Le Maghreb confronté à la sécurité dans la zone sahélo-saharienne
Les tensions géostratégiques actuelles au Sahel impliquent des stratégies d’adaptation qui interpellent tant l’Algérie et plus globalement le Maghreb et l’Europe, objet de cette contribution
1.- Dans ce cadre, Mansouria Mokhefi et Alain Antil qui dirigent respectivement les programmes «Maghreb/Moyen Orient» et «Afrique subsaharienne» de l'Institut français des relations internationales (IFRI ont publié un important ouvrage collectif, juste avant l’intervention de la France au Mali intitulé «le Maghreb et son sud : vers des liens renouvelés» qui répond à certains questionnements à savoir la sécurité du Maghreb et de l’Europe (1). L’ouvrage met en relief les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’Europe qui doit être attentive aux stratégies des pays du Maghreb en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. En effet, depuis des siècles, le Maghreb est lié avec l’Europe beaucoup plus étroitement qu’avec ses voisins du sud.
2.- Ainsi sont analysées, les politiques africaines de l’Algérie et du Maroc, politique de l’Afrique du Sud vis-a?-vis du Maghreb, les mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, les conséquences pour la région de la sécession d’un Nord-Mali, l’importance des échanges économiques (formels et informels) et des échanges humains de part et d’autre du Sahara, les flux migratoires notamment des migrants subsahariens qui s’installent désormais dans les pays du Maghreb. Les auteurs expriment ainsi l’unite? croissante d’un espace jusqu’ici renvoyé? a? des logiques géopolitiques divergentes, et renouvellent aussi la vision que les Européens, peuvent avoir de notre Sud en évitant une vision européo-centriste.
3.- Ils mettent nettement en relief, l'ancienneté du système caravanier transsaharien, l'unité culturelle forgée autour de l'Islam et l'existence d'un «complexe de sécurité» dans la bande sahélienne et les dangers de la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’Islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme avec des menaces réelles tant au Maghreb, qu’en Europe. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de la conception de l’Islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel. Entre les frères musulmans qui encouragent les le maraboutisme (zaouias) dominantes d’ailleurs au Maghreb financé par un pays comme le Qatar, et les djihadistes largement financé par l’Arabie Saoudite qui y voient une dérive de la religion, comme en témoigne la destruction des mausolées au Mali lors de l’occupation dans certains régions par les djihafistes.
4.- Du point de vue géographique et politique, le Maghreb comme le rappelle justement les auteurs, aspects qui seront largement développés dans d’autres contributions sur le Maghreb, à paraitre courant décembre 2013 (2) était et reste toujours une sorte de barrière sur la voie des réfugiés illégaux des pays d’Afrique subsaharienne en Europe. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi le Sahel est l'un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, ce pays n’ayant jamais eu d’Etat au sens proprement dit à l’instar de bon nombre de régimes dictatoriaux qui s'appuient sur des proches soit familiaux ou régionaux pour conserver le pouvoir, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l'armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparé par de différents groupes qui opèrent au Sahel. Déjà, les rapports entre le Sahel et la Libye de Kadhafi étaient complexe, ce dernier s'appuyant sur les Touaregs, minoritaires dans tous les pays de cette région, et s'estimant maltraités aussi bien par les Arabes au nord que par les subsahariens au sud, leur donnant des armes et de l'argent avec la possibilité de les utiliser contre les gouvernements du Sahel.Encore qu’il faille ne pas confondre la stratégie des Touaregs, locales, avec AQMI qui est une organisation supranationale avec une composante de pays variés ayant ses propres filières de contrebande.
5.- Pour Eric Denécé, Directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, est clair sur l'origine de la situation présente : «Il faut dire et répéter que le facteur déclenchant tout cela est l'intervention occidentale en Libye ». Il est rejoint récemment par le nouveau directeur du FBI, James Comey qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès «qu’Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l’Afrique du nord et du Sahel». Il a cité l’opération terroriste perpétrée contre l’installation pétrolière de Tiguentourine en Algérie (Illizi) ainsi que celles commises contre le consulat américain à Benghazi et la mine d’uranium exploitée par une société français à Arlit (Niger).
