu c’est les présidentielles voire la conduite du gouvernement pour l’un ou la vice-présidence pour l’autre, en cas de révision de la constitution.

Ceci donc en ce qui concerne «les Brutus» et les "Eric Besson" de chez nous qui n’iront pas jusqu’à attenter à la vie du Président, cela vous l’aurez compris, mais qui commencent à rêver, chaque matin en se rasant, du palais d’El Mouradia et des dorures de la République.

Avant d’aborder l’idée concernant les "Eric Besson" locaux, rappelons, pour ceux qui ne connaissent pas encore ce personnage politique français, qu’il est l’incarnation de "la traitrise en politique". Il est passé, le temps d’une campagne électorale, entre les deux tours de la présidentielle française, de soutien de la candidate socialiste Ségolène Royal à soutien zélé de Nicolas Sarkozy candidat de la droite. Une fois élu, ce dernier l’a nommé ministre, responsable du "pôle de gauche".

Pour identifier, un tant soit peu, les émules algériens de ce personnage, écoutons Abdelkrim Djaad, qui disait ceci dans sa lettre de vœux au président (Le Soir d’Algérie du 08 janvier 2014) : "Nombre de vos principaux ministres, entend-on déblatérer les mauvaises langues, ont été accusés d’être de la curée, sans incidence, naturellement, sur le cours tranquille et rémunérateur de leurs carrières. Vos thuriféraires n’ont eu ni l’élégance, ni la reconnaissance du ventre pour vous présenter leurs vœux, occupés qu’ils sont, à chercher un autre chaperon. En homme rompu aux arcanes des sérails politiques, vous avez dû probablement vous préparer à ces ingratitudes en usage sous nos méridiens. Cette faune invertébrée qui «prend le pli de l’absurde» dès qu’elle le «découvre» pour paraphraser Camus, s’écoule facilement pour qui veut bien l’acheter. Vous connaissez son prix puisque vous avez eu, souverainement, à le fixer. Ne soyez donc pas dépité par ces trahisons précoces, elles sont constitutives du brouet politique que vous avez si savamment concocté. A l’orée d’une année placée sous le signe d’une dangereuse incertitude, les dithyrambes de vos déjà es-obligés seront réservés à celui qui aura l’himalayesque tâche de vous succéder.

Au cas où le prochain suzerain les recyclerait dans une configuration qu’il aurait dessinée. Mais pour faciliter leur intégration, ils auront à vous accuser de tous les maux qui ont eu à émailler notre règne long comme des années sans pain. Madrés, traîtres à souhait, ils ne vont s’emberlificoter d’aucune considération pour défendre votre bilan ou protéger votre honneur. Leurs seules compétences consistent, précisément, à tirer sur des ambulances. Ils ont été biberonnés à la chose jusqu’à la poussée tant attendue de leurs premières canines. Ils vous accuseront avec ce cynisme épais et cette lippe des mauvais jours d’avoir réduit ce pays à néant.

Les entendez-vous, Monsieur le président, quand ils récitent à tue-tête, la litanie de tous les maux qui ont chahuté vos quinze années de pouvoir ? Ont-ils été quelque peu responsables, fût-ce de manière tangentielle ? Que non, bien évidemment ! Ils vous ont refilé le bébé avec l’eau du bain. A eux l’argent et les honneurs. A vous l’infamie et le désamour». Il y a aussi la tiédeur du RND qui a certes confirmé son soutien au président pour peu qu’il se représente, même si certains pensent que cette nuance de «retenue» est due à l’absence de visibilité qu’il y a autour de la prochaine présidentielle».

Dans ce camp-là, on ne veut pas subir le sort d’Ahmed Ouyahia et conséquemment «on ne veut pas insulter l’avenir», on reste à l’écoute et surtout on garde «le doigt en l’air» pour humer le vent favorable. Bien évidemment, ils seront présents, les Bensalah, Chorfi, Nouria Hafsi et les autres, pour battre la campagne, mégaphone à la bouche et aux couleurs du candidat favori en avril 2014, fut-il celui du « consensus », qui les protégerait, et dans le même temps, ferait pérenniser le système et gonflerait, davantage, leurs acquis.

