France : le pari pro-Roms de Gardanne face au Front national

La municipalité communiste a mis à disposition des Roms un terrain.
La municipalité communiste a mis à disposition des Roms un terrain.

"On n'a rien inventé, on n'a fait qu'appliquer la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui stipule que les hommes naissent libres et égaux en droit".

Le maire communiste de Gardanne, (Bouches-du-Rhone), Roger Méï, a fait le pari d'intégrer des familles roms dans cette cité de 21.000 habitants située entre Aix-en-Provence et Marseille, région où le Front national obtient des scores généralement très élevés. Un pari électoralement risqué dans une ville qui a donné 26% des voix à Marine Le Pen lors de l'élection présidentielle de 2012, bien devant François Hollande et Nicolas Sarkozy.

"On a simplement pris notre part d'humanité", dit-il à cinq mois des élections municipales, où le thème de l'intégration des Roms risque de peser lourd, comme en témoigne la récente polémique entre le ministre de l'Intérieur Manuel Valls et sa collègue écologiste du Logement Cécile Duflot.

Gardanne accueille depuis plus d'un an une douzaine de familles roms qui ont trouvé refuge sur une ancienne friche industrielle dans cette cité ouvrière aux murs rougis par les résidus de bauxite issus de l'extraction de l'alumine dans la dernière grande usine de la commune encore en activité depuis la fermeture de la mine de charbon, en janvier 2003. C'est d'ailleurs sur le carreau d'un ancien puits de la mine que 80 Roms sont aujourd'hui installés : 35 adultes, 19 enfants de moins de 6 ans, 26 autres plus âgés.

Dans leurs caravanes et des maisons mobiles fournies par des associations, ils disposent de points d'eau et d'électricité. "Ce n'est pas le grand luxe, sans douche ni toilettes, mais personne ne les chasse", explique la vice-présidente du collectif Rom de Gardanne, Christine Verilhac.

La maîtrise du nombre

Nicolaï, le chef de l'une des onze familles du camp, évoque dans un français hésitant "le racisme et la xénophobie" dont les Roms sont victimes en Transylvanie, sa région d'origine. "Après plusieurs années d'errance, on a un endroit où se poser sans craindre que la police nous expulse. Il est très dur de supporter que l'on détruise plusieurs fois par an le peu de choses qu'on a", dit-il par le truchement d'une interprète.

"On n'est pas là pour créer des problèmes, on veut juste vivre un peu mieux", ajoute-t-il. En contrepartie, la municipalité a posé ses exigences. Les Roms ont signé une charte de bonne conduite les engageant à scolariser leurs enfants et à ne pas mendier dans les rues.

La clé de la réussite, c'est aussi la maîtrise du nombre. "D'autres familles sont venues, on les a chassées. Une famille s'est manquée, elle n'a pas respecté la charte, on l'a chassée aussi", déclare Roger Méï. C'est le prix à payer pour obtenir une stabilisation de cette population nécessaire à la scolarisation et au suivi médical des personnes, deux conditions incontournables sur la voie d'une possible intégration.

"Quand on est posé, même dans des conditions difficiles, on peut commencer à travailler plus en profondeur car l'épée de Damoclès qu'est l'expulsion n'existe plus", souligne le vice-président de Rencontres Tziganes, Marc Durand. "On peut envisager le lendemain sinon sans inquiétude, du moins sans l'angoisse de cette expulsion toujours imminente". Il estime à 2.000 le nombre de Roms présents dans les Bouches-du-Rhône sur les 20.000 que compterait la France. "Difficile dans ces conditions de parler de déferlante, mais les clichés ont la vie dure. Les Roms nous renvoient l'image dégradante de nos peurs et de nos craintes", estime-t-il.

A Gardanne comme ailleurs, les a priori entourant les Roms restent tenaces. Régulièrement resurgissent les rumeurs d'enlèvements d'enfants, d'une augmentation incontrôlée des cambriolages, rumeurs régulièrement battues en brèche par les statistiques des services de la police municipale.

Le maire communiste, qui, à 78 ans, devrait briguer un nouveau mandat au mois de mars, a pris ce pari sans méconnaître les risques électoraux. "A un moment donné, il faut savoir prendre ses responsabilités. Sans calcul politicien", dit-il. "Cette expérience était compliquée au départ, elle l'est toujours et cela risque de le devenir encore plus dans les prochains mois. Mais si c'était à refaire, je le referais sans hésitation."

Elu depuis 1977 à la tête de la ville, il a obtenu 55% des voix au premier tour du scrutin de 2008. Aucun des autres postulants au fauteuil de maire ne s'est pour l'instant prononcé sur la poursuite éventuelle de l'expérience au puits Z.

"On n'a pas le droit à l'échec", insiste le député écologiste de la circonscription, François-Michel Lambert. "Il y a une impérieuse nécessité à démontrer que 11 familles peuvent s'intégrer en quelques mois. C'est la seule manière de pouvoir convaincre d'autres communes à nous emboîter le pas."

Environ 20.000 Roms originaires de Bulgarie et de Roumanie vivent actuellement dans quelque 400 campements en France et continuent, selon Amnesty International, d'être victimes d'expulsions forcées en violation du droit international en matière de droits de l'homme.

Reuters

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