Kabylie : les chimères de nos espérances
Au lendemain de sa défaite historique en 1857 face aux Français, la Kabylie a cessé d'exister en tant qu'entité politique, distincte du reste des composantes des nouveaux États qui se profilaient en Afrique du nord.
La défaite de 1857, achève ce qui restait de l'identité politique et de l'organisation étatique de la Kabylie. J'entends par "Kabylie", l'ensemble du territoire s'étendant des plaines de l'Algérois (La Mitidja) à l'Ouest aux confins de la plaine d'Annaba et du pays des Aurès à l'Est, que j'appellerai "la Kabylie fondatrice".
Perte de sentiment d'appartenance, perte de population
Cette perte de souveraineté s'est accompagnée d'une perte de tout ce qui fut l'essence même de l'identité kabyle, c'est-à-dire le sentiment d'appartenance à cette région-patrie. La présence française, succédant à celle des Turcs et des Arabes, achève l'isolement et la "dislocation" de cette ancienne intégration étatique. Dès la fin du XIXème siècle, l'exode des kabyles vers d'autres régions d'Algérie, et par la suite vers la France, vide inexorablement la Kabylie de sa substance humaine.
La migration de nombreuses populations a privé la Kabylie dans un premier temps de son élite et dans un deuxième temps de ses bras ouvriers, fermiers et artisans; laissant ainsi toute une région en proie à la misère et soumise au travail de destruction des différents envahisseurs, présents d'une manière ou d'une autre. Même si la Kabylie se politise dès le début du XXème siècle, elle ne se pensait plus comme une entité indépendante, ou reconquérante, mais comme une partie dans un ensemble colonial, qui était alors l'Algérie française.
Occasion manquée
Au lendemain de l'avènement de l'Organisation des Nations Unies (1945), la Kabylie, influencée par les mouvements de libération nationale, devait être le leitmotiv de la guerre d'indépendance. Dans un contexte de guerre froide et forte d'un soutien appuyé des pays arabes et nord-africains nouvellement indépendants, la région entre en guerre contre la France, au nom d'une future république algérienne aux contours incertains pour ses propres habitants.
Le refus des leaders kabyles, pendant la guerre d'indépendance de l'Algérie, d'inscrire un statut particulier pour le pays kabyle dans la charte de l'Algérie indépendante est plus que désolant, et s'avérera plus tard lourd de conséquences. On aurait épargné des vies, et des plus précieuses. Cela dit, le contexte international de l'époque ne permettait pas une vision fédéraliste ou autres modes plus respectueux des réalités sociales, ethniques et politiques de l'Algérie postcoloniale.
Il ne s'agit pas ici de faire une étude historique mais bel et bien un bref rappel des réalités des mouvements de décolonisation amorcés sous l'égide des Nations Unies. Et de ce qu'implique l'enchaînement des événements survenus au lendemain de l'indépendance de l'Algérie.
L'idée autonomiste ou séparatiste n'a jamais fait son chemin
A l'heure actuelle, il est aisé d'observer le manque d'intérêt que porte le peuple kabyle à sa propre cause, j'ai eu l'occasion de constater ce désintéressement partout où il y a concentration de nos concitoyens: en Kabylie, en Algérois, en Europe et en Amérique du nord. Quelle est donc la cause de ce mutisme des intellectuels, des vrais militants et de tous ceux qui peuvent et n'osent pas bouger? Pourquoi ce peuple jadis si fier se laisse-t-il berner par de faux combats et de fausses résistances?
Au-delà des nombreuses trahisons des partis politiques classiques implantés en territoire Kabyle, on peut constater la perte des valeurs kabyles au niveau des villes, des villages et même au sein de la famille et des individus qui la composent. L'avènement de l'idée autonomiste-séparatiste, en germe déjà à la veille de l'indépendance, relancée courageusement par Lounès Matoub dans les années 1990, en la poussant progressivement vers l'indépendance comme solution, fera des adeptes dans les milieux intellectuels et commence à se faire connaître dans les milieux populaires au début des années 2000.
Progressivement, l'idée d'autonomie perd de son charme, de son caractère révolutionnaire voire même de son attrait pour un idéaliste comme moi! L'idée autonomiste, indépendantiste ou séparatiste n'a jamais fait son chemin au sein de la population du pays profond. Sans doute, parce que ses soi-disant défenseurs d'aujourd'hui étaient ses ennemis d'hier et ses actuels pseudo-prometteurs étaient ses fossoyeurs de jadis. On n'est pas un grand homme parce qu'on défend une grande cause, on est un grand homme parce qu'on a fait du rêve d'un peuple une grande cause. Avis aux amateurs...
Ils veulent se faire un nom sur le dos de la Kabylie
L'absence de leaders kabyles ayant une vision juste et sincère laisse le champ libre aux médiocres, aux "sans-valeurs", aux fantasmes de chacun et de chacune. Tout le monde veut être le Massinissa d'aujourd'hui, tous se réclament de l'immense Matoub, de Masin Uharun, de ces hommes et femmes qui ont fait aumône de leurs vies. Et de tous ceux qui restent isolés, dénigrés ou moqués, je pense à l'ami Medjeber et tous ceux acculés par l'infamie et la bêtise des nôtres, malgré nous.
