Le projet de loi sur l'audiovisuel sous le feu des critiques
La nouvelle loi sur l'audiovisuel en Algérie présentée mardi aux députés, destinée à mettre fin au monopole d'État, a été vivement critiquée par l'opposition qui lui reproche d'imposer aux futures chaînes de télévision privées d'être thématiques, et de limiter leurs émissions d'information.
Le gouvernement louvoie, joue sur les mots, les députés freinent des quatres fers, pinaillent. Dédicément l'ouverture de l'audiovisuel au privé agace le pouvoir. Celui-ci se refuse encore à lâcher la bride. "Cette loi ne répond pas aux exigences de notre époque. Le gouvernement a clairement exprimé son intention d'aller vers la limitation et la mise sous tutelle d'un secteur qui n'existe même pas" encore, a déclaré Lakhdar Ben Khellaf du Front de la Justice et du développement (islamiste).
"Le pouvoir s'est arrogé le droit de suspendre une chaîne de télévision grâce à une très longue liste d'interdits contenus dans cette loi. C'est une loi qui traduit la volonté du pouvoir de conserver le monopole dans ce domaine", a encore dénoncé M. Ben Khellaf.
En présentant le texte, le ministre de la Communication Abdelkader Messahel a déclaré qu'il entrait dans le cadre des promesses de plus grande démocratie faites par le président Abdelaziz Bouteflika dans son discours d'avril 2011. Ce discours avait été sa première réaction au Printemps arabe et aux émeutes sanglantes de janvier 2011 suivies de plusieurs semaines de manifestations en Algérie. A cette occasion, le président avait annoncé un certain nombre de réformes restées toutes sans suite.
Monopole public de 52 ans sur l'audiovisuel
Mardi, les débats se sont focalisés sur l'article 17, qui oblige les nouvelles chaînes de télévision à diffuser des programmes spécialisés pour un public ciblé. En clair, le pouvoir ne veut pas de chaînes généralistes. Il préfère des thématiques qu'il pourra museler à sa guise. Pour la députée Kheira Khaldi, membre du groupe parlementaire islamiste de l'Alliance verte, "imposer la thématisation est contraire au principe même de l'ouverture du secteur de l'audiovisuel". L'article 17 limite également la durée des émissions d'informations, qui sera fixée dans le texte d'attribution de la licence pour les nouvelles chaînes.
Abdelghani Boudebbouze, du même groupe parlementaire, a accusé de fraude la Commission de la communication de l'Assemblée, qui avait mené un premier examen de ce projet de loi. Le texte présenté mardi, selon lui, a été amputé des amendements apportés par les députés de cette commission à la première mouture de la loi.
La loi doit être votée le 20 janvier par les députés puis présentée au Conseil de la Nation (Sénat) avant d'être signée par le président. Mais il n'est pas certain qu'elle puisse aboutir avant la fin de la session actuelle et la présidentielle d'avril.
Il existe actuellement en Algérie cinq chaînes de télévision, sept radios nationales et 48 radios locales, toutes publiques. Depuis plusieurs mois cependant, près d'une dizaine de chaînes de télévision privées algériennes "tolérées" diffusent leurs programmes depuis l'étranger, tout en disposant de studios et d'équipes en Algérie. Des chaînes de droit privé réputées pour leur proximité manifeste avec le pouvoir. Une députée du Front de Libération national (FLN, au pouvoir), Noura Boudaoud, a vivement reproché à ces chaînes de "dépasser toutes les limites et travailler sans contrôle".
La nouvelle loi mettra fin à 52 ans de monopole public sur l'audiovisuel, bien que la liberté de la presse ait été accordée dans les années 1990. En ce qui concerne la naissance de radios privées, M. Messahel avait récemment indiqué qu'elles devraient attendre au moins trois ans faute de fréquences suffisantes. Autrement dit, on est encore loin du compte. Et le pouvoir n'est manifestement nullement disposé à ouvrir sérieusement le champ audiovisuel surtout à la veille d'une échéance aussi capitale que la présidentielle.
R.N./AFP
Commentaires (3) | Réagir ?
Le sieur Messahel n'est qu'un guignol entre les mains du Pouvoir; il ne faut pas lui en vouloir.
Dans une vraie démocratie, il faut affronter les réalités du terrain avec des alternatives crédibles et non pas avec les mensonges et autres subterfuges.
Nos gouvernants ont une peur bleue de se regarder devant un miroir.