6.- Pour le directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Matthew Olsen, dont les services dépendent du Directeur du renseignement national des Etats-Unis (DNI), devant la commission sénatoriale que si l’intervention militaire conduite par la France au Mali a permis de chasser Aqmi et ses alliés des villes qu’ils contrôlaient auparavant, ces groupes arrivent, cependant, à trouver refuge dans les zones les moins peuplées du nord du Mali et continuent à commettre des attaques de représailles. C’est donc dans un contexte d’instabilité dans la zone sahélo-saharienne, que le Maroc a accuilli le 14 novembre 2013 au niveau ministériel, une conférence régionale sur la sécurité des frontières où la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) qui a regroupé 28 Etats de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb avec comme prolongement, les 06/07 décembre 2013 au niveau des chefs d’Etat en France à l’initiative de l’Elysée
7.- La plupart des dirigeants du Maghreb de l’Afrique de l’Europe et des Etats Unis d’Amérique s’accordent dorénavant sur la nécessité de coopérer d’avantage face à la menace de l’insécurité et du crime organisé, thème qui sera développé lors d’une rencontre internationale des experts le 04 décembre 2013 à Paris, en marge du sommet des 06/07 à laquelle je participe (3). La résolution finale mettra certainement l’accent sur l’obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens et internationaux, du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d'armes ou la drogue, menaçant la sécurité régionale et par ricochet l’Europe et les USA. Et ce comme cela a été mis en relief lors de la 22ème conférence régionale africaine internationale d’Interpol, tenu à Oran (Algérie) en septembre 2013, à laquelle j’ai participé, où ma résolution finale stipule l’urgence d’une coopération tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale avec l’implication de chacun des Bureaux centraux nationaux d’Interpol des 190 pays membres, nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme.
8.- Cela rejoint la position des Etats-Unis d’Amérique, notamment du directeur du FBI, James Comey qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès qu’Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l’Afrique du nord et du Sahel. Pour le directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Matthew Olsen, dont les services dépendent du Directeur du renseignement national des Etats-Unis (DNI), devant la commission sénatoriale que si l’intervention militaire conduite par la France au Mali a permis de chasser Aqmi et ses alliés des villes qu’ils contrôlaient auparavant, ces groupes arrivent, cependant, à trouver refuge dans les zones les moins peuplées du nord du Mali et continuent à commettre des attaques de représailles. C’est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques notamment entre les USA/Algérie, le Maroc/USA, sans oublier la Tunisie. Concernant l’Algérie, cela a été formalisé lors de la première réunion qui s’était tenue en octobre 2012 à Washington, après la 5ème session du dialogue militaire conjoint algéro-américain. Les Etats-Unis considèrent ce Dialogue stratégique comme "le fondement" sur lequel les Etats-Unis et les pays du Maghreb l’Algérie ambitionnent le renforcement de leurs relations futures dans les domaines politique, économique, culturel, scientifique et sécuritaire, notamment de lutter contre le terrorisme international.
9.- Il s’agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l'application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes.
10.- Cependant la résolution de ce mal implique de s’attaquer à l’essence (un co-développement) et non aux apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial – WEF- du 14 novembre 2013 qui révèle que fortement secoués depuis deux ans par des crises politiques à répétition, les pays d'Afrique du Nord, dont fait partie l'Algérie sont à l'aube d'une crise majeure et sont une source d'inquiétude, ces pays traversant une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. L’étude met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage : «une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques populistes alors que l’ampleur de la récession mondiale et le rythme du rétablissement ont laissé des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse».
11- Le rapport considère «qu’il y a maintenant un consensus croissant selon lequel la région (Mena, Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l’orée d’une période d’incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation de la société ….la fracture la plus visible est celle entre ceux qui veulent qu’un Islam politique joue un rôle public et ceux qui veulent une séparation de la religion et du gouvernement». La laïcité que certains veulent assimiler faussement à «athée»- alors qu’il s’agit de la séparation de la religion et de la gestion de l’Etat - reste un sujet qui divise toujours au sein des sociétés arabes et nord-africaines, malgré les déconvenues politiques qu'ont connues les islamistes dans les pays ayant vécu le «Printemps arabe».