Dans le camp des "opposants-partisans", parmi ceux qui ont (presque) tourné casaque, il y a déjà Louisa Hanoune, fervente supportrice du président de la République, qui depuis peu, a opté pour un discours plus critique envers les réalisations bouteflikiennes qu’elle a qualifiées d’échec, rompant avec sa traditionnelle défense du bilan présidentiel (2). 

En revanche, le camp des "comités de soutien" au programme du président Bouteflika, a sorti un étrange communiqué, signé par Abdelghani Touhami et plusieurs coordinateurs de wilaya, dans lequel "ils disent avoir élaboré une stratégie pour consolider un candidat épris des valeurs de la révolution algérienne, de la justice et capable de mettre en place une équipe qui est à même de trouver des solutions aux problèmes économiques du pays". Ces gens là pensent que le candidat Ali Benflis, qui les a reçus dernièrement est le seul capable de rassembler l’élite algérienne et construire un Etat qui survivra aux hommes" (3) Vae Victis, malheur aux vaincus !

Qu’en déduire si ce n’est que notre monde politique est bien confus et que la loyauté en politique, tout comme les idées sont absentes. Dans notre pays, les politiciens tuent le débat. En l’espèce l’opposition (combien de divisions ?) est, par exemple, contre un quatrième mandat pour le tenant du poste. On peut voter x et revenir dix ans en arrière ou plus encore on votera y et on se déportera dans les années 90 et avec elles les drames qu’elles ont charriés.

On peut s’abstenir de voter, cela ne fera que pérenniser le système. L’exutoire, c’est la violence du printemps "dit arabe", et le retour de la décennie noire. Personne n’en veut. Le peuple dit-on, ne sait pas voter ; faut-il pour autant revenir sur le suffrage universel ? Personnellement, j’ai toujours voté. Tenez pour les présidentielles d’avril 2014, même si je ne sais pas pour qui je vais voter au premier tour au regard de la cohorte des candidats à la candidature d’Algérie, de France et de Navarre, je sais à qui je réserverai ma voix au second tour : je voterais pour le candidat le moins sectaire.

En définitive, quand est-ce qu’on ouvrira les yeux ? Il n’est ni juste, ni sain, que ce soient toujours les mêmes qui gouvernent, et notre constitution doit être conçue de telle manière qu’elle permette l’alternance.

Dans la démocratie moderne, l’alternance se définit comme la succession au pouvoir dans les organes de l’Etat. Elle ne concerne, évidemment pas, les autorités juridictionnelles de l’ordre administratif ou judiciaire. Les walis, les Chefs de Daïra, les dirigeants des grandes chaines de télévisions et de radios publiques et les autres grands commis de l’Etat n’ont pas, en principe, à craindre pour la suite de leurs carrières, quel que fut le locataire d’El Mouradia (4). 

L’alternance ne s’appliquant qu’à des organes élus par le peuple. Elle est une exigence de la démocratie qu’on peut faire remonter à la Grèce Antique ; il est plus qu’urgent de consacrer, constitutionnellement, cette notion en tant qu’élément fondamental et fondateur qui doit être respecté et pratiqué par tous ceux qui auront la charge de gouverner et de se succéder à la tête de l’Etat.

Malheureusement en politique, telle qu’elle est pratiquée dans nos contrées d’ici-bas, il ne subsiste qu’une règle : chasser ou être chassé et … Vae Victis, malheur aux vaincus ! 

Cherif Ali

Renvois :

1) Kamel Daoud in Le Quotidien d’Oran du 08/01/2014

2) Moncef Wali, "Les grandes manœuvres en place", Le Quotidien d’Oran du 10/01/2014

3) Saïd Rabia "Des comités de soutien pour Bouteflika optent pour Benflis", El Watan du 06/01/2014

4) Cherif Ali "Quels walis pour 2014 ?", Le Quotidien d’Oran du 09/01/2014

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