Achoura, la fête des absents
Fêtée ce jeudi à travers tous les villages de Kabylie comme dans toutes les contrées de notre vaste Algérie, Achoura ou Taachourt est la journée où l’on se souvient des absents, des morts, des disparus.
Par Rachid Oulebsir*
Nous nous recueillons devant leurs tombes, nous célébrons leur mémoire dans les mausolées, nous convoquons les plus vieux souvenirs pour en tirer gloire et nous en alimenter. Nous ravivons les anciens reflexes de solidarité pour prendre en charge les pauvres et les démunis. En leur nom nous faisons don d’oboles, d’une partie de nos biens, pour secourir les pauvres et les démunis.
Achoura fait partie de ces moments privilégiés, ces haltes providentielles où l’on tente d’être soi-même, de se réapproprier des oripeaux de notre culture, de retrouver des repères et des appartenances dans ce grand fouillis de valeurs gadgétisées que nous appelons modernité. Notre identité en perpétuelle recomposition est faite de rituels conviviaux, de traditions festives et de coutumes tenaces qui se diluent peu à peu en se mariant avec les attributs mutants de la vie moderne superficielle. Nous exprimons ce cocktail culturel en nous infligeant une multitude de comportements sociaux éphémères et singuliers souvent folkloriques qui habillent notre identité du jour, et qui font que nous sommes nous et pas les autres.
C’est souvent une belle confusion dans les esprits, notamment chez les jeunes ! Quelles différences dans les contenus entre Yennayer, et Tafsout entre le Mouloud et Taachourt ? Que reste-t-il donc de cette fête religieuse antéislamique ? On se réfère alors fatalement aux souvenirs des anciens !
Taâchourt est une journée particulière. Elle n’a ni le caractère libérateur de l’Aid’Sghir, la fête du pardon, qui met fin à un mois de privation et à la gloutonnerie nocturne du Ramadhan, ni le cachet sacrificiel rituel de l’Aïd-el-adha. Elle ne prend pas non plus les formes carnavalesques de "Amenzou Tefsout" où des hordes de jeunes sortent dans des tenues bariolées excentriques pour se rouler dans l’herbe et accueillir le printemps ou encore les sorties villageoises pour des pique-niques lors des «Labours d’Adam» à l’occasion du tracé du premier sillon d’automne accompagné des rites propitiatoires.
Achoura est notre 8 Mars
Taâchourt, fête juive que les musulmans se sont appropriée, prend un caractère de fête moderne, proche du 8 mars, la journée internationale de la femme, puisqu’elle suspend tous les grands travaux pour la gent féminine. La filature et le tissage, les moutures et les lavages de linge à l’exception de la cuisine, sont interdits sous peine d’une malédiction qui s’exprimera par des trémulations des membres supérieurs. Cette croyance est à l’évidence colportée par nos grand-mères qui y trouvaient autrefois leur avantage, un moment pour se soustraire aux corvées paysannes éreintantes. Dans de nombreux villages Achoura est marqué par un rite sacrificiel propitiatoire. On immole veaux et moutons dans le cadre d’une Timechret, le partage équitable de la viande et la prise en charges des démunis .Les garçons nés ce jour auront tous pour prénoms Achour.
Dans la vallée de la Soummam et les villages des contreforts méridionaux du Djurdjura, Taâchourt est la fête des absents. On ne parle pas de morts parce que, pour les paysans des montagnes, les âmes sont immortelles ! Elles rodent, et reviennent régulièrement nous imposer des célébrations, des commémorations. Les oreilles les plus sensibles auront entendu Anza, la plainte des victimes de mort violente. Ces voix inaudibles pour le commun des mortels demanderont un sacrifice, Asfel, pour protéger la communauté des violences à venir. Achoura revêt un caractère de rite collectif dominé par la visite au mausolée de l’ancêtre, le recueillement sur les tombes des proches défunts, le don et l’offrande de tout ce qui peut soulager des familles pauvres et le repas spécial préparé avec les restes de viande du mouton de l’Aïd. Pour le symbole on ne consomme rien de frais, mais des restes et des conserves (olives et figues sèches, viandes conservée au soleil, céréales et fruits secs) .On prépare, Tahvoult lekhliâa, une galette de semoule de blé farcie de viande sèche (Achedlouh), ancêtre de la Tourte, et voisine de la pizza, que nous consommons fumante arrosée d’huile d’olive. Le partage avec les voisins et les passagers complète le rite.
Se recueillir sur les tombes
Comme durant la fête de l’Aid-El-Adha, les familles se rendent dès les premières lueurs de l’aube au cimetière pour se recueillir devant les tombes de leurs proches. On y offre des petits déjeuners copieux aux passants, du café du thé, des beignets au miel et une panoplie de gâteaux labels de la gastronomie de la région ! On y récite des sourates et des prières bienfaitrices. Quand le souvenir est trop vivace on soulage son cœur par des larmes sincères. Certaines femmes ont coutume de s’asseoir longuement à côté de tombe du mari ou celle de la belle mère. C’est une vieille règle. Elles parlent à l’âme du mari, lui donnant des comptes sur la marche de la maison comme elles le faisaient de son vivant. Certaines n’ayant plus les rennes de la famille, pouvoir délégué à la bru, se contentent de prier et de demander le pardon aux âmes des anciens. "C’est à toi de leur accorder le pardon pour toutes les misères qu’ils t’ont fait subir" affirme le fils accompagnateur. "Ne blasphème jamais en ce lieu" répond la vieille mère emportée par ses croyances candides.
L’après-midi est réservé au mausolée. L’aîné de la famille, a le devoir d’accompagner les femmes dans la visite du sanctuaire historique gardien de la mémoire collective.
Nous remontons de la vallée de la Soummam à travers les hameaux montagneux du versant méridional de la grande dorsale du Djurdjura qui domine la haute vallée et sa voie romaine. Agoni-Goroiz, le chef-lieu de la commune d’At-Mélikèche, à 1000 m d’altitude, est animé par ce bel après-midi ensoleillé. Un monument aux morts est récemment dressé sur la droite du siège de l’APC. Les coteaux moutonnant vers l’est à perte de vue se recouvrent d’une verdure naissante, Takharfit, que les doigts du soleil peignent avec les pluies tardives ! De jeunes bergers gardent des chèvres entre les figuiers dénudés par la main de l’automne et les frênes à l’allure fantomatique. Le panorama est d’une beauté incomparable, nous dominons les fins fonds des plaines verruqueuses du Hodna au sud, les mystérieuses pinèdes du Tamgout à l’ouest, le majestueux vallonnement brumeux des monts Bibans qui étirent la basse vallée vers les lointains Babors qui mouillent leurs pieds à Bejaia, dans la méditerranée.
Sidi-el-Moufaq, Une association au service des démunis
Chaque année à pareille période les villages des Mèlikèche se mobilisent pour vivre Achoura, l’événement le plus féminin des rituels du patrimoine culturel immatériel régional. Sertis comme les perles d’un chapelet rougeâtre sur le chemin de wilaya n°7 qui serpente à travers les contreforts des monts d’Agdal, les douze hameaux de la vieille tribu originaire de la Mitidja, sont fédérés par la mémoire de leur guide spirituel Sidi-El-Moufaq, un lettré andalou chassé d’Espagne, à la fin du 15ème siècle. Les règles de cohabitation sociale instituées par ce meneur d’hommes sont encore appliquées de nos jours telles que prescrites dans son ouvrage datant de l’an 902 de l’hégire (Taâlaqt).Une association socioculturelle portant le nom de l’ancêtre active en organisant festivités, célébrations rituelles et commémorations. Taâchourt entre dans le programme annuel de cette association : "Nous avons accueilli plus de 2000 visiteurs, venus depuis ce matin se recueillir devant le tombeau du Saint Sidi-El-Moufaq, le guide spirituel de la vieille tribu des At-Mélikèche. Nous avons offert à tout un chacun de la limonade et des gâteaux. Les femmes et les enfants sont très nombreux comme vous pouvez le constater", affirme Zoubir Badji le président de l’association Sidi-El-Moufaq qui gère le mausolée au nom des douze villages qui revendiquent un lien historique avec le saint homme, avant d’ajouter "L’association a offert pour les familles pauvres de chacun des douze villages une quantité de coupons de tissu équivalente à une centaine de robes. A chaque événement l’association engrange un pactole intéressant, en plus des dons en nature, tissus, animaux de sacrifice etc. "Cet argent sera compté en public et versé au compte bancaire de l’association. Il servira à l’assistance les pauvres et les nécessiteux de notre commune. Tout comme nous pourrons financer des travaux de nature sociale comme l’AEP, l’ouverture de pistes, la construction de fontaines, de maisons pour les jeunes etc", explique Abdelhafid Oulebsir, descendant de la lignée de Sidi-El-Moufaq et membre de l’association éponyme.
Le cercle des bénédictions
L’incessant défilé de femmes et de jeunes filles tourne devant Agraw, le cercle des bénédictions. Une dizaine de marabouts lancent à haute voix des suppliques et des prières pour intercéder auprès des hautes divinités. Les demandes sont pressantes, il s’agit de hâter la guérison d’un malade, de mettre fin à la stérilité d’un couple, de ramener saint et sauf un émigré qui tarde à revenir, de redonner de la chance à de nombreux infortunés qui n’arrivent pas à trouver la voie du succès, de protéger du mauvais œil une famille qui a socialement réussi et bien d’autres miracles que de nombreux pèlerins pourront jurer avoir vu s’accomplir. Le parvis (Azriv) de plus de 400 m² ombragé par un palmier tricentenaire et les ramures tentaculaires d’un figuier géant, est noir de monde. Les uns s’en vont d’autres arrivent. Le parking est saturé. Hadj Avelkader, le rapsode au turban de soie jaune crie plus fort que jamais, appelant Dieu, quémandant une saison prolifique, le retour des émigrés (Ighriven), la prospérité et la tranquillité pour la région . En chœur les marabouts du cercle approuvent d’un mouvement du corps, le buste vers l’avant répétant «Amin,ya reb El-alamin».
Les oboles (waâda) pleuvent, des billets de 200, de 500 voire de 1000DA sont rangés dans un coffre en bois. Après avoir longuement attendu son tour, une vieille cousine âgée de 81 ans, dépose ses billets auprès du marabout Hadj Abdelkader, 200 DA pour chacun de ses enfants et autant pour les absents. «Priez pour mes enfants, qu’ils aient de la chance, que Dieu éloigne d’eux les maléfices et la haine de leurs ennemis». Le marabout lance d’une voix gutturale fatiguée des suppliques à donner la chair de poule. Ma vieille femme a les larmes aux yeux.
Nous quittons le cercle des bénédictions pour visiter la crypte. Des milliers de ces êtres simples à l’âme candide fêtent Taâchourt en ce lieu environné de magie, animé par de vieilles croyances et des rites immuables. Ils ne partiront pas sans avoir mangé du couscous de la Baraka et bu de l’eau de source pour la purification. Les vieilles personnes se recueillent devant le tombeau de l’ancêtre dans la grande pièce où sont réunies ses reliques et ses symboles. Des grappes de grand-mères bavardent et se confient pour soulager le poids de l’âge, les tourments des multiples échecs et des anciennes souffrances. De belles et graciles jeunes filles habillées de jeans ou de robes kabyles accompagnent leurs mamans dans ce pèlerinage. Cette visite d’un espace-temps d’une autre durée de notre patrimoine immatériel mettra sans doute toutes les chances de leur coté. Par ces temps de misère sociale et de déclin intellectuel, il faut bien s’accrocher à quelques rêves, mêmes les plus phantasmatiques.
R. O.
*Ecrivain, essayiste, chercheur en patrimoine culturel immatériel
Commentaires (11) | Réagir ?
@Massi: Comment expliquer à Zaint charles et Zi Rachid, l'essayiste, les dessous du statut de "Marabout Kabyle", comment leurs expliquer cette arnaque du "Harki Religieux" des commençant de Sabkhat (sel et autres produits ramenés par des caravanes de chameaux jusqu'aux pieds de nos montagnes) du Western Sahara qui ont réussi à monter un Etat Almoravide depuis une petite ile saline du Sahara occidentale, via la Maurétanie, le Maroc, ses berbères Lemtouna, Zenaga, après un croisement avec les Nègres et les arabes Makil, ont crée ce que les Espagnols appelaient MAURES, comment ses échanges commerciaux ont crée chez une classe de commerçants riche et religieux qui se comporte comme une race supérieure par un don de guérison et divers "Hrabaches", c'est exactement le système Bouteflika, l'argent du pétrole et la réconciliation nationale.
Et comment Nana Franca a surfer sur ces sensibilités, sur cette classe religieuse pour avoir des alliés locaux dans la gestion de leurs colonies! voila ce que je veux expliquer aux gens pas seulement à Charles, lui il est conscient de la chose mais piqué par l'environnement fermé de nos Marabountas, la cause de notre effritement, la kabyle se divise et s'effrite à cause de mauvaises interprétations de faits historique, on voit ce qui se passe chez les Mzabs à l'heure actuelle.
N'est ce pas ce qui risque de se passer en Kabylie et ailleurs en Algérie, choisir des recrutements dans le service publique sur la base d'appartenance de confréries religieuses, est un acte criminel. quel sera notre avenir! il faut se ressaisir sinon la fin approche.
J'invite Monsieur Oulebsir d'être plus critique et plus profond dans ses écris et ses interprétations religieuses ou traditionnelles! tanemirt
Voici un Lien sur les Etats de l'époque:
http://www. wdl. org/fr/item/53/view/1/1/
RMII (The Ugly)
Tu ne vas tout de meme pas nous chanter une sourat Arabe en Kabyle, si ? - Je suis ne' apres la guerre et ne comprends RIEN, absolument rien a l'arabe algerois... ni mes parents ni mes grand-parents, ni personne dans mon village, ceux des alentours ou tout l'aarch... Et ainsi, les gens, recitaient des sourats !!!!! incroyable, les fantasmes pour se conformer aux pratiques orientales ou pire, leurs versions copie'es euro-orientalistes... faut faire comme le maitre !
La plus vieille religion d'Afrique et d'une maniere uniforme a travers tout le continent est le cult de l'ancestre. Autrefois, je veux dire avant l'arabie, la palestine ou la jude'e, les gens descendaient dans les tombeaux et sacrifiait des petits animaux (de la volaille en general, ou du gibier) - C'est cette pratique qui a survecu et s'est transforme'e au gre' des puissants. Des l'arrive'e de puissants etrangers, ces pratiques se sont batardise'es avec des interpretations dans tous les sens... En Ethiopie et chez pas mal de Noirs Americains en quete de leurs heritage et identite' perdus, s'affirment juifs et accusent memes les israeliens d'etre des faux juifs, c. a. d. des impostures qui s'approprient des savoirs et coutumes apprises en Egyptes, quand ils y etaient esclaves d'origines indienes... et nous y voila aussi... soudainement, on nous invente des affiliations soufies islamistes - Comme si, il aurait (notez le conditionnel) fallut attendre le 7 eme siecle pour nous forger des croyances. Helas, les croyances ne sont rien d'autre que des observations devenues traditions au fil du temps. Helas pour votre theorie, la seule richesse africaine est le temps - beaucoup beaucoup de temps, pour que ces traditions poussent. Les plus anciens ornement de fetes (coquillages) de ceremonie et rituel datent de 80 000 ans tant en afrique du sud qu'en afrique du nord. Mais comme l'afrique n'est qu'une planete de singes, il nous aura fallu attendre les marabouts pour tous nous expliquer biensur. Ces arabesques messieurs n'ont jamais ete plus que des fables raconte'es par des marchants Kabyles qui s'aventiraient dans les valle'es du pays chaoui. Ils y emmenaient Zit, Inighmenes et des bijoux, outils en acier, et autres objects en bois et ramenaient d'autres produits incluant des bergers et de la main-d'oeuvre (metayers) - sans terre ni statut.
Voila donc qui a recu le status de marabout des francais. C'est eux-meme qui ont ramene' terme-meme d'ailleurs, en Kabylie. Vos melangeries avec les arabes les camemberts, etc. peuvent pas etre vraies dans les valleys, mais absolument pas dans les villages du Djurdjura. L'arnaque religieuse aura deja ete une vieille histoire, deja regle'e 2 siecles avant entre vrais guerriers et non des brigands de nuits, sur les villages isole's de biskra, bousaada, et ailleurs.
Meme ces histoires de guerriers berberes et je ne sais quoi, convertis et partis en europe n'est qu'une fabulation. Les pedophiles islamistes ont bel et bien kidnappe' des adolescents qu'ils livraient en 1ere lignes de combat a la tribut suivante (enfants-soldats) et rien de plus. Quand il a fallut se battre, ils ont ete evicte' de france et rendu en espagne. La plupart d'entre-eux ont ete foutu en bateau et envoye's en Amerique du sud - SOUS LA CROIX ! (leur pd-en-chef a toujours un verset d'exit "les gens du livres sont cools".
Alors messieurs si vous voulez etre dignes de vos ancestres et leurs traditions, il faut etre Cool ! les armes a la main biensur. Le reste n'est que du blog pour les batards de l'arme'e francaises. Il n'y a pas que l'ALN qui avait ses maisons sures, les vaincus du vietnam aussi avaient leurs reseaux maraboutiques. . . Les traces de leur peepee set toujours.... camembert ! Memes les afgans ont vite compris ca. ils ont un nom pour eux "les infidels" c. a. d. traitres contrairement a nous mecreants. Ils nous combattent et ils les decapitent... le vrai salam arabe - Apres tout, ils n'en ont pas besoin !
L'ignorant est de retour, attention à vos yeux! Vous risquez de déchiffrer (à défaut de pouvoir lire) lâ3jév ! Avahloussis dhég ouvellaâ3, nétsa yettammâ3 édella3 ! Ah ya vou chemma!
Nous finirons par croire que vous avez dû subir quelque chose d'inavouable de la part d'un amravédh. Allez, ne soyez pas géné, dîtes-nous tout ! Que vous a-t-on fait subir pauvre ignorant?
Cela doit être d'une telle cruauté! Allez-y à miss na H'djila mou kardoune, videz votre sac si cela peut vous guérir de vos névroses.
Une fois guéri, vous irez apprendre les rudiments de l'orthographe de façon à nous livrer des choses lisibles proches du français.
Non, je ne suis ni un camembert ni une vache qui rit, et pourtout tu t'es vite reconnue machere... C'est pas mal, non ?
Essaie de dechiffrer: Ton baba n'est pas sur internet, il est dans le MINITEL ! allez fiisa !