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, expert International en management stratégique
(1) Mokhefi Mansouria et Antil Alain – CNRS/Alpha (27/12/2012) «Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés»
(2) Une importante étude sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul paraitra courant décembre 2013 à l’Institut français des Relations Internationales- IFRI- (8ème think tank mondial) sur le thème «Le Maghreb face à la sphère informelle» en cinq chapitres – La situation des économies maghrébines – Problématique de la définition de la sphère informelle (liens entre bureaucratie et l’informel) - Le poids de la sphère informelle dans les pays du Maghreb- Les effets indirects du secteur informel (corruption- travail des enfants – drogue) et enfin comment intégrer la sphère informelle au sein de la sphère réelle.
- Deux important ouvrages coordonnés par le professeur Abderramane Mebtoul et le Dr Camille Sari (de la Sorbonne) paraîtront fin décembre 2013 – tome 1-traitant des institutions et de la gouvernance (480 pages) et le tome 2 des volets économiques sous différents aspects (450 pages) regroupant pour la première fois -36 experts et professeurs d’université algériens- marocains- tunisiens- mauritaniens et libyens- européens. Il sera édité en premier lieu en Algérie, avec par la suite une co-édition au Maroc et en France
(3) En partenariat avec le Ministère des Affaires Etrangères, la Direction Générale de la Mondialisation, du Développement et des Partenariats et l’Agence Française du Développement la revue internationale «Passages» organise le mercredi 4 décembre 2013 à Paris une rencontre sur «l’Afrique» en marge de la conférence organisée par la France du Sommet France-Afrique qui se tiendra les 6 et 7 décembre à Paris. Elle débouchera sur une publication par les chercheurs africains et européens, qui, pour la première fois, fera la lumière sur cette zone transfrontalière où si conjuguent des potentialités politiques de gouvernance, économiques de développement et socioculturelles. Participeront le professeur Emile H. Malet, Directeur de la revue Passages et de l’association ADAPes, Edmond Alphandery, ancien Ministre de l’Economie, Philippe Douste-Blazy, ancien ministre Président de l'organisation internationale UNITAID, Marc Dufumier, Directeur d’UFR, AgroParisTech,Baba El-Hadj Mallah, Directeur Général de l’Institut du Pétrole de MAO, Tchad, Laoukissam Feckoua, ancien Ministre du plan du Tchad Maître de conférences, Département de géographie, Université de Paris-X Nanterre, Alain Karsenty, économiste au département environnement et société, CIRAD, Mahamoud-Youssouf Khayal, Directeur Général, Centre National d’Appui à la Recherche, Tchad, Gunnar Lund,Ambassadeur de Suède en France et Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, Algérie.
Commentaires (3) | Réagir ?
Bonjour
Le matin DZ devait essayer de "Consommer" avec modération les écrits de notre "Celèbrité Broffessor" spécialiste en affaires anciennes finies et en plats réchauffés.
Monsieur le "Brofessor", n'est il pas temps pour vous de partir enfin en retraite ??
Vous qui aviez été toujours tout prés de la "Mangeoire Algérie" (Conseiller énergie depuis les années 70), vous avez certainement les moyens matériels de savourer une retraite dorée et faire de fabuleux voyages autour de la planète. Il y a des choses merveilleuses à découvrir "Ya M'haynek". !!
N'êtes vous toujours pas convaincu que ce que vous appelez "L'Europe" a toujours compris la problématique géopolitique mouvante de l'Afrique en général et de ce que les bedouins d'orient appellent "Sahel" et "Maghreb" ??
N'êtes vous vraiment pas rassuré que cette "Europe" a toujours su défendre ses interêts, tous ses interêts et que ses interêts. ??
Est il vraiment nécessaire de se faire autant de soucis, de pondre livres, articles, déclarations et tenir conférences, coloques et réunions, pour "sauver" cette "Europe" menacée, selon vous et vos copains par le "Chaudron Afrique". ??
Et si vous nous souffliez plutôt quelques élements de concepte de "Solutions géniale", plutôt "Finale" ("Endlösung" dirait Hitler). Solution qui débarrasserait à jamais l'Algérie de la gangraine de Oujda et de toutes ses ramifications. ??
Les peuples Algériens vous feront heros. Ils vous érigeront un memorial en lieu et place de "Houbel" sur les hauteurs d'Alger.
Cordialement.
Rabah Benali
Les pays du Maghreb, récoltent le fruit de leurs hypocrisies, dont notre pays est le premier fautif, alors Monsieur qui êtes aux affaires du pays depuis 1974, vous en savez des choses, alors cesser de nous jouer les innocents et payer le prix de vos trahisons faites aux peuples nord Africains.