La Kabylie est prise en otage par ses soi-disant défenseurs, ces hommes et femmes qui veulent dénaturer le visage de la mère-patrie. Les agitateurs d'aujourd'hui ne visent ni l'autonomie ni l'indépendance comme objectif, ils veulent juste être là, comme aucun autre cheval de bataille n'est disponible ou accessible. Ils veulent se "faire un nom sur le dos de la Kabylie" (une expression bien de chez nous). Ils s'imaginent une terre nouvelle qui aura tout importé d'ailleurs, on proclame en grande pompe une Kabylie laïque! Ne l'est-elle pas déjà? Ou s'agit-il d'un moyen d'attaquer la grande majorité de kabyles musulmans de bonne foi? Le risque est de tuer l'islam kabyle et de le remplacer de fait par une secte intégriste et anti-kabyle; une Kabylie qui sera la négation d'elle-même, une Kabylie de débauche et de saleté, une terre qui sera une fois de plus le théâtre d'autres civilisations, autrefois romaine, ottomane et arabe, aujourd'hui à la mode thaïlandaise.
Mon seul combat est l'émancipation de la Kabylie
Je refuse la fatalité imposée par ces médiocres, je refuse ce modernisme aveugle et facile, je refuse l'orientalisme et je refuse l'occidentalisation de ma patrie. Je refuse d'être un autre que moi-même. Je me fais le porte-parole de tous ceux qui sont attachés à cette terre, de tous ceux qui refusent encore de céder au chant des sirènes de la luxure, de la débauche et de l'extrémisme religieux de tous bords. Comme si pour guérir de la jambe, il fallait sacrifier un bras!
Mon seul combat est l'émancipation de la Kabylie; une terre de liberté et de prospérité, une terre qui ne cède à aucun extrémisme, à aucun chantage. Une patrie pure et fière qui ne veut pas de ces pseudo-défenseurs ni de leurs vraies-fausses solutions importées d'ailleurs. Le pays kabyle est encore plus vaste, plus riche et plus noble que tout cela.
Le spectre de la désolation est partout, dans chaque coin et recoin de la Kabylie. On a évincé le droit de vivre au profit du droit de danser, on a fait abstraction des problèmes économiques, environnementaux, sociaux et moraux et on est entré dans un dénigrement de nos propres valeurs kabyles. La liberté religieuse est ancrée dans notre société, je revendique la liberté de conscience et ma conscience m'impose le respect de celle des autres.
Un événement majeur marque à tout jamais le glissement de la Kabylie vers sa dépersonnalisation: l'assassinat de Lounès Matoub, en juin 1998. La disparition du symbole fédérateur sonne la fin d'un monde pour la Kabylie (accentuée par l'espoir puis le désespoir suscité par la révolte de 2001, elle-même trouve ses racines dans la disparition du "Vigile du sol et du sang"). La patrie a perdu son dernier rempart contre l'incursion étrangère et le bal des prétendants est ouvert à tous les médiocres, les faux-frères et les véritables ennemis. Alors le vrai peuple kabyle (notion défendue pour la première fois par Matoub politiquement, et moi le premier juridiquement dans un texte datant de 2008, intitulé : "Le peuple kabyle et le droit à l'autodétermination"). A cette époque, je me souviens que tous les pantins qui arborent aujourd'hui fièrement cette notion, dont le vrai sens leur échappe, étaient contre, hostiles voire moqueurs.
J'appelle de tous mes vœux l'avènement d'une nouvelle conscience kabyle. C'est à chacun de nous de contribuer à sa façon à poser les fondations d'une nouvelle entité kabyle ouverte sur le monde, mais avant tout kabyle. La jeunesse désabusée et ignorée doit faire entendre sa voix, a le devoir de revendiquer son enracinement ancestral, son refus de mimétisme des fléaux occidentaux et des vents envahisseurs de l'Orient. C'est aux intellectuels de réfléchir et de proposer une sérieuse sortie de cette crise de confusion et de résignation. Enfin, c'est aux anciens de servir de guides et de vigiles à notre mémoire collective.
Tous pour l'émergence d'un bloc nouveau qui érigera l'humain et la liberté au rang de l'idéal kabyle.
Nassim Saïd
Doctorant en droit international
Commentaires (11) | Réagir ?
au fait, à part traiter tous ces militants autonomistes comme autant de médiocres cherchant à se faire connaitre sur le dos de la Kabylie, que proposez-vous au juste ? rien si ce n'st nous faire savoir que vous-même êtes le premier à avoir parlé d'autodétermination en prenant le soin d'accoler votre nom à celui de Matoub Lounes! et vous accusez les autres de vouloir se faire un nom ?!
Il est rare de trouver autant de mauvaise foi, de prétention et de stupidité dans un même article, monsieur le doctorant en ta3dawt!
c'est pathétique!
quand à Ferhat Imazighen, que vous visez clairement, vous n'existiez pas encore, même pas à l'état de larve, quand il subissait les affres de la repression, alors susem kan, axir-ak! vous avez de la chance que le ridicule ne tue point, wamag
En d'autres termes, Ma ur d yezwir winnik, wayed ur k-isenttaray!! = Si ça ne vient pas d'un proche, l'autre ne peut rien contre toi